Kassav : un tracé paradigmatique d’une esthétique musicale méta-archipélique /

Kassav: a paradigmatic line of a meta-« archipélic » musical aesthetic


Gérald E. DÉSERT

Université des Antilles

Abstract

Through the Imaginary Country / Deep Country dichotomy and through the approach of cultural studies, it will be a question of questioning the meta-archipelago thought, the relationship that the Peoples of the Sea (Antonio Benítez Rojo) like those of Guadeloupe , from Martinique and elsewhere, maintain today with the Zouk, as a cultural object (by the notions of chaos and apocalypse, difference, structure, myths, the sacred, super-syncretism , textual and musical language, harmonic, melodic and rhythmic structures, notions of polyrhythm and polymetry, drums …) in order to better understand the ambivalent concept of “Hainamoration” (relationship of dominant to dominated), the complex that lives ‘Antillean vis-à-vis himself and thus better reveal himself to the world.


Au travers de cette communication, il s’agit de décrypter, en me basant sur les Cultural Studies[1], ce qui se cache derrière les notions de tracé, d’esthétique et de concept de méta-archipel. Kassav, inventeur du zouk, est justement le paradigme esthétique à partir duquel nous exercerons notre pensée. Il s’agit de jeter les jalons d’une réflexion théorique qui permettrait à terme de développer et de vérifier et dans les textes (langage, mythes…) et dans les structurations musicales et textuelles l’originalité du travail de Kassav.

Il sera opportun de nous demander, face à la notion d’ambivalence du sujet antillais (Hainamoration), elle-même reflet de notre souffrance psychique, face à nos turbulences, chaos et convulsions historiques, à cette entropie[2] caractérisée (Augmentation du désordre ; affaiblissement de l’ordre), face au désordre de nous-mêmes, dans notre méta-archipel, comment se dégagent, au travers de l’expérience Kassav, des linéaments-force, vecteurs de lustralité[3], une créativité sans limite, et, dans une vision prospective, vérifier le bénéfice que cela peut apporter à nos sociétés antillaises ?

Pour ce faire, il s’agira de configurer dans un premier temps, une vision introspective voire autocritique pour explorer, ce qui, chez Kassav, constitue, en deuxième lieu, un tracé exemplaire d’une esthétique musicale propre, puis, relever, dans un troisième point, le zouk de Kassav en tant que paradigme de progrès, d’élévation, de transcendance pour nos sociétés et le monde.

Vision introspective et autocritique

Corollaire de la colonisation

Tenons-le pour dit, le corollaire de la colonisation constitue le premier choc, la première convulsion pour les Antillais. Dans la perspective de l’angoisse générée par cette circonstance malheureuse, force est de reconnaitre que le sujet colonisé joue avec l’objet créé de manière générale ; de ce fait, il nous appartient d’en mesurer le degré de sincérité.

Rappelons au passage le Discours sur le colonialisme de Césaire pour mieux éclairer cette blessure, cette séquelle laissée par la colonisation :

Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme[4].

La notion de complexe d’infériorité ou d’agenouillement, induit celle de culpabilité (chlorotique), d’horizontalité, laquelle empêche d’envisager la création comme un élément d’élévation et de verticalité.

La seconde convulsion nous concernant est en rapport à l’ère post-industrielle, c’est-à-dire, la postmodernité, l’ère du vide, de l’absurde.

Postmodernité, ère du vide, absurde :
Martinique imaginaire

Jean-François Lyotard[5] pose les bases d’une réflexion pionnière sur le postmodernisme en tant que paradigme critique et introduit cette notion dans le domaine de la recherche en sciences humaines. Le postmodernisme est défini comme une période correspondant à la fin des années 1950, à une ère post-industrielle, celle de l’informatisation, de l’atomisation des langages, de la consommation qui deviendra hyperconsommation par la suite. Dans son analyse, il met en relief la fin des grands récits, des idéologies, de l’universalisme, l’instrumentalisation du discours scientifique lesquels, à l’époque moderne (industrielle), étaient considérés comme piliers des sociétés occidentales. Cette situation particulière trouverait son explication dans le rôle pervers que jouent les grandes puissances occidentales notamment au niveau de la science. Pour Gilles Lipovtsky, le post-modernisme, est une notion équivoque qui apparaît dans les années 1970. Elle est définie comme une décadence morale et esthétique de notre temps. Plus aucune idéologie n’est capable d’enflammer les foules, la société post-moderne n’a plus d’idole ni de tabou, plus d’image glorieuse d’elle-même, plus de projet historique mobilisateur, elle abolit le pouvoir traditionnel et envisage l’autogestion ; c’est désormais le désert de sens, le vide (le nihilisme nietzschéen) qui régit l’occident, un vide pourtant sans tragique ni apocalypse[6]. Empressons-nous de préciser que cette analyse n’est valable que pour les sociétés dites occidentales. En ce qui concerne nos sociétés occidentalisées, celles issues du colonialisme, il faut admettre que ce flottement, ce vide observé n’est pas manifeste, ni pertinent et n’est donc pas applicable à nos réalités complexes, voire implexes puisqu’à l’inverse, il est question de rechercher le discours idéologique qui enflamme les foules, une idéologie dans un système de vie globalisé, à la tonalité postmoderne en cheminement vers une transmodernité[7], soit un projet nouveau de libération des victimes de la modernité et l’entrée en dialogue avec les projets de la Modernité et de la postmodernité, mais surtout l’espace permettant de développer les potentialités alternatives de chaque culture. Le groupe Kassav, formé en 1979, en Guadeloupe, postule son expression esthétique dans une société antillaise, après tout, ayant survécu aux convulsions de l’histoire, et, vivant un choc chaotique, celui du postmodernisme ; soit le postmodernisme détourné de sa fonction principale en tant que moteur du nihilisme, du vide et de l’absurde, générant des créations sublimes, dans un contexte singulièrement centré, a contrario, sur la quête identitaire et le ressassement de l’histoire. De ce fait, par le jeu d’une création en mouvement kassav La Guadeloupe et la Martinique échappent au post-modernisme instauré et deviennent des « peuples créateurs[8]. »

La particularité du sujet[9] Antillais, c’est qu’il a en lui une peur inoculée et issue de la culture fantasmée et imaginaire, amenée par le formatage de la colonisation, et qui débouche sur une « haine » irraisonnée de l’objet culturel qu’il crée, et cela à tous les niveaux. Ce malaise s’explique par la colonialité du pouvoir, soit le système d’incubation colonialisant de la culture dominante, qui instaure une hiérarchisation des valeurs, des consciences, des arts (arts nobles, cultes / arts profanes), et qui débouche sur ce que le sociologue portoricain Ramon Grosfoguel appelle expressément dans sa pensée décoloniale, l’épistémicide soit la destruction des consciences, des connaissances (les bibliothèques brûlées, la perte des archives…). L’occidentalisé, dans cet absence de conscience de soi, comme le pense Frantz Fanon, dans son ouvrage Peau noire, masques blanc[10], obéit ainsi à un complexe d’autorité, un complexe de chef, ce qu’Albert Memmi appelle à son tour le rôle usurpateur ou le complexe de Néron[11].

Il est question ici de notre objet d’étude, le zouk. Le sujet antillais est dans le déni de soi face à l’omniprésence de l’Autre dans son existence (Dominant, Exote, étranger), dans sa pensée, son âme, face à l’Ailleurs. Il est aussi question d’une perte de soi dans l’Autre ou dans l’Ailleurs, sans jamais pouvoir mettre le curseur sur son « Moi ». En ce sens, la colonisation (Occupation, peuplement, exploitation d’un territoire étranger) travaille à déconstruire l’identité du colonisé, et pour être plus précis, elle travaille à le désantillaniser, désaméricaniser, désamérindianiser, le vider de sa substance ou presque, pour la remplacer par une prothèse culturelle reflétant une apparence illusoire d’une identité propre, que l’on peut nommer ici, à l’instar de ce que Guillermo Bonfil Batalla[12] appelle « culture imaginaire ».

Cette mise en culture imaginaire est en fait un complexe (un sentiment) de culpabilité (une chlorotique) vis-à-vis de soi, un trouble de caractère dans lequel s’embourbe le sujet antillais, pour mieux tromper sa propre existence. Dans ce jeu absurde de Miroir enterré[13], le sujet Antillais finalement se renie lui-même, renonce à sa foi et inconsciemment porte un regard négatif sur lui-même, jusqu’à finir par se résigner à son sort, celui d’un être sans racines, celui d’un être flottant, rhizomique, ainsi que le qualifierait le penseur martiniquais Édouard Glissant, « digénétique[14] », soit puisant à la genèse des Autres, occultant cette part essentielle. Le sujet Antillais est un être mutant dans une société fantasmée, imaginaire, une société du trans- (transesthétique, transpolitique, transéconomique, transexuel…), de la séduction, où la force de pointer nos maux nous échappe, et où nous ne savons plus dire le Mal ; c’est ce que Jean Baudrillard traduit par le théorème ou l’équation de la « part maudite[15] ». Cette culture imaginaire que nous cultivons de manière intensive est postcoloniale, assimilée, consumériste, passive, attentiste et dépendante.

Il nous apparaît, à la lueur de ces révélations, que le rapport du Martiniquais au zouk est ambigu et implexe à la fois. Aujourd’hui, cette musique populaire, le zouk, reflet du génie culturel (Volskgeist) est délaissée au profit de musiques venant d’ailleurs. La période d’apodose ou de déclin du zouk remarquée chez Kassav (1996- à nos jours) et périodisée dans l’ouvrage Le Zouk : Genèse et représentation sociale d’une musique populaire[16], en sus du manque de pertinence des ventes, des certifications par rapport à la période démiurgique (1984-1995), peut s’expliquer par le déni délibéré de reconnaître le zouk en tant que valeur esthétique positive, puisque les notions duales de bien / de mal, de beau / de laid, de péché / de perfection… ont fait école et influencé le jugement esthétique que nous portons à notre égard, à la manière des études contemporaines menées en littératures et en philosophie, et font état de nouvelles conceptions du monde (vision unaire, monisme oriental, vision totale ou totalisante…) dans une approche de plus en plus décomplexée de sa propre nature. Cela exige bien de revoir sur un plan structurel, le problème à sa base.

Notons que le zouk naît sur les territoires îléens de la Guadeloupe et de la Martinique et que le support idéologique qui sous-tend son apparition est la recherche des valeurs profondes de nos régions, la culture racine, la culture des tambours pour citer Pierre-Édouard Décimus, membre fondateur du groupe. Cette recherche normale, formelle et fondamentale embarrasse le sujet Antillais dans une société intégrant des divergences cinglantes sur le plan historique, sur le plan ethnique, politique, culturel, économique, soit dans son imaginaire collectif divers et disparate, rompu à l’universalité héritée de la culture occidentale. A cet effet, nous pouvons citer l’article d’Apollinaire Anakesa qui montre formellement que la transmission culturelle[17] en Martinique est à acter, elle est à l’ordre du jour des décisions institutionnelles de ce pays et à envisager comme un vrai défi à relever; il démontre l’amplitude de la notion de transmission à partir d’une démarche ethnographique de terrain où les acteurs concernés (personnes ressources et/ou transmetteurs, récepteurs, éducateurs, instructeurs, associatifs, chercheurs et même institutionnels) doivent s’impliquer pleinement dans une action de communication conjuguée. Ainsi préconise-il :

Ce défi, encore possible à relever, tient au postulat et au choix qu’il exige, le postulat que les composantes de la culture martiniquaise, comme celles d’autres cultures dans le monde – surtout celles au fondement d’identités singulièrement minorées – doivent miser sur le rapprochement avec l’autre, pour équilibrer et solidifier leur patrimoine et leur futur communs. Ainsi, selon que l’on prône le statu quo ou le progrès, l’alternative est soit de s’opposer aux mutations en cours, par une attitude de repli identitaire ou culturel menant foncièrement au déficit de soi, soit d’interagir ensemble avec lesdites mutations, en sollicitant toutes les identités culturelles endogènes, et même exogènes, comme ressources du changement et d’enrichissement de soi, ce qui constitue une des voies du salut.

Nous nommons ce rapport implexe[18], ambivalence ou hainamoration, néologisme créé par le psychanalyste français Jacques Lacan, qui traduit la simultanéité de deux sentiments opposés, dans notre cas, à l’endroit de l’objet Zouk. « Toute pulsion, nous dit Lacan, est d’emblée ambivalente et l’ambivalence concerne la relation à l’objet, ce qui signifie que l’amour et la haine visent un objet qui se clive alors en “bon” et “mauvais”[19]. » Le sujet martiniquais, pour ne citer que cet aspect, est un être en souffrance psychique, il sait aimer son zouk, mais refoule un sentiment d’aversion simulé et conditionné (une haine) dans son psychique, dans son corps, dû au regard imaginaire et inquisiteur que l’Autre, le Dominant, celui qui détient le pouvoir économique, le pouvoir politique et spirituel, exerce sur lui, depuis l’ère coloniale, jusqu’à ses souvenirs, ses pensées, ses sentiments ou ses désirs en désaccord avec ses aspirations, influence toxique quant au projet créateur, vecteur véritable de progrès social, sociétal.

De toute cette implexité, remarquons que la configuration esthétique de Kassav s’articule autour d’un triptyque : structure musicale (conceptualisation, arrangements…), dimension du mythe antillais et exploration du langage[20] (le langage comme faculté et comme système) et travaille, de ce fait, à déconstruire cette alogie. Triptyque dont nous montrerons la subtilité adaptée au contexte esthétique de Kassav. 

Tracé exemplaire
d’une esthétique musicale propre

Le zouk de Kassav et sa structure

D’un point de vue musical

Le zouk, comme on peut le voir dans l’ouvrage Le Zouk : Genèse et Représentation populaire d’une musique populaire, s’écrit en 2/4, si on prend pour aune que la clé du zouk est celle du Tibwa, avec un pied de grosse caisse sur tous les temps (ka), on produit le rythme du Tibwa[21] (sans la main gauche), uni­quement avec le battement de la main droite joué sur la charleston. C’est la clé de voûte po­lyrythmique du zouk à partir de laquelle l’on peut chantonner une mélodie. Il est possible de complexifier cette base par l’ajout d’autres instruments, tels que le tom bass, clave, congas, cloche, triangle, etc. Le principe est que l’instrument habille la mélo­die, laquelle se verra renforcée par une basse, qui peut chantonner des mélorythmes[22] (comme c’est le cas pour Georges Décimus). A juste titre, Dominique Cyrille, observe que ce jeu s’effectue en étant sur le temps ou à con­tretemps ou encore en jouant une contre-mélodie. En témoignent les pièces « Chiré », « O la ou yé[23] », « Filé Zétwal [24] » ou « Bizness[25] » de Patrick Saint-Éloi[26], « Siwo[27] », « Sa ki ta la[28] » ou encore « Mi tchè mwen[29] » de Jocelyne Béroard, On peut entendre une basse qui évolue en mélorythmes, enrichissant la rythmique globale des morceaux et permettant le jeu spéculaire (en miroir) avec la ligne mélodique du chant et la ligne rythmique du zouk assumée par la batterie, les percussions, les tambours. On y entend bien la basse dans un jeu musical rythmique et fonctionnel par rap­port à la mélodie du chant au lieu d’une basse classique carrée. Ce jeu permet l’assise du morceau et son repérage pour la danse. On peut y voir l’interpénétration d’accords, la prolifération de consonances et/ou de dissonances qui font système.

La mélodie du chant permet, à chaque artiste du groupe Kassav d’apporter sa touche à l’habillage des morceaux et de les faire sur mesure, notamment avec l’apport rythmique de la guitare et des claviers. Le professionnalisme du groupe et son sérieux permettent l’affirmation des compétences pleines du groupe et la réalisation de performances esthétiques remarquables dans le temps.

Il va sans dire qu’il est essentiel, pour les compositeurs contemporains de zouk, de prendre en compte cette dimension musicale première, de partir de cette approche, pour créer un Zouk en accord avec ses principes génétiques.

D’un point de vue compositionnel

La forme de la chanson zouk est relativement diversifiée, cependant, la forme ternaire semble celle qui soit la plus privilégiée. Si on tient compte des morceaux précédemment cités, on se rendra compte d’une première annonce thématique (avec partie introductive) se composant de 2 ou 3 couplets séparés par une partie musicale intermédiaire (jeux de violons, de cuivres ou de clavier), d’une partie transitoire (interlude, changement, solo musical) qui débouche sur la forme de chant responsorial[30] et sa partie conclusive (diminution du volume sonore général du morceau). Les compositions en studio de Kassav sont vues comme des pièces, des œuvres qui seront exécutées en live telles quelles. En live, des séquences d’improvisation sont offertes au public pour créer le divertissement ; on retrouve des séquences de percussions (tambours/danses), de batterie, de cuivres, de guitare, de basse, de claviers… tout cela, permet une mise en valeur de toute la chaîne sonore et musicale du groupe.

D’un point de vue conceptuel

On sait que les musiques occidentales sont fortement basées sur les mélodies et harmonies alors que les musiques caribéennes sont construites à partir de clés rythmiques, comme les musiques africaines (prédominance) : cas de la salsa (travail des divers instruments exclusivement à partir des clés rythmiques). Le zouk contient un beat d’envoûtement pouvant entraîner le jumping des foules si toutefois le récepteur laisse le rythme emporter son cœur ou son âme comme on peut le voir pour nos musiques traditionnelles de Gwo Ka et de Bèlè. Ainsi que l’affirme Dominique Cyrille au sujet de l’usage des tambours dans nos musiques caribéennes :

Ces musiques accompagnent le travail et la danse. Elles sont un medium très prisé par les vivants pour communiquer entre eux et pour établir un contact avec le monde spirituel. Il va sans dire que la musique euro­péenne classique n’en fait pas partie, bien qu’elle soit sou­vent utilisée par les Martini­quais […] C’est la polyrythmie par étagement et non pas l’harmonie qui en est un principe fondamental, comme c’est d’ailleurs le cas pour beaucoup d’autres musiques Afro-Caribéennes[31].

La notion de rythme nous ramène indubitablement à la notion de fête, de carnavalesque, de danse, à la vision lascive qu’a généralement le profane, l’étranger à notre culture. La vision peut paraître fantaisiste pour celui qui n’est pas averti, pour le sujet martiniquais qui n’a pas encore pris la mesure exacte de son essence ou le périmètre de son aura, ou encore pour celui qui ne connaît l’essence de nos peuples et qui s’engouffre bien malgré lui, dans des préjugés infondés. Penser Kassav, penser le zouk, relève d’une initiation particulière, d’une connaissance culturelle profonde que j’opposerai à l’attitude, ou la posture imaginaire évoquée précédemment. Autrement dit, à la lueur de cette réflexion sur le zouk, deux visions s’opposent (antinomie) et gagneraient à envisager ce que l’on pourrait appeler une dialectique (méthode de pensée), soit un dépassement de l’antinomie (synthèse) : Martinique imaginaire versus Martinique profonde. Ce n’est pas encore le cas.

Par opposition à la notion de Martinique Imaginaire, la Martinique Profonde est un tressage des codes et sous-codes, cette Martinique où l’identité est une peau noire sans masque blanc, en lien direct avec le concept césairien de la Négritude, et où l’expressivité antillaise relèverait à première vue des sens (monde sensible), plus que la raison (l’Intelligible). Évoquons donc Césaire dans son entretien avec Euzhan Palcy, en 1994. Celui-ci caractérise l’identité antillaise pour laquelle l’obsession nègre, la douleur nègre, la joie nègre, le ricanement nègre, la déréliction nègre, l’absurde nègre sont constitutifs de l’implexité identitaire antillaise. Tout cela nous renvoie à notre univers festif caribéen, a fortiori, à la zone Amérique, voire au mythe du Latino. Le Latino, personnage enjôleur, séducteur, engageant, charmeur et trompeur, gracieux (qui se donne pour rien, gratuit), émotif, plastique (« Plástico », Rubén Blades[32]) aime la fête et ne s’en cache pas. Le penseur et écrivain cubain Antonio Benítez Rojo[33] évoque cet insolite, il évoque l’hétérogène, l’imprédictible, le marginal, comme éléments qui coexistent avec la raison (monde intelligible et ordonné), héritée chez nous de l’occidentalisation. La culture caribéenne, selon lui, est guidée par les rythmes erratiques, des jeux polyrythmiques turbulents comme des éruptions de gaz et de laves, des rythmes, le contretemps, la syncope qui font corps avec la Nature-Amérique. L’on peut prolonger cette pensée avec une lecture beaucoup plus directe encore de la société mexicaine, qui est une des plus festives et singulières au monde. L’essayiste et poète mexicain Octavio Paz, dans son Labyrinthe de la Solitude[34] prend à son compte cette dimension festive manifestée à des fréquences très soutenues et l’invalide, mais, en réalité, c’est un vecteur de la culture profonde et de l’identité mexicaine comme le démontre l’anthropologue mexicain Guillermo Bonfill Batalla[35] ou encre l’essayiste Carlos Monsivais[36]. Il ne s’agit plus de considérer la fête comme un péché, un vice, une perversion, mais bien au contraire, comme un élément vertueux, un trait culturel définitoire, une dominante identitaire dont il ne faut plus rougir.

Pour étayer la réflexion, l’on pourrait associer à cette vision les notions en mathématiques, physique et biologie de bruit[37], de chaos, de hasard[38], d’entropie[39] (augmentation du désordre, affaiblissement de l’ordre), de désordre, d’aléatoire, comme facteurs de la complexité organisationnelle (systèmes auto-organisateurs ouverts), mais, contentons-nous de l’approche sociologique.

La posture d’une Martinique Profonde exigerait in fine une attitude totale face à la Nature en tant que concept (reconfiguration dialectique) qui ne doit point être vue comme un ennemi ; Guillermo Bonfil nous apprend que « dans la culture occidentale, on prétend séparer et spécialiser divers aspects de la relation totale. Le poète chante à la lune, l’astronome l’étudie, le peintre recrée des formes et des couleurs du paysage, l’agronome connaît la terre, le mystique prie… Il n’y a pas de raison dans la logique occidentale d’unir tout ceci en une attitude totale, comme le fait l’Indien[40]. » La Nature, l’essence est le point de connexion des connaissances antillaises, afro-caribéennes, amérindiennes, syncrétiques, voire super-syncrétiques. L’on pourrait développer davantage des comparaisons de ce type entre la culture occidentale et la culture antillaise, disons simplement que la démarche de Kassav s’inscrit dans ce sens.

Le zouk de Kassav :
démiurgie esthétique (dimension mythique)

Dans la philosophie ancienne, le démiurge est une Divinité qui donne forme à l’univers. On part du Néant, du chaos originel, pour créer. La posture du groupe rejoint un peu cette vision dans la mesure où Kassav crée une œuvre de grande envergure en partant d’expériences diverses qui donnent forme au chaos de notre univers écrasé, méprisé, répudié.

Remarquons qu’à l’instar des écrivains de la créolité, les compositeurs de Kassav ont adopté une écriture textuelle opaque où ils deviennent eux aussi des renifleurs d’existence. Citons un extrait de l’Éloge de la Créolité pour mieux signifier notre propos :

Notre écriture doit accepter sans partage nos croyances populaires, nos pratiques magico-religieuses, notre réalisme merveilleux, les rituels liés aux “milans[41]”, au phénomène du “majô[42]”, aux joutes de ladja[43]”, aux “koudmen [44]”. Ecouter notre musique et goûter notre cuisine […] L’une des missions de cette écriture est de donner à voir les héros insignifiants, les héros anonymes, les oubliés de la Chronique coloniale, ceux qui ont mené une résistance toute en détour et en patiences, et qui ne correspondent en rien à l’imagerie du héros occidentalo-français (Bernabé, Chamoiseau et Confiant, 1993).

 Nous pouvons citer de même le Cubain Antonio Benítez Rojo sur la manière d’être des Caribéens :

L’axe de la machine culturelle des Peuples de la Mer est constitué par un réseau de sous-codes qui se connectent aux cosmogonies, aux bestiaires mythiques, aux pharmacopées oubliées, aux oracles, aux rituels profonds, aux hagiographies miraculeuses du Moyen Âge, aux mystères et aux alchimies de l’Antiquité[45].

Le Zouk de Kassav : engagement (langage)

Il nous faut donc faire l’adéquation entre la langue, vecteur culturel, véhicule de la pensée, et l’ethos soit notre idiosyncrasie collective. La langue est empreinte de notre Volksgeist, elle est affirmation de notre génie, de notre esprit et ne peut permettre que l’éclosion harmonieuse de la personnalité antillaise.

Nous sommes, des êtres sensibles, sans cesser d’être intelligibles (raison) au sens platonicien du terme, notre humanité profonde, éprouvant le sens que nous donnons à la vie, à nous-même, Peuple de la Mer, Peuple-Île, Peuple-Archipel, Peuple Méta-Archipélique, Archipel-Monde. Notons que la langue créole, dans nos sociétés colonisées a toujours été rejetée, écrasée, et même aujourd’hui, elle n’a pas l’adhésion générale de son peuple. Avec Kassav, la langue créole, que l’on retrouve dans l’esthétique textuelle des chansons, fissure sa gangue et se dresse véritablement en œuvre d’art pour citer l’écrivain Patrick Chamoiseau[46]. Si nous prenons pour aune l’immense répertoire du groupe, l’on constate par Kassav considère la langue comme une pierre précieuse.

A cet effet, nous devons prendre en considération deux éléments esthétiques importants quant à l’élaboration des morceaux de Zouk : la construction des textes (aspect théorique) et l’agencement des paroles (aspect pratique).

En fonction des sensibilités artistiques et des expériences vécues ou influences par chacun des démiurges du groupe, il faut dire qu’une méthodologie de type heuristique a été trouvée par les auteurs-compositeurs du groupe pour parfaire cet art nouveau du Zouk. Avant tout, elle est basée sur l’authenticité[47], c’est-à-dire ne jamais trahir son âme, même au risque de ne pas être appréciée tout de suite par le public récepteur. Cela permet de conférer à l’œuvre une certaine unité, soit une cohérence interne, fruit d’une certaine observation sensible des réalités iliennes et de leurs cultures profondes. Telle une poétique, les histoires racontées sont agencées autour de la culture populaire vibrante, de la sagesse ou de vérités d’expériences débouchant sur une morale ou une prise de conscience, par la représentation sociale qui en est faite. Les personnages décrits généralement sont des figures archétypales ; le macho (« Zouké[48] »), l’homme lâche (« Jilo Mayé[49] »), l’homme doux (« Siwo[50] »), le coureur de jupons (« Doméyis[51] »), l’homme amoureux (« Avè ou doudou[52] »), celui ayant essuyé un dépit amoureux (« Ki jan ké fè[53] »), la femme amoureuse (« Mi tchè mwen[54] »), la femme victime d’inceste (« Inceste[55] »), la femme trompée (« Mové jou[56] », « Pawol granmoun[57] »), la femme courage (« Vini Séré[58] »), l’homme burlesque, ( Colino de « Milans[59]… ») ou figures mythologiques (« Soucougnan[60] », « Zombi[61]… »)[62] posés dans l’univers interne des relations sociales antillaises, dans l’imaginaire antillais, dans un espace et un temps mythologique qui s’adapte parfaitement au format commercial des morceaux. Les figures archétypales, au sens psychanalytique (inconscient collectif) antillaises, d’ « humanité moyenne », par opposition à l’ « humanité noble classique » pour reprendre la terminologie d’Aristote dans sa Poétique[63] sur les genres littéraires, ne sont pas à classer dans une typologie éthique des personnages, elles ne sont pas des héros, elles sont illusions du « moi » antillais, virtuellement ou possiblement réelles, et peuvent servir néanmoins de modèles objectifs de construction sociale puisque par mimèsis (vraisemblable), les auteurs construisent une praxis (action) dans le cadre d’une histoire (mythos).

S’agissant du langage, Kassav, comme stratégie d’écriture, utilise des régionalismes, des innovations lexicales, sémantiques parfois des néologismes pour pouvoir éprouver et décrire toutes les palettes de notre existentialité antillaise. Elle puise dans la culture profonde populaire, les mythologies et théologies pour nourrir des mythes déchus et des images dégradées de notre ethos. Le groupe réanime l’imagerie locale pour les contempler dans leur virginité et révéler leurs messages enfouis. La pratique esthétique des membres du groupe les conduit à considérer une organisation des histoires racontées autour de péripéties[64] ou de reconnaissances[65] sous forme prosaïque ou poétique (musicalité, rythme, harmonie), avec une expression métaphorique claire, un langage courant qui ne tombe pas dans la banalité, ni dans la platitude. C’est donc un langage relevé d’assaisonnements (rythme, mélodie, chant), exhumé de sa sépulture sociale qui traduit une pensée d’engagement et d’avenir pour notre culture antillaise.

Tous ces éléments apparemment marginaux, témoignent des possibilités d’écriture de la langue en pays dominé, de stratégie d’émergence d’une identité propre à nos réalités caribéennes.

 Le zouk de Kassav : paradigme de progrès, d’élévation, de transcendance pour nos sociétés et le monde

La musique a le pouvoir, selon Diderot[66], de déstabiliser les corps constitués, de railler l’extase et le recueillement, de déjouer la dialectique, et aussi de nous confier sa douce énergie pour qu’à partir d’elle nous risquions un monde.

La perception de l’archipel de la Caraïbe s’est totalement métamorphosée en vingt ans. Il était envisagé comme un espace fragmenté, disjoint. Il est pensé aujourd’hui comme un méta-archipel culturel, sans centre et sans limites. C’est un espace ouvert (irrué, Glissant) de couloirs et de ponts, de circulation d’une île à l’autre. La Caraïbe devient un système turbulent ou chaotique où des aspects communs et des régularités incessamment se répètent, tout en préservant les distinctions. C’est dans ce creuset à répétitions que le Zouk se situe.

Il nous faut donc traverser l’ambivalence pour guérir de nos maux, de nos contradictions. Pour guérir notre ambivalence, cela implique que la haine originaire soit refoulée sous le couvert de l’amour, de penser une culture du désir, de dépasser la haine dans l’amour, afin de permettre au sujet de ne pas craindre ses sentiments hostiles, d’entrer en relation et d’être véritablement en présence de l’Autre, en présence du monde.

Bibliographie

Anakesa Kululuka Anakesa, « Transmission culturelle: une réalité vitale humaine et sociale en Martinique? » – Thème et variations. Cultures-Kairos, Maison des sciences de l’homme Paris Nord, 2016.

Aristote, Poétique, Librairie Générale française, 1990, Appendices : Politique, Livre VIII, 7, 213 p.

Baudrillard Jean, La Transparence du Mal – Essai sur les phénomènes extrêmes, Paris: Galilée, 1990, 179 p.

Benítez Rojo Antonio, La Isla que se repite, El Caribe y la perspectiva postmoderna, Editorial Plaza Mayor, 2010, 437 p.

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Discographie

Béroard Jocelyne, « Siwo », #A1, Vinyle, Jocelyne Béroard-Kassav-Siwo, Label GD Productions, 1988.

Béroard Jocelyne, « Sa ki ta la », #A2, Vinyle, Jocelyne Béroard-Kassav-Siwo, Label GD Productions, 1988.

Béroard Jocelyne, « Mi tchè mwen », #B4, Vinyle, Jocelyne Béroard-Kassav-Siwo, Label GD Productions, 1988.

Béroard Jocelyne, « Mové jou », #B3, Vinyle Kassav, Label GD Productions, 1985.

Béroard Jocelyne, « Milans », #6, CD Jocelyne Béroard Milans, Label Columbia, 1991.

Béroard Jocelyne, « Pawol Granmoun », #1, CD Madousinay, Label Créon Music, 2003.

Béroard Jocelyne, « Viné séré », #2, CD Madousinay, Label Créon Music, 2003.

Blades Rubén, et Colón Willie, « Plástico », #A1, Vinyle Siembra, Label fania records, 1978.

Desvarieux Jacob, « Soucougnan », #B1, Kassav n° 3, Label 3A Productions, 1981.

Desvarieux Jacob, « Zombi », #B1, Vinyle Kassav Passeport, Label Polydor, 1983.

Marthély Jean-Philippe & Naimro Jean-Claude, « Doméyis », #B3, Vinyle Kassav Majestik Zouk, Label Columbia, 1989.

Naimro Jean-Claude, « Avèou doudou », #B1, Vinyle Jean-Claude Naimro En balatè, Label GD Productions, 1985.

Saint-Éloi Patrick, « Chiré », #A1, Vinyle Georges Décimus- La Vie, Label Guadeloupe Production, 1983.

Saint-Éloi Patrick & Marthély Jean-Philippe, « Bizness », #B3, Vinyle Jean-Philippe Marthély/Patrick Saint-Éloi- Kassav, Label GD Productions, 1985.

Saint-Éloi Patrick & Desvarieux Jacob, « Filé Zétwal », # 4, CD Kassav An ba Chenn la, Label GD Productions, 1985.

Saint-Éloi Patrick & Marthély Jean-Philippe, « Bizness », #B1, Vinyle Jean-Philippe Marthély/Patrick Saint-Éloi- Kassav, Label GD Productions, 1985.

Saint-Éloi Patrick, « Zouké », #A2, Vinyle Patrick Saint-Éloi A la Demande, Label GD Productions, 1990.

Saint-Éloi Patrick, « ki jan ké fè », #6, CD Zoukamine, Label Sonodisc, 1994.

Saint-Éloi Patrick, « Inceste », #5, CD Patrick Saint-Éloi Lovtans, Label PSE Productions, 1998.

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[1] Études culturelles.

[2] Le terme entropie a été introduit en 1865 par Rudolf Clausius à partir d’un mot grec signifiant « transformation ». Il caractérise le degré de désorganisation, ou d’imprédictibilité du contenu en information d’un système. Par la suite utilisé par des œuvres culturelles et des entreprises.

[3] Néologisme qui renvoie à la notion de pureté, de sacralité.

[4] Aimé Césaire, Discours sur le Colonialisme, (1950), éd. Présence africaine, 1989, p. 23-24.

[5] Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, Rapport sur le savoir, Les Éditions de Minuit, 1979, 109 p.

[6] Gilles Lipovetsky, L’Ère du Vide – Essais sur l’Individualisme Contemporain, Gallimard, Paris, 1983, pp. 113-180.

[7] Ramón Grosfoguel, « Les implications des altérités épistémiques dans la redéfinition du capitalisme global, Transmodernité, pensée frontalière et colonialité globale », Multitudes 2006/3 (no 26), pages 51 à 74.

[8] Albert Camus, Noces, Paris, Éditions Gallimard, 1958, p. 46.

[9] Selon Descartes, l’objet est vu comme “chose étendue” et le sujet comme “chose pensante”.

[10] Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Éditions du Seuil, 1952.

[11] Albert Memmi, Portrait du colonisé, portrait du colonisateur, Éditions Gallimard, p. 73.

[12] Guillermo Bonfil Batalla, México Profundo, Una civilización negada, México D. F.: Random House Mondadori, 2012[1987].

[13] Carlos Fuentes, Le Miroir enterré, Réflexions sur l’Espagne et le Nouveau Monde, (1992), Gallimard, 1994 pour la traduction française, 406 p.

[14] Édouard Glissant explique sa notion de digenèse, au micro de François Noudelmann (Les Vendredis de la Philosophie, France Culture, 2003).

[15]Jean Baudrillard, La Transparence du Mal – Essai sur les phénomènes extrêmes, Paris: Galilée, 1990.

[16] Gérald Désert, Le Zouk : Genèse et représentation sociale d’une musique populaire, Éditions Anibwe, coll. « Liziba », 2018, p. 125.

[17] Anakesa Kululuka, « Transmission culturelle: une réalité vitale humaine et sociale en Martinique? » – Thème et variations. Cultures-Kairos, Maison des sciences de l’homme Paris Nord, 2016.

[18] Ensemble complexe résultant de la combinaison d’éléments divers et contradictoires.

[19] Claude Cloës, « Les racines inconscientes de l’ambivalence dans la passion : la haine originaire », Cahiers de Psychologie Clinique, 2007/2 (n° 29), pages 123 à 132.

[20] Faculté que les hommes possèdent d’exprimer leur pensée et de communiquer entre eux au moyen d’un système de signes conventionnels vocaux et/ou graphiques constituant une langue; p. méton. le langage comme réalisation de cette faculté. Source : CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).

[21] Le Tibwa traditionnel se joue avec les deux mains.

[22] Possibilité pour l’instrumentiste en plus du rythme qu’il doit tenir, de former une phrase musicale par des suites de notes à une voix.

[23] Patrick Saint-Éloi & Jean-Philippe Marthély, « Bizness », #B3, Vinyle Jean-Philippe Marthély/Patrick Saint-Éloi- Kassav, Label GD Productions, 1985.

[24] Patrick Saint-Éloi & Jacob Desvarieux, « Filé Zétwal », #4, CD Kassav, An ba Chenn la, Label GD Productions, 1985.

[25] Patrick Saint-Éloi & Jean-Philippe Marthély, « Bizness », #B1, Vinyle Jean-Philippe Marthély/Patrick Saint-Éloi- Kassav, Label GD Productions, 1985.

[26] Patrick Saint-Éloi, « Chiré », #A1, Vinyle Georges Décimus- La Vie, Label Guadeloupe Production, 1983.

[27] Jocelyne Béroard, « Siwo », #A1, Vinyle, Jocelyne Béroard-Kassav-Siwo, Label GD Productions, 1988.

[28] Jocelyne Béroard, « Sa ki ta la », #A2, Vinyle, Jocelyne Béroard-Kassav-Siwo, Label GD Productions, 1988.

[29] Béroard Jocelyne, « Mi tchè mwen », #B4, Vinyle, Jocelyne Béroard-Kassav-Siwo, Label GD Productions, 1988.

[30] Le chœur chante de courts refrains) en réponse (responsus) à l’invitatoire du chanteur.

[31] Dominique Cyrille, « Eugène Mona, Musicien créole des années 1980 », Actes du Séminaire d’ethnomusicologie caribéenne en Guadeloupe, Éditions 2003, http://www.lameca.org/dossiers/ethnomusicologie/index.htm.

[32] Rubén Blades, et Willie Colón, « Plástico », Álbum Siembra, 1978.

[33] Antonio Benítez Rojo, La Isla que se Repite, El Caribe y la Perspectiva Postmoderna, Editorial Plaza Mayor, 2010.

[34] Octavio Paz, El Laberinto de la Soledad, Fondo de Cultura Económica, México, 1994[1950].

[35] Guillermo Bonfil Batalla, op. cit.

[36]Carlos Monsiváis, Los rituales del caos. México, D. F., Ediciones ERA, 1998[1995].

[37] Norbert Wiener.

[38] Henri Atlan et Heinz Von Foerster.

[39] Lugwig Boltzmann.

[40] Guillermo Bonfil Batalla, op. cit., p 56.

[41] Commérages.

[42] Fier-à-bras.

[43] Danse traditionnelle.

[44] Traduction littérale : Coups de main.

[45] Antonio Benítez Rojo, op. cit., p. 37.

[46] Patrick Chamoiseau, Écrire en pays dominé, Paris, Éditions Gallimard, 1997, pp. 92-93.

[47] Gérald Désert, op. cit., p. 150-152.

[48] Patrick Saint-Éloi, « Zouké », #A2, Vinyle Patrick Saint-Éloi A la Demande, Label GD Productions, 1990.

[49] Jocelyne Béroard, « Jilo mayé », #5, CD, Jocelyne Béroard, Milans, Label Columbia, 1991.

[50] Jocelyne Béroard, « Siwo », #A1, Vinyle, Jocelyne Béroard-Kassav-Siwo, Label GD Productions, 1988.

[51]Jean-Philippe Marthély & Jean-Claude Naimro, « Doméyis », #B3, Vinyle Kassav Majestik Zouk, Label Columbia, 1989.

[52] Jean-Claude Naimro, « Avè ou doudou », #B1, Vinyle Jean-Claude Naimro En balatè, Label GD Productions, 1985.

[53] Patrick Saint-Éloi, « ki jan ké fè », #6, CD Zoukamine, Label Sonodisc, 1994.

[54] Jocelyne Béroard, « Mi tchè mwen », #B4, Vinyle Jocelyne Béroard- Kassav- Siwo, Label GD Productions, 1988.

[55] Patrick Saint-Éloi, « Inceste », #5, CD Patrick Saint-Éloi Lovtans, Label PSE Productions, 1998.

[56] Jocelyne Béroard, « Mové jou », #B3, Vinyle Kassav, Label GD Productions, 1985.

[57] Jocelyne Béroard, « Pawol Granmoun », #1, CD Madousinay, Label Créon Music, 2003.

[58] Jocelyne Béroard, « Viné séré », #2, CD Madousinay, Label Créon Music, 2003.

[59] Jocelyne Béroard, « Milans », #6, CD Jocelyne Béroard Milans, Label Columbia, 1991.

[60]Jacob Desvarieux, « Soucougnan », #B1, Kassav n° 3, Label 3A Productions, 1981.

[61] Jacob Desvarieux, « Zombi », #B1, Vinyle Kassav Passeport, Label Polydor, 1983.

[62] Personnages extrahumains.

[63] Aristote, Poétique, Librairie Générale Française, 1990.

[64] Changement subit de situation affectant le déroulement narratif du texte.

[65] Découverte tardive du sens du texte que l’on n’a pas su percevoir de prime abord,

principe de l’énigme.

[66] Élisabeth De Fontenay, « Diderot ou le Matérialisme enchanté », Paris, Grasset.