La construction de l’identité antillaise :
l’exemple du zouk /

Shaping the west indian identity : about zouk


Malissa CONSEIL

Université des Antilles

Abstract

Since it stems from a chaotic and ever-developing historical background (historicity), the West Indian musicology is deeply rooted into an abundant system of affluent and influential performances and traditions. As it is a real senses clockwork indicator between men and women, does Zouk appear more as the announcing landmark of an identity claim than of a recognition fact in this process ? As Zouk is a sheer sign of an intercultural praxis, aren’t its representations – the stigma of spatiotemporal turmoils – the signs of transcending the Being that they lead to a collective transcendance, a true renewal ?

Issue d’une historicité chaotique et évolutive, la musicologie antillaise s’enracine dans un enrichissement de confluences et d’influences performatif et traditionnel. Véritable métronome du baromètre sensoriel des hommes et des femmes, le zouk apparaît-il dans cette dynamique plus comme un précurseur de l’affirmation d’une identité que d’une action de reconnaissance ? Représentatif d’une praxis interculturelle, ses représentations portant les stigmates des bouleversements spatio-temporels ne sont-elles pas l’expression du dépassement de l’Être, le conduisant vers une transcendance collective, un renouveau.

•••••••••••


Antillaise, Martiniquaise, je me situe dans la zone de la connaissance du zouk de par mon écoute et mon regard, mais plus je cherche ce qu’est le zouk et plus je rentre dans une archéologie historique identitaire. Pierre Boulez attire l’attention de la France en disant que « en France on apprend à lire et à écrire, mais on n’apprend pas à écouter ou à regarder[1]» ; c’est une préoccupation que je partage lorsqu’on veut penser la musique aujourd’hui. La musique en tant qu’art se manifeste « dans l’imprévisible devenu nécessité », je crois que le zouk a pris naissance dans cette transcendance[2], cette nécessité d’exister faisant ainsi apparaître ce qui n’arrivait pas à être visible, le monde possible et l’intersubjectivité[3]. Politiquement, économiquement, socialement, intrinsèquement, la quête de reconnaissance du sujet sans cesse niée, refoulée, rejetée renvoyait l’Être à une altérité conflictuelle, miroir d’un « Moi » énigmatique.

La musique, la littérature, les arts ne manifestent-ils pas la volonté individuelle de communiquer à travers des codes universels, ceux de l’émotion et l’Être primitif, s’il en est un, se manifesterait dans cette pulsion créatrice originelle réveillant l’émotion sans aucun doute universellement partagée par celui qui en est touché ainsi serait le cas de la douleur[4], laquelle s’évalue dans son intensité sur une échelle de 1 à 10. S’il est possible d’évaluer l’émotion, force est de constater que, celle de l’esclavagisé ou du colonisé, ne comporte pas de critères d’évaluation au regard de l’oppresseur. Néanmoins l’émotion est perceptible voire visible, pour ceux qui en souffrent et ceux qui n’en veulent plus. C’est donc au cœur de cette altérité[5]que se pose la question d’une identité antillaise à travers le zouk. L’approche phénoménologique m’a semblé nécessaire pour aborder cette question en commençant par une historiographie brève mais indispensable à ce contexte même si la musique ne revêt pas en soi de rationalité.

L’exemple du zouk s’inscrit dans l’histoire, tout en exprimant l’expérience du présent dans sa performance.

L’histoire du zouk est l’histoire d’un peuple, elle semble s’authentifier en tant que musique et danse à la fin des années 1970 avec la naissance de Kassav’, un groupe constitué de Français, nés en Guadeloupe et en Martinique. Mais alors pourquoi s’interroger à propos de cette identité et de l’affirmation de soi ?

Sans faire un cours d’histoire, je m’en tiendrai aux quatre étapes de l’histoire de l’espace caribéen comme matériau empirique[6] sur le zouk pour en exprimer ses représentations (le message qu’il véhicule c’est-à-dire la mémoire collective). Ensuite je décrirai le Zouk en tant que création d’un langage musical de l’expérience et de l’essence (la vérité et l’amour) à travers les témoignages de Tania Saint-Val, artiste guadeloupéenne, Orlane, artiste réunionnaise et Mathieu Marthély, artiste martiniquais[7].

Pourquoi évoquerons-nous l’Histoire
pour parler du zouk ?

La réponse m’apparut évidente dans la relation de l’histoire sur le présent, parler du présent c’est connaître son histoire, non pour y rester mais tendre vers l’avenir. Je cite Martin Luther King pour illustrer mon propos : « Le passé est jonché des ruines des régimes tyranniques. Chaque ruine reflète non seulement les erreurs de l’homme, mais aussi sa capacité à les surmonter[8]».

L’étude du Zouk nous amène à une archéologie historique et musicale que je ne pourrai retracer en quelques lignes mais, celles que j’ai choisies, ravivent la mémoire collective de l’Humanité sur le commerce triangulaire et ses conséquences sur l’Être.

La première étape que je nomme aux origines africaines, rappelle que les hommes esclavagisés sont des Africains d’origines ethniques diverses, pour la Martinique seule, on compte 75 à 250 ethnies différentes au cours du XVIIIᵉ siècle. Malgré une oppression mortelle de l’essence de l’Être par le travail. En effet, le travail[9] « devait humilier, torturer, briser la force de résistance, exténuer et détruire les gens », c’est-à-dire, les esclaves sur des plantations devenues, dans un sens plus contemporain, des camps de la mort du système esclavagiste du XVI-XIXᵉ siècle[10]. L’Afro-descendant se trouve l’héritier d’un patrimoine transmis de cette misère humaine où la transmission ne pouvait se faire que dans l’oralité. La multi-ethnicité donne lieu à un premier syncrétisme rituel, issu du besoin de s’unir comme exutoire aux souffrances. Il correspond à des procédés performanciels[11] où le conteur ou le chanteur, considéré comme le personnage central, développe des atouts pour capter l’attention de son auditoire. Dans ses chants les résurgences phonétiques et phonologiques, voire sémantiques seront les signes d’une opacité du son, tant dans son expression que dans son langage. Malgré une surface de lecture transparente du divertissement et de la ressemblance, l’émotion et le langage de ces chants seront l’expression d’une foi solidaire de la résistance. L’exemple des onomatopées d’ouverture kri-krak, que l’on retrouve dans les contes antillais, évoque l’appel et la participation des auditeurs. De même que la danse[12] perpétuera une correspondance unilatérale du rythme vers le corps, la lecture, en surface, demeure une vision diabolique au regard de l’Autre parce qu’elle ne reste que sexuelle[13], mais, en résurgence, manifeste un exutoire. « Beaucoup des titres de Kassav’ illustrent cette communion au zouk, à l’instar d’une foi collective. Beaucoup des morceaux de Kassav’ ou ceux, en solo, de ses membres, prônent la nécessité impérieuse de « zouker » comme une libération[14]».

A ces origines africaines, s’ajoute l’adaptation tellurique où le processus rhizomique[15] prend forme en modifiant l’Être par la nécessité de s’affranchir de l’anéantissement et de se dépasser dans un Autre.

Un rhizome ne commence et n’aboutit pas, il est toujours au milieu, entre les choses, inter-être, intermezzo. L’arbre est filiation mais le rhizome est alliance, uniquement d’alliance. L’arbre impose le verbe « être », mais le rhizome a pour tissu la conjonction « et…et…et… » Il y a dans cette conjonction assez de force pour secouer et déraciner le verbe être. Où allez-vous ? D’où partez-vous ? Où voulez-vous en venir? sont des questions bien inutiles. Faire table rase, partir ou repartir à zéro, chercher un commencement, ou un fondement, impliquent une fausse conception du voyage et du mouvement (méthodique, pédagogique, initiatique, symbolique…). Mais Kleist, Lenz ou Büchner ont une autre manière de voyager comme de se mouvoir, partir au milieu, par le milieu, entrer et sortir, non pas commencer et finir. Plus encore, c’est la littérature américaine, et déjà anglaise, qui ont manifesté ce sens rhizomique, ont su se mouvoir entre les choses, instaurer une logique du ET, renverser l’ontologie, destituer le fondement, annuler fin et commencement. Ils ont su faire une pragmatique. C’est que le milieu n’est pas du tout une moyenne, c’est au contraire l’endroit où les choses prennent de la vitesse. Entre les choses ne désigne pas une relation localisable qui va de l’une à l’autre et réciproquement, mais une direction perpendiculaire, un mouvement transversal qui les emporte l’une et l’autre, ruisseau sans début ni fin, qui ronge ses deux rives et prend la vitesse au milieu[16].

Cette altérité est celle de la reconnaissance par l’Autre, qui n’est pas lui, mais c’est à travers cet Autre qu’il construit son existence, son « moi » n’existe pas (soit refoulé soit nié[17]).

Ainsi apparaît la deuxième étape, celle de l’existence dans l’Autre. L’Autre est le Blanc pour reprendre les propos de Franz Fanon dans Peaux noirs et masques blancs, mais le Blanc est Moi, noir. Nombre de noirs ont freiné leur altérité à ce schéma, en ne cessant de répéter la division créée pour une vision raciste. Tout un registre lexical naît pour servir et privilégier la couleur de peau. Les Blancs en utilisant ce même vocabulaire, méprisent le noir qu’ils considèrent toujours inférieurs. Le noir partage ce mépris d’abord inconsciemment puis, considérant l’ascension sociale, applique ce système racisé à ses dépens en utilisant ces expressions tels que gens de couleur, mulâtre, métis, câpre, marabou, fortement ancré dans l’imaginaire antillais. Cette archéologie de l’imaginaire, j’ai pu la développer dans une communication intitulée La négritude dans l’imaginaire collectif[18].

Cette étape répond au système colonial imposant ses lois sous le préjugé de race, ce qui suscite la rébellion pour les uns et l’assimilation pour les autres. Marqués par des luttes communes d’indépendances et de liberté[19], ne se traduisant toujours que par des trahisons des promesses d’égalité, les XIXᵉ et XXᵉ siècles sont l’expression de la reconnaissance du Je dans l’Autre (tout homme) ou du Je dans l’Autre (le Blanc). L’homme libre cherche à être reconnu, il se conforme aux mœurs du Blanc en se transformant peu à peu. L’exemple de la Mazurka, de la Biguine ou de la Haute Taille marqueraient leur temps par cette mimesis, celle de la Belle époque[20], représentation de l’art de vivre français et de l’insouciance. Une période de progrès sociaux, économiques, technologiques et politiques. De la fin du XIXᵉ siècle au début de la Première Guerre mondiale en 1914, voire 1920, un art de vivre « à la française ». Cette période que Dominique Kalifa détermine comme clairement impossible à délimiter historiquement puisqu’elle traduit un imaginaire, l’expression d’une fascination de l’ère moderne. Si j’utilise cette désignation pour cette période temporelle allant de la fin du XIXᵉ siècle jusqu’aux années 1930 avant le début de la deuxième guerre mondiale dans les colonies, c’est qu’elle permet de se représenter à la fois un monde de légèreté et de construction identitaire parmi une société élitiste[21], d’établir les ponts qui se sont forgés très lentement entre les colonies françaises et la métropole pour les peuples émancipés. Elle est un fait de langage d’une mémoire d’une série de traits caractéristiques constituants ces sociétés, sans rupture, qui débouchera sur la départementalisation « politique » après une période de grande misère[22]. Si le surréalisme d’André Breton, la figure de Joséphine Baker[23], de Léona Gabriel, de Paulette Nardal, la négritude d’Aimé Césaire semble l’incarnation de cette réalité, elle explose dans un cosmopolitisme parisien. Cette effervescence culturelle se mélange aux réalités coloniales en valeurs caractérisées dans cette terminologie « Belle époque », qu’il faut donc considérer dans la construction identitaire.

La troisième étape, celle du Je dans l’Autre (moi-même), dans l’alter-ego[24], de l’affirmation de soi répond à la deuxième partie du XXᵉ siècle, où le rhizome s’enracine en donnant naissance au nouvel arbre sacré[25].

« On voit comment Levinas propose de penser la relation intersubjective : non, comme une relation réciproque, mais comme un rapport dissymétrique, non à partir d’un espace commun mais à travers l’écart qui sépare le moi et l’autre, comme une dénivellation, dans la discontinuité.

Dans une telle relation, le moi ne se remet pas en question, il est mis en question par l’autre. C’est justement à partir de l’autre que peut surgir la transcendance. La véritable transcendance ne naît pas de l’intériorité d’un être dont elle serait le prolongement ou l’idéalisation, mais de l’extériorité[26]».

Le compas en Haïti, le reggae en Jamaïque, la salsa à Cuba répondent à cette affirmation identitaire en tant que style musical populaire et s’imposent dans la Caraïbe. En même temps, en Martinique et en Guadeloupe, des décisions politiques seront les enjeux de développement économique et social et des transformations de réalités territoriales, tant sur plan local, que sur le plan métropolitain et international. Cette étape rend compte de la dichotomie pensée/langage, qui concentre la subtilité de la langue française, nous renvoyant ainsi à sa puissance politique et à son savoir-faire. La Martinique, ainsi que toutes les colonies des Antilles françaises, deviennent département français, après des années de luttes pour accéder à leur liberté. Liberté ne signifiant pas indépendance, départementalisation, assimilation ; cependant, d’après les décisions prises, la dichotomie, mots et pensée, en est l’expression et, les faits, la réalisation. En effet, l’école devient l’éducation de la République française avec des programmes illustrant la réalité française, le Bumidom expatrie les Antillais dans leur intérêt et des partis comme l’OJAM[27] perdent leur crédibilité, pour ne citer que ces exemples. Quoiqu’il en soit l’intégration à la France entraîne la question de la légitimité que les sociologues Weber, Marx et Bourdieu abordent sous un rapport de domination. La question de l’intégration d’une société à une autre, ne contient-elle pas les mêmes actes barbares de la colonisation, un génocide ?

[…] la phénoménologie universalise une expérience du monde social qui est associée à un type déterminé de conditions économiques et sociales dont les formations sociales enfermées dans le cycle de la reproduction simple présentent la forme paradigmatique. Dans les sociétés divisées en classes, où la définition du réel est l’enjeu d’une lutte ouverte ou larvée entre les classes, la délimitation entre le champ de l’opinion, c’est-à-dire de ce qui est explicitement mis en question, et le champ de la doxa, de ce qui est hors de question et que tout agent accorde tacitement à l’état de choses actuel par le seul fait d’agir en accord avec les convenances sociales, est elle-même un enjeu fondamental de cette forme de la lutte politique entre les classes qui est la lutte pour l’imposition des systèmes de classements dominants : les classes dominées ont intérêt à faire reculer les limites de la doxa, à manifester l’arbitraire du taken for granted; les classes dominantes ont intérêts à défendre l’intégrité de la doxa ou, à défaut, à restaurer le substitut, nécessairement imparfait, qu’est l’orthodoxie. On voit ce que l’analyse ainsi comprise de l’expérience naïve du monde social peut apporter à une sociologie de la politique en manifestant les mécanismes gnoséologiques qui contribuent au maintien de l’ordre établi[28].

Cette identité neuve n’est pas celle du « colonisé », même si elle est officielle. Cette identité est inadaptée, car les décisions sont prises de manière unilatérale. Le zouk naît dans ce contexte en défiant toutes les interdictions du nationalisme lesquelles en effet ne sont ni vérité ni amour. C’est une force de vie qui traduit l’indicible, l’invisible et l’espérance, en soi, une réalité plus humaine qu’identitaire. Le zouk parle créole, le zouk transmet l’amour, le zouk se danse « colé-seré», le zouk est carnaval, le zouk rend libre et fier, le zouk rend combatif face à l’adversité. Le zouk ainsi que d’autres musiques des pays colonisés transforment l’être singulier en Être universel, et pour reprendre la pensée d’un défenseur de l’humanité, Nelson Mandela, « la politique peut être renforcée par la musique, mais la musique a une puissance qui défie la politique[29] ». C’est pourquoi j’ai porté le zouk comme matériau à la construction[30] identitaire des Antilles, d’abord françaises, car il comporte les contradictions de la société[31]. En effet puisqu’il en est le dépassement, voire le défi, il convient politiquement et culturellement de se le ré-approprier en l’étudiant afin d’y déceler les secrets de vérité pourtant visible en surface à entendre le refrain « zouk la sé sèl medicamen nou ni » ou « pa ralé pli lontan an lè kod la ki ja tranglé mwen ». En résurgence, le premier exprimerait notre douleur, en surface, notre conscience d’exister par nous-mêmes et de nous guérir, sans doute par nos créations et notre responsabilité, le second, en résurgence, signifierait que nous sommes tous morts, en rappel à notre anéantissement durant l’esclavage, en surface, nous devons faire de l’expérience notre force et surtout de notre histoire, un savoir.

D’autre part, nous pouvons voir dans la constitution du groupe Kassav’, le pouvoir de l’unité de la Guadeloupe et de la Martinique ; deux îles sœurs, réunies en musique, en live, pour donner une véritable représentation de la fraternité et de la reconnaissance en écho à la littérature post-moderniste qui appelle au rassemblement et à la liberté de conscience dans les écrits de Nicolas Guillén[32], de Manuel Zapata Olivella[33] en passant par Aimé Césaire[34] pour ne citer qu’eux en représentation de l’espace culturel identitaire du nord au sud de la Caraïbe. Cet appel au rassemblement retentit d’une seule voix quand Jocelyne Béroard regarde vers le ciel, serre les poings et crie « an ké sa lévé » ou « kai manman la tè ké tremblé ». Théodor. W. Adorno dans la Théorie esthétique nous dit, je cite : « Toutes les œuvres d’art, et l’art en général, sont des énigmes ».[35]

L’artiste n’est plus maître de son œuvre et c’est l’expérience de chacun qui lui attribuera son disque d’or par l’émotion ressentie, une sorte de musicothérapie.

Depuis 1946, l’identité française apparaît sur les papiers des Antillais mais la résistance se situe désormais dans la résurgence. En surface, c’est la musique, le zouk qui assume le devenir antillais, Kassav’ fait naître l’alter-ego, l’affirmation de soi. L’Être parle sa langue même s’il est Français, le langage est culte et l’adhésion de la population, entière. Un peuple se réunit autour d’un groupe, son unité est représentée en 1986, lors de son premier concert à Paris au Zénith. Il s’expose tel un flambeau convoquant ses initiés à la cérémonie pour évoquer la mémoire, d’où les questionnements actuels sur la transmission.

En ce sens, je vous transmets le témoignage d’une artiste phare entre autres[36] des Antilles, Tanya Saint-Val sur le groupe Kassav, que je remercie (Orlane et Mattieu également) vivement pour sa contribution à mon article :

Kassav est le groupe mythique antillais, il nous a fait prendre conscience qu’on pouvait réussir, il a donné le « la », il est un porte-parole. Le zouk du début est celui que j’aime, celui qui m’a bercée étant gamine avec ses percussions et le rythme des tambours.

On pouvait voir à travers la musique, une identité, celle de la Martinique, de la Guadeloupe et d’Haïti, car on reconnaissait les ressources communes. On se sentait fier de cette musique. Avec le temps, chacun apporte son ingrédient, chaque chanteur ou groupe avait sa propre couleur ; je ne fais pas comme Jocelyne Béroard, Joelle Ursulle non plus, Edith Lefel encore moins.

Aujourd’hui à la radio, tous les zouks se ressemblent, on n’arrive même plus à distinguer par exemple le zouk et le compas, la volonté n’est pas la même.

Aujourd’hui il faut prendre conscience qu’il faut mener une véritable politique pour organiser le métier, avoir sa société car il est difficile d’être un artiste et un entrepreneur, il faut le temps pour créer et composer. Moi, j’aime rafraîchir avec de nouveaux ingrédients tels que le Gospel, le Gwoka ou le R&B. La musique n’est pas linéaire, je ne m’enferme pas, j’ai une volonté qui tend à l’émancipation caribéenne mais véritablement, jusqu’où peut-on aller ou la véritable question, jusqu’où nous permet-on d’aller ?

Pour illustrer ses propos, je cite Hugues Dufourt qui refuse la compromission pour ne pas perdre son identité, il dit :

« Toutes mes reformulations artistiques, convient-il, se sont payées par une très mauvaise négociation, donc des ruptures trop violentes, inutiles, mais c’est comme si je m’arrachais à moi-même des déterminations passées pour en trouver de nouvelles. Il y a cependant à mes yeux deux types de radicalité, l’une que j’ai toujours cherchée, celle du nouveau, l’autre, que je cherche désormais, la trajectoire. Plus une musique exprime singulièrement son temps, plus elle a des chances de devenir un classique, alors que si l’on a la moindre visée classicisante, on fabrique un pseudo style qui n’a aucune chance de survie. ».

Je crois que cette citation illustre à la fois la genèse et la pérennité de Kassav’.
De ce témoignage, nous dégageons trois axes et des questionnements.

        • ♦ Kassav, un modèle.
        • ♦ Le zouk, une entité.
        • ♦ Le zouk, une mémoire.
        • ♦ Comment le transmettre ?
        • ♦ Quelle politique adoptée ?
        • ♦ À qui transmettre le flambeau ?

Kassav’ en tant que groupe réalise une performance exceptionnelle d’une durée de quarante ans, hormis la disparition de feu Patrick Saint-Éloi, Kassav’ sur scène et en live reste une expérience humaine de marqueur de temps, du présent vers l’avenir et du présent vers le passé. Le succès de sa performance sur scène ou sur les ondes témoigne d’une esthétique épurée[37] (il faut l’étudier), et pourtant, rien ne laissait présager sa réussite. En effet, pour caricaturer leur image, nous espérons n’offenser personne, nous y trouvons la composition hétéroclite de la société et les préjugés représentatifs de la mentalité antillaise.

Ainsi, Jacob Dévarieux illustre l’ouvrier-nègre en salopette, Jean-Claude Naimro, le musicien discret, Jocelyne Béroard, la rebelle, Jean-Philippe Marthély, le campagnard, Patrick Saint-Éloi, le marginal, George Décimus, le musicien de rue.

En somme, cette caricature reflète les stéréotypes de la société antillaise d’élite pudique très moraliste et traditionnelle, tellement fière qu’elle dénigre l’artiste. Cette pression sociale nous permet de mettre en exergue l’imprévisible réussite de Kassav. L’opacité de la France à sa réception prouve la portée de son impact. En effet, dans la décennie des années 1980, même si Kassav’ ne fait pas partie de la variété française, sa résonance, d’abord à l’échelle locale puis, internationale, sans oublier sa réception dans la communauté antillaise à Paris, ne fait aucun doute. Les chansons diffusées en France sont, par exemple, « Cœur de Loup », « Les femmes que j’aime », « Besoin de rien envie de toi », « Nuit de Folie », « Laissez-nous chanter », « Voyage voyage », « Magdalena », « Toute première fois… » avec les bandes originales de film telles que Ghost Buster, Rocky 3, Top Gun, Dirty dancing mais, en aucun cas Kassav’. Qu’importe, le zouk exprime le dépassement et sa force le pousse à s’affirmer. Même si la variété française pénètre l’univers antillais par les médias, le zouk évolue sans entraves et se positionne dès cette première décennie aux Antilles et en France. La concurrence de la salsa et du compas ne semble pas lui faire de l’ombre. Ces deux genres sont accueillies différemment selon les couches sociales, la première participe d’une volonté d’échanges et de l’ailleurs, alors que la deuxième subit une répression, reprise plus tard dans des chansons de Kwak en 1999 « kompa-rézon » ou d’Admiral T en 2011 « yo pa inmin haitien mais yo inmin CARIMI » , nous nous en tiendrons à ces exemples pour ne pas ré-ouvrir le débat créole/français[38] . Son rayonnement est sans équivoque, comme nous atteste la reprise de « Zouk la sé sél médikaman nou ni », par le célèbre chanteur dominicain Wilfrido Vargas, « La medicina » sous la forme de merengue en 1985. Le zouk, à l’instar du compas, de 20 ans son aîné, s’ouvre dans la Caraïbe et dans le reste du monde, en Afrique, aux États-Unis.

La pérennité du succès de Kassav’ « vole la vedette » au compas et le zouk devient le langage musical de cette zone caribéenne et africaine tout en se développant aux Antilles françaises (y compris La Réunion et La Guyane, deux figures féminines me viennent à l’esprit : celle d’N’jie et d’Orlane) et à Paris en devenant le lien entre les expatriés et leurs familles, la mémoire en tant que culture.

Cette popularité à l’international nous montre que la langue ne constitue pas un frein à la réception. Bon nombre d’artistes ont pu croire qu’il leur fallait chanter en français pour percer en France. Kassav’ devient par conséquent le modèle, l’exemple à suivre du zouk.

La réceptivité locale et internationale montre son pouvoir tant sur sa forme que son contenu, le pouvoir du rassemblement qui pourrait faire l’objet d’une instrumentalisation politique au service de la nation française, même s’il représentait au départ cette forme de résistance, car le drapeau est bien celui de la France. Cette politisation peut en dévier la portée, sans toucher les passions, car son entité est dans son éthique de la vérité par l’amour, dans les possibles de réconciliation de l’Être avec lui-même. L’exemple est dans le rapport au vocabulaire de l’oppresseur, devenu poésie nègre, à travers des lexèmes telles que chabine dorée, câpresse, mulâtresse, se rapportant souvent à la couleur de peau, qui disparaît. L’idéologie du dominateur s’inscrit également dans les représentations musicales et sa voix interfère par la persuasion dans la musique (domination linguistique) mais Kassav’ lui fait face (résistance linguistique).

Quand Tanya Saint-Val nous dit que chacun apportait sa couleur, cela signifie bien la volonté créatrice de l’artiste même si son oreille est, d’une certaine façon, déjà éduquée par une transmission inconsciente d’un héritage musical. Son témoignage fait écho à celui de Charles Aznavour, ambassadeur de la mémoire arménienne en France, dans France Culture, il dit, je cite :

« Quand on fait ce métier, il ne faut pas imiter les autres. Il faut donner son couloir ».

Cette figure de la musique en France, s’impose par sa voix et renforce son peuple en affirmant ses origines. Il s’agit pour les acteurs du zouk de se démarquer en s’affirmant toujours comme Kassav’, en restant lié au devoir de mémoire. Qui sommes-nous est la source de notre équilibre et de notre développement.

Merci à Pierre Édouard Décimus en particulier et à Kassav’ pour cet enrichissement sur soi, de notre patrimoine culturel, que serions-nous aujourd’hui sans vous ? Alexis Tocqueville a dit :

« Si quelqu’un me montrait entre l’indépendance complète et l’asservissement entier de la pensée, une position intermédiaire où je puisse espérer me tenir, je m’y établirais peut-être ; mais, qui découvrira cette position intermédiaire[39]. »

Je crois que ce serait la musique, pour nous, sans aucun doute Kassav’ dans le Zouk. Cette citation me permet de quitter la singularité musicale liée à l’histoire, pour classer le zouk comme classique dans le sens de modèle et d’intemporel. Il touche, dans l’horizontalité, l’humanité et dans la verticalité l’irrationnel, par le lien ancestral et le divin. Le croisement est le fondement de notre humanité, que la déportation soit voulue ou imposée, l’idée du Tout-Monde répond à cette volonté humaine d’exister que la musique révèle, ici naît « le ficus antillensis[40] » à travers le Zouk.

Ficus au Cap Chevalier Martinique,
(photo Malissa Conseil)


Bibliographie

Aznavour Charles, France Culture du 05 mai 2014, www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/charles.aznavour

Butel Paul, Histoire des Antilles françaises XVIIe-XXe siècle, Paris, Perrin, 2002, 423 p.

Boulez Pierre, Penser la musique, Paris, Gallimard, 1987, 167 p.

Bourdieu Pierre, Esquisse d’une théorie de la pratique, Édition du Seuil, 2000, 415 p.

Césaire Aimé, Anthologie poétique, Imprimerie Nationale Éditions, 1996, 274 p.

Deleuze Gilles, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF, 2018, 310 p.

Deleuze Gilles et Guattari Félix, Mille Pateaux, Capitalisme et schizophrénie 2, Les Éditions de Minuit, 1980, 647p.

Désert Gérald, Le Zouk, Genèse et représentations sociales d’une musique populaire, Anibwe, 2018, 157 p.

Desroches Monique, Entre texte et performance : l’art de raconter, Édition électronique, http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/1215

Foucault Michel, Histoire de la sexualité, La volonté de savoir, Tel Gallimard, 2010, 211 p.

Guillén Nicolás, Obra poética, Editorial Letras Cubanas, 1980, 462 p.

Kalifa Dominique, La véritable histoire de la Belle époque, dans

CultureGnum: https://www.youtube.com/watchv=Q3GHivvBwDs

Levinas Emmanuel, Altérité et transcendance, Paris, Le livre de poche, 2018, 183 p.

Luther King Martin, Discours du 4 avril 1967 sur www.youtbe.com, Where do we go from here

Sève Bernard, L’altération musicale ou ce que la musique apprend au philosophe, Ed. Du Seuil coll Poétique, 2002,148 p.

Theodor Adorno.W, Théorie esthétique, Klincksieck, 1989, 518 p.

Tocqueville Alexis, De la démocratie en Amérique, GF-Flammarion, 1981, 569 p.

Williams Eric, L’histoire des Caraïbes 1492-1969, Présence Africaine, 1975, 605 p.

Yee Jennifer, Clichés de la femme exotique : Un regard sur la littérature coloniale française entre 1871 et 1914, L’harmattan, 2000, 370 p.

Zapata Olivella Manuel, Changó el Gran putas, Editorial Oveja Negra, 528 p.

•••••••••••

[1] Dans son ouvrage, Penser la musique, Pierre Boulez explique qu’il faut théoriser le langage musical, car ce langage « est un héritage collectif dont il s’agit de prendre en charge l’évolution ».

[2] L’idée de transcendance sous l’angle de la subjectivité vise à percevoir l’Autre non plus que Moi mais renvoie à la puissance du sujet qui s’affirme comme pure liberté. Emmanuelle Levinas, dans Altérité et transcendance, souligne que « la transcendance signifie étymologiquement, un mouvement de traversée (trans), mais aussi de montée (scando) » p. 9.

[3] L’intersubjectivité comme critère de validité ; « la validité est l’effet de la volonté de se faire accepter, intersubjectivement, ce qui, monologiquement (ou communitairement), est tenu pour vrai (ainsi l’énoncé a-t-il une prétention de validité » dans l’éthique de la libération de Enrique Dussel p. 57.

[4] Le zouk libère de cette émotion, la douleur ; d’ailleurs un des titres de Kassav’ reflète bien cette nécessité comme le seul médicament en réponse à la situation.

[5] L’altérité doit s’entendre comme au-delà de l’être pour donner sens.

[6] « La prétention de vérité des énoncés empiriques implique la référence de ces derniers à une réalité qui, jusqu’à un certain point, est indépendante du langage », affirme Albrecht Wellmer dans Dialog und Diskours, Suhrkamp, Frankfurt, 1986, p. 203.

[7] Témoignages, issus d’un même questionnaire, recueillis lors d’entretiens téléphoniques et dont la synthèse figure dans la seconde partie.

[8] Dans le discours The Wold House prononcé par Martin Luther King le 4 avril 1967 par rapport à la situation du Vietnam : « History is cluttered with wreckage of nations and individuals who pursued this self defeating path of hate ».

[9] Le roi Louis XIV en date du 26 août 1610 décréta « Il n’y a rien qui contribue davantage au développement des colonies et de la culture de leurs terres que le travail laborieux des Nègres ».

[10] Les Nègres devenaient le « sang » des Caraïbes comme l’écrit George Downing de la Barbade en 1645.

[11]Pour une introduction à l’étude de la performance, le co-texte, en ethnomusicologie, Monique Desroches, Entre texte et performance:l’art de raconter.

[12] Gilles Deleuze dans Nietzsche et la philosophie dit : « On ne s’étonnera donc pas que tout concept nietzschéen soit à la croisée des deux lignées génétiques inégales ? Non seulement l’éternel retour et le surhomme, mais le rire, le jeu, la danse. Rapportés à Zarathoustra, le rire, le jeu, la danse sont les puissances affirmatives de transmutation : la danse transmue le lourd en léger, le rire, la souffrance en joie, le jeu du lancer (les dés), le bas en haut. Mais rapportés à Dionysos, la danse, le rire, le jeu sont les puissances affirmatives de réflexion et de développement. La danse affirme le devenir et l’être du devenir ; le rire, les éclats de rire affirment le multiple et l’un du multiple; le jeu affirme le hasard et la nécessité du hasard », pp. 302-303.

[13] Zouker est danser collé-serré et renvoie donc à la sexualité « alors soigneusement renfermée » victime « d’une répression croissante », le zouk agite les esprits en imposant son existence sociale, dans l’Histoire de la sexualité, Michel Foucault fait l’archéologie des discours de la sexualité ce qui nous permet de nous rendre compte des bouleversements sociaux qu’opère le zouk.

[14] Gérald DésertLe zouk, Genèse et représentations sociales d’une musique populaire, Paris, Éditions Anibwe, 2018, pp. 113-114.

[15] Dans Mille Plateaux, Deleuze et Guattari disent : « Derrière les énoncés et les sémiotisations, il n’y a que des machines, des agencements, des mouvements de déterritorialisation qui passent à travers la stratification des différents systèmes, et échappent aux coordonnées de langage comme d’existence. C’est pourquoi la pragmatique n’est pas le complément d’une logique, d’une syntaxique ou d’une sémantique, mais au contraire l’élément de base dont tout le reste dépend » p.184.

[16]Gilles Deleuze et Félix Guattari, op. cit., p.36-37: ce processus issu du capitalisme symbolise la traversée ou le voyage de l’Afrique à l’Amérique par le déracinement (ni début, ni fin). Le mouvement, la pragmatique va se localiser ou se matérialiser dans une quête identitaire permanente, vécue chez les patients schizophrènes. Ce processus ne concerne pas seulement les peuples colonisés mais tous ceux qui perdent leurs valeurs dans un système où l’homme n’a plus sa place.

[17] Pierre Édouard Décimus me raconte, par exemple, que lorsqu’il a pensé Kassav’, il s’est rendu compte que l’appellation « Les vickings » ne renvoyait à aucune réalité connue mais bien à un imaginaire créé par un système, le colonialisme. Cet exemple souligne l’existence d’un Moi inventé, imaginé par l’Autre pour Moi. Ainsi est né sa conscience et, nos Ancêtres, les Gaulois, est devenu une histoire, un conte d’un monde imaginaire. En réalité, ce Moi, inventé, n’avait jamais pu faire partie de son être.

[18] Journée d’étude, La part du sacré dans les périphéries littéraires, artistiques, historiques, sociales, politiques, anthropologiques et didactiques, Université des Antilles, Pôle Martinique, CRILLASH, novembre 2018.

[19] Guerres d’indépendance en Amérique, révolutions, fortes manifestations aux Antilles.

[20] Dominique Kalifa, dans La véritable histoire de la Belle époque, tente de définir cette période historiquement, moi je l’intègre également dans l’imaginaire et les représentations des sociétés coloniales.

[21] « Les élites de couleur recevaient l’enseignement donné dans les institutions religieuses créées dans les années 1830 » dans Histoire des Antilles françaises XVIIᵉ-XXᵉ siècle de Paul Butel, éd.Perrin, 2002, p. 315.

[22] Période, en créole martiniquais, dénommée An tan Robè.

[23] Figure de la féminité exotique coloniale correspondant aux « Clichés de la femme exotique » étudiés par Jennifer Yee.

[24] Emmanuel Levinas, Altérité et transcendance, chapitre IV, Le rapport à l’autre homme.

[25] Le rhizome issu de l’arbre sacré, l’Afrique, donne naissance à un nouveau genre que j’appelle le ficus « antillensis » par analogie au ficus benghalensis comme emblème de la résistance au capitalisme et à la permanence des valeurs humaines.

[26] Emmanuel Levinas, op. cit., p.13.

[27] L’étude des manifestations des années 60, avec l’Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique et des années 70, des choix politiques de l’école, qui écartent des étapes de l’histoire, et de développement, le Bumidom, sur les territoires français d’Outre Mer et à Paris, atteste que les décisions sont prises de manière unilatérale et que ces territoires resteront des colonies françaises.

[28] Pierre Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique, Édition du Seuil, p. 239 à 241.

[29] Claire Mayot, Quand la musique défie la politique, France Culture du 05 mai 2014.

[30] « Culture » signifie dressage et sélection. Nietzsche appelle le mouvement de la culture « moralité des mœurs », dans Nietzsche et la philosophie par Gilles Deleuze, p. 207.

[31] « Préhistorique » signifie générique. La culture est l’activité préhistorique de l’homme (…). L’activité de la culture s’exerce en principe sur les forces réactives, leur donne des habitudes et leur impose des modèles, pour les rendre aptes à être agies. En tant que telle, la culture s’exerce dans plusieurs directions. Elle s’attaque même aux forces réactives de l’inconscient, aux forces digestives et intestinales les plus souterraines (régime alimentaire, et quelque chose d’analogue à ce que Freud appellera l’éducation des sphincters). Mais son objet principal est de renforcer la conscience. (…) La culture dote la conscience d’une nouvelle faculté qui s’oppose en apparence à la faculté d’oubli : la mémoire (mémoire du futur). pp. 208-209.

[32] L’appel de Nicolás Guillén (poète et militant communiste cubain 1902-1989) dans «Obra poética», «Elegía familiar», «El appellido», «sin conocernos nos reconoceremos», p. 264.

[33] Manuel Zapata Olivella (écrivain, médecin et anthropologue colombien 1920-2004) dans Changó el Gran putas écrit: «El Poder Negro no es sólo un reclamo de igualdades sociales, civiles y económicas, sino también de identidades. ¡El poder de ser Negros! El Negro es bello ¾¡lo es! ¾ pero su verdadera hermosura reside en la conciencia que tiene de su libertad », pp. 462-463.

[34] Dans « Pour saluer le Tiers Monde », Aimé Césaire (poète et homme politique martiniquais 1913-2008) écrit « notre Afrique est une main hors du ceste, (…) tendue, brunes, jaunes, blanches, à toutes mains, à toutes les mains blessées du monde. » p. 218.

[35] Th. W. Adorno, Théorie esthétique, Paris : Klincksieck, 1989, p. 163.

[36] Le témoignage de Mattieu Marthély (musicien et chanteur martiniquais de zouk, ses débuts dans le groupe ZamaL) et Orlane (chanteuse réunionnaise) confirme celui de Tanya Saint-Val, mais il insiste pour que la transmission fasse l’objet d’une conscientisation de la valeur des Antillais, dans la production artistique et que les médias y contribuent fortement.

[37] Dans La culture envisagée du point de vue post-historique, Nietzsche conclut « ni la mauvaise conscience, ni le ressentiment n’interviennent dans le processus de la culture et de la justice », dans Nietzsche et la philosophie par Gilles Deleuze, p. 211 ; c’est pourquoi il s’agit d’une esthétique du dépassement.

[38] Il s’agit d’affirmer le dépassement par la musique qui « lie et délie le sonore, la musique lie et délie les corps, la musique lie et délie les passions, la musique lie et délie les pensées, la musique lie et délie les hommes » dans « L’altération musicale » de Bernard Sève.

[39] Alexis Tocqueville, De la démocratie en Amérique I, Deuxième partie, chapitre II, De la liberté de la presse aux États-Unis, p. 264

[40] Voir l’illustration du ficus comme représentation de la chaîne humaine, l’Afrique en point de départ, ses embranchements, sa diversité et ses enracinements, des ramifications.