2e COLLOQUE INTERNATIONAL SUR LE ZOUK : Le concept de « résonance » : moteur de création du « Deep Zouk »

23-24 et 25 Octobre 2024 

Ville du Lamentin 

Nos musiques Caraïbes sont des musiques de résonances. La Martinique et la Guadeloupe, « nations du zouk »1, lieux de création du zouk profond (Deep zouk2) sont, de ce fait, des lieux de résonances. Ce concept de « résonance » qu’aborde l’écrivain Patrick Chamoiseau dans Le Vent du Nord dans les Fougères Glacées, est étroitement lié à la notion d’autodidactie, notion qui implique le fait de s’instruire par soi-même et de ne pas avoir de maître. Il fait de même écho à l’instase Hobbesienne : « lis en toi-même ». Dit de cette façon, l’on est tenté de croire que l’autodidacte communément appelé chez nous « Mizisyen lari », dans son process de création, s’affranchit de toutes contraintes ou de toutes règles et qu’il est gouverné par une espèce de liberté totale, comme celle d’un aventurier qui serait sur un terrain vague pour explorer un univers implexe de création. Dans le cas du zouk, il faut signaler que moult chanteurs, chanteuses et musiciens ne proviennent pas d’écoles formelles, classiques de musique, ils se sont formés sur le tas, en participant, çà et là, à des groupes vocaux, des chorales, des formations de choeurs et/ou expériences de groupes. Il en va de même pour le public-récepteur des dancefloors qui a su au fil du temps s’adapter et élaborer une poétique du corps en mouvement et de la relation au gré du temps et des sensations et univers que renvoie le créateur (rythme réglé de la danse). Moult esthésiques et esthétiques dégagées sur la période allant de 1979 à 1995 ou même à nos jours avec des groupes comme Kassav, Zouk Machine, Gilles Floro, Expérience 7, Taxi Kréol, Kwak, Rubicolor… témoignent de l’usage d’une grande palette sonore, rythmique, harmonique et mélodique, d’une grande diversité de zouk utilisée par les compositeurs de zouk. Le point commun à ces grands groupes est qu’ils suivent (in)consciemment l’appel du tambour, l’appel du son des mornes, la culture des communautés « bélya », le chant des habitations, la résonance à l’instar du conte, la trace africaine, l’énergie cosmique par ses vibrations profondes et multiples, ils chantent-tambour jusqu’à créer un langage propre à la création du zouk (métalangage, codes et sous-codes). Le zouk est une structure renaissante, hybride en mouvement, irruée, un étant (ontique) permettant des résultantes imprévues : « Le tambour avait voyagé dans le corps de ces déracinés, sa charge de puissance et de sacré était tombée obscure dans nos sangs mélangés », dixit Patrick Chamoiseau. 

Mais qu’est-ce que l’expérience du zouk amène à ce volet mystérieux de la « création » ? Quelles sont les conditions de création du Deep zouk ? De quoi se nourrit l’autodidacte pour créer ? L’autodidacte, lors du process de création, n’a-t-il pas à reconstituer une représentation inconsciente, un engramme, une imago, une trace, des mornes, des contes, des chants primordiaux pour permettre que s’emboîtent dans son esthésique et son esthétique traditions et modernité ? Mais quelles sont les composantes nécessaires à l’élaboration d’une thématique de zouk ? Sur quoi le compositeur se base-t-il pour créer un bon morceau, un tube ? Quels sont les assaisonnements et comment sont assemblés les ingrédients qui permettent ces fameuses résultantes imprévues ? Quels sont les fondements anthropologiques du zouk à partir des points de vue émiques (de l’intérieur du groupe social) et étiques (du point de vue de l’observateur) ? Quelles sont les structures musicales et rythmiques qui fondent la création du zouk ? 

L’histoire musicale du Zouk révèle une constellation productive d’éléments en transformation ou en interaction qui se régénèrent continuellement et font système (autopoïétique). L’histoire et l’essence de nos sociétés ne sont-elles pas constitutives d’une identité « marronne » empreinte d’un caractère libre, autonome favorable à l’autopoïèse du zouk ? Notre espace conscient est particulier en ce sens qu’il admet toutes sortes d’influences de la Caraïbe et du monde sans pour autant perdre son essence, sa « résonance ». Dans un sens, si on sait tirer profit par la conscience aigüe de ce que l’on est, cela ne pose aucunement problème. Néanmoins, celui qui absorbe sans filtre les influences du Tout-Monde, aura du mal à dégager la substance pour créer authentiquement ; c’est le cas des zouks créés hors de la « zoukosphère » que Jocelyn Jonaz nomme les « zouks urbains » qui ne sont pas enracinés et qui participent progressivement à la dénaturation du zouk. Kassav en tant que paradigme d’analyse, peut aider à dégager des pistes de réflexion sur : 

Les notions d’initiation, la part d’introspection, la part du sacré, animisme ancestral 

  • Réminiscence, mnème, engramme, imago, instase 
  • Construction de méthodes nouvelles de travail (le rapport des instrumentistes avec les tambours et les rythmes traditionnels : rites ascensionnels, la base rythmique gwoka-tibwa bèlè
  • Construction de langages ou de métalangages 
  • Origine et formation des artistes (élaboration d’une théorie et d’une pratique musicale
  • Le rôle de l’auteur-compositeur, l’auteur-interprète, de l’arrangeur, du parolier (particularités, création directe/indirecte, recherche de phrasés mélodiques et de motifs rythmiques, refrain(s), couplets, modulations et variations du discours musical, coda…) 
  • Le musicien-chanteur ou chanteur solo (esthétique, chant, variation phonique, phonostylistique, etc.
  • Élaboration de la charpente rythmique (esthétique, tempi, beatmaker, motifs rythmiques, clé rythmique, percussions, groove…) 
  • Conception harmonique (instrumentarium, esthétique, choix instruments acoustiques ou synthétiques, musique tonale / musique modale, polyphonie harmonique, phonostylistique, plages sonores, habillage musical…) 
  • L’importance de la langue créole (tressage de la langue, imageries, poétisation/prosaïsation du texte…) 
  • Le Home Studio (autoproduction, informatisation, ère post-industrielle) Le Studio et la Production (enregistrements des pistes, éditeurs, exploitation et commercialisation des oeuvres, adaptabilité aux nouveaux marchés…) 
  • Le rôle de la SACEM (la notion de propriété intellectuelle et son évolution, la notion de droits d’auteur, la notion de notoriété artistique par le biais des plateformes d’autoproduction comme MySpace, Youtube, Flickr, WordPress, Skyblog, etc.) 
  • La danse en que réception individuelle (poétique, langage et gymnique des corps, sensualité, motricité du danseur, motilité, codes…) – Les Dancefloors (adaptations, programmations, interactions…) 
  • Le rapport au spectacle : L’art de la scène- la chorégraphie 
  • Les performances vidéographiques 

À la lueur des travaux de Jean Molino, d’Alain Daniélou, Vladimir Vankélévitch ou de Jean-Jacques Nattiez (sémiologie de la musique), il sera intéressant de dégager à partir d’échantillons significatifs, la fonction symbolique, sémiologiques de cet art musical. Il sera bon de porter l’analyse du fait musical total sur le Zouk, par des approches sémiologiques (musique, écriture, danse…), des fragments d’expériences et de pratiques musicales permettant de déboucher sur une science positive de la culture comme propriété anthropologique de l’homme caribéen en tant que créateur d’outils musicaux et d’une acoustique constamment renouvelée. 

Les résumés des contributions d’une longueur maximale de 300 mots, ainsi que les notices biobibliographiques des contributeurs, doivent parvenir à NakanJEcontributions@gmail.com au 30 avril 2024. Le comité scientifique notifiera aux auteurs sa décision au 10 mai 2024. Ce 2ᵉ Colloque International aura lieu en présentiel du 23 au 25 octobre 2024 ; un lien de connexion sera précisé ultérieurement pour les contributeurs qui ne pourront être présents.