Gérald Désert
Université des Antilles
Cet ouvrage de Body Ngoy, auteur polyfacétique, illustré par des représentations graphiques, écrit sous forme d’essai vient compléter notre connaissance du Zouk à partir du regard porté par l’auteur depuis son enfance en République Démocratique du Congo puis au Canada, son pays d’adoption. C’est un complément de l’ouvrage que j’ai publié en 2018 aux éditions Anibwe, intitulé Le Zouk : Genèse et représentation sociale d’une musique populaire, mais aussi des travaux rapportés (cf. site https://nakanjournal.com) après la réalisation du Colloque International sur le Zouk réalisé en 2019, pour les quarante ans de Kassav, à l’Université des Antilles, en collaboration avec la Ville de Schoelcher (Martinique). Si mon ouvrage est axé sur la définition de périodes formelles du Zouk de Kassav, dans cet exercice de réflexion, Body Ngoy affirme son désir formel de rechercher une vérité authentique sur la culture noire en prenant pour aune Kassav comme un « catalyseur de l’Afrosphère », en identifiant les moyens mis en œuvre par le groupe pour garantir sa longévité, sa créativité, sa productivité. Pour expliciter cette démarche de succès, l’auteur y définit sept vertus fondamentales :
- Une conception musicale militante basée sur les tambours
- Une affirmation identitaire collective et individuelle liée à la volonté d’élévation et de puissance des cultures dominées de la Guadeloupe et de la Martinique
- Une conscience prégnante des sources originelles (héritage africain) pour faire vivre le présent
- Le respect réciproque
- La reconnaissance et la valorisation des talents individuels
- Une éthique du travail
- Unité et intérêt général ou soutien (alliances stratégiques, solidarité, entraide, collaboration et réconciliation)
Nous retrouvons, émaillés dans cet ouvrage des éclairages sourcés sur le rapport fondamental de la Caraïbe et de l’Amérique à l’Egypte ancienne pour ce qui est de l’origine des tambours, de la guitare et du carnaval. Malgré le brouillage délibéré sur les origines socio-culturelles de ces quelques supports et célébrations durant la période coloniale et post-coloniale, il n’en demeure pas moins que l’esprit Caribéen incarné dans Kassav se réapproprie, et avec raison, la culture-source pour en faire un vecteur d’existentialité dans la rencontre des cultures-monde. Ces éléments énoncés sont constitutifs de la dimension « internationalisante » du projet Kassav. Cette expérience de réminiscence par Kassav est un soutien pour les minorités et une initiative positive de l’État canadien, état précurseur, qui utilise le levier de la « diversalité » (concept glissantien) comme « unité dans la pluralité ». Par l’entremise de cette analyse, l’expérience Kassav est un paradigme de l’« Afrosphère » pouvant aider à mieux percevoir le développement de nos régions discriminées.