« Je mange les noirs de là-bas où je ne suis pas* » : poétique et esthétique de l’écologie décoloniale dans le théâtre d’Eva Doumbia

Marie Coquille-Chambel 
Université Paris 8 (France hexagonale)

Abstract

This article focuses on Autophagies by the author Eva Doumbia (2021) from a decolonial studies perspective. The analysis aims at exploring and identifying the elements and modes of mise en scène that tie the piece to ecopoetics and decolonial aesthetics and poetics. In doing so, the study highlights the construction of a discourse on the deep connection between coloniality and food through the practice of autophagia. Artistic and aesthetic choices such as genre hybridization or personnification will provide a key to understanding decolonial ecology, while displaying the creolisation phenomenon.

Keywords: decolonial theater, autophagy, decolonial ecology, creolization, ecopoetics             

Introduction

« Au creux des goûts, du plaisir de la bouche, se nichent des histoires de voyages, de conquêtes, de dépossessions, de déportations[1] », explique l’autrice et metteuse en scène Eva Doumbia lors d’un entretien consacré à sa pièce de théâtre Autophagies, jouée en 2021 au Festival d’Avignon. L’autrice franco-malienne qui a fondé en 2016 le festival Afropea et qui est membre du collectif Décoloniser les arts a voulu faire de son spectacle une « eucharistie documentaire[2] ». Autophagies est une performance théâtrale et culinaire sur les rapports entre aliments et colonialisme. C’est à travers le prisme de plusieurs aliments présentés et décortiqués, comme par exemple la banane et le chocolat dans plusieurs zones géographiques (Indochine, Mali, Côte d’Ivoire, Japon, Cameroun, France métropolitaine, Réunion) que les questions raciales, sociales et environnementales sont analysées. Pour cela, durant 9 tableaux, deux comédiennes prennent en charge le récit de deux aliments, à savoir le sucre et le riz tandis qu’un cuisinier prépare un mafé pour le public dans un cérémoniel.

Bien que la représentation de la nourriture au théâtre ne soit pas nouvelle – comme c’était le cas avec la présence de mets et de boissons sur scène dans le théâtre réaliste et naturaliste[3] -, dans le théâtre contemporain, la cuisine est davantage liée à sa dimension rituelle grâce à l’implication des spectateur.ices au repas dont la « participation peut transformer le statut ou l’identité du groupe de manière symbolique ou au sens propre[4] ». Cependant, le spectacle ici analysé dépasse la simple réunion collective des artistes avec les spectateur.ices lors d’un repas. Le terme d’« autophagie », appartenant au langage médical et en particulier à la biologie cellulaire, fait référence à l’auto-ingestion ; par cet acte, le spectacle parvient alors à mettre en avant une autre conception du collectif qui réside dans la dévoration collective à la fois des autres et de soi-même.

A la fois emblèmes du commerce dès le XVème siècle, les aliments présents dans la pièce font l’objet d’une stéréotypie et sont assignés racialement à des identités ou à des origines. Que ce soit dans l’Histoire des plantes coloniales : du cacao à la vanille[5], Le Monde dans nos tasses[6] ou dans la Géopolitique du goût[7], la question de la nourriture comme enjeu de domination Nord-Sud est aujourd’hui de plus en plus analysée au prisme des conséquences économiques, politiques, culturelles et anthropologiques grâce à l’essor des études culturelles, postcoloniales et décoloniales. A partir des liens entre nourriture et colonialité et du caractère double au cœur de l’auto-dévoration, nous nous demanderons comment Eva Doumbia façonne une poétique et une esthétique de l’écologie décoloniale. Il s’agira de dégager les manières et choix artistiques à partir desquelles le spectacle met en regard l’histoire de la circulation des aliments, poussée par l’industrialisation et rendue possible par l’esclavage et la colonisation, en rapport avec le pillage et l’exploitation des ressources des colonies, et ses effets pour penser les rapports à l’échelle mondiale, montrant alors l’appropriation par les blancs et les Européens d’aliments d’Afrique et d’Asie comme en témoigne l’ouvrage Voracisme[8]. De plus, nous verrons les liens qui existent entre écologie et décolonialité à travers la dimension sociale et migratoire, mais également par le prisme de la métaphore filée de l’autophagie. En axant l’étude sur l’esthétique décoloniale – considérée ici sous l’angle de la créolisation – il s’agira de questionner les enjeux de représentations politico-artistiques engagées sur le plan du collectif à travers l’usage du cérémoniel, de la préparation de mafé en direction du public mais également de la polyphonie des interprètes.

Fracture coloniale et environnementale : mise en regard de l’histoire de la circulation des aliments, l’esclavage et la colonisation lors de l’industrialisation 

La pièce d’Eva Doumbia vise à mettre en perspective à la fois une fracture coloniale[9], c’est-à-dire des “tensions” sociales liées à la mémoire de la colonisation, mais également environnementale à travers des exemples historiques et géographiques liés à la nourriture. Aidée par deux comédiennes, Olga et Angelica, qui jouent leur propre personnage dans un processus d’auto-référentialité, l’autrice qui incarne également son propre rôle peut alors éclairer l’histoire de la circulation des aliments avec des histoires individuelles et l’incarner scéniquement.

Le pillage et l’exploitation des ressources des colonies 

En dévoilant le processus commercial des aliments, Eva Doumbia met en récit le pillage et l’exploitation des ressources historiques des colonies au profit d’un commerce capitaliste français. Ce commerce capitaliste s’est construit avec l’impérialisme; l’origine même du colonialisme européen est la recherche de matières premières et de ressources naturelles pour développer leur industrie ou leur agriculture. Les effets à long terme de ces exploitations sont rendus visibles dès le début du spectacle par la projection d’une vidéo d’un entretien avec un chocolatier en Côte d’Ivoire. Celui-ci y dévoile les prix dérisoires auxquels sont vendus les kilos de chocolat, face caméra, dans l’endroit de récolte du chocolat qu’il montre, donnant un aspect documentaire à la pièce par l’irruption du réel que constitue le témoignage[10] direct. Toutefois, la pièce ne s’ancre pas seulement sur la réalité, la fiction permet également à l’autrice de révéler les enjeux environnementaux du projet colonial, à savoir la mise en péril de la biodiversité pour des intérêts commerciaux. En faisant jouer le palmier à huile, dont les effets sont dévastateurs, par Angelica qui prend son récit à la première personne, cela permet d’humaniser et de dévoiler un projet destructeur conscientisé :

Pas d’autres végétaux, rien que nous sur la moitié de la Suisse si on accepte que disparaissent là-bas presque toutes les espèces vivantes, banquiers et coffre-forts compris [sic.] Voilà ce qui s’appelle une réussite biologique, même si ce triomphe a le goût confus doux salé sucré amer d’un pot de Nutella, marque déposée[11].

Tous les récits d’aliments portés par une analyse chronologique et historique font écho les uns aux autres, montrent les similitudes des effets du colonialisme sur des zones géographiques différentes et permettent de dresser un panorama des crimes coloniaux qui se veut exhaustif, liant la dévastation écologique à l’exploitation des hommes. Lors du tableau 5, le personnage d’Olga prend l’année 1492 comme année du début d’un calendrier fictif car comme l’explique Lissell Quiroz, « pour les théoriciens de la décolonialité, la Modernité (orthographiée avec une majuscule) ne débute pas au temps des Lumières, elle apparaît en 1492, à la fin de la période de la Reconquista espagnole[12] » et devient le « premier espace de construction de la racialisation, imposée par la suite au reste du monde[13] ». Utiliser cette date permet de créer un nouveau récit historique en même temps que s’inscrire la dimension symbolique de cet événement dont les effets géographiques et humains sont communément effacés au profit de la notion de « découverte », montrant un projet colonial déjà défini :

C’est en l’an zéro que Christophe Colomb pose son pied sur une terre qu’il croit indienne. […] On importe des hommes de ce qu’on a appelé Afrique sur ce continent sur ce que l’on a pas encore nommé Amérique. Import-export[14].

Les effets de la mise en circulation des aliments : désappropriation des aliments d’Asie et d’Afrique 

Dans Autophagies, l’effet décentralisant de la mise en circulation des aliments est suggéré dans les récits réalisées par Angelica et Olga : les Africain.es et Asiatiques ont vu leurs cultures et leurs aliments être repris voire complètement modifiés afin de correspondre à une attente et à des désirs commerciaux de la part des pays colonisateurs. Plutôt que de parler d’appropriation culturelle, insister sur la désappropriation culturelle permet de montrer à la fois le vol orchestré par des acteurs extérieurs à la culture d’origine mais également la dépossession pour celles et ceux qui ont été exploité.e.s. Car, dans la nourriture, il y a plusieurs modalités qui peuvent impliquer des rapports de domination et d’exploitation, à savoir les modalités de production, de préparation et de consommation. Dans un monologue sur le riz, Olga montre bien comment un élément culturel a été retourné contre les pays du continent africain au profit de pays anciennement colonisateurs :

Manger du riz n’est pas seulement asiatique. En importation, dans certains pays africains cette céréale pèse plus lourd que toutes les voitures et engins agricoles réunis. Pour elle, des gouvernements s’endettent sur des générations. Et la finance internationale aime beaucoup ça[15].

Dans une suite d’anaphores autour de la notion d’oubli, Angelica y développe les conséquences physiques et coloniales de la migration forcée des Vietnamiens en Camargue afin de produire du riz. Ces anaphores permettent de marteler les stratégies d’oubli dont parlent les penseurs de la colonialité mais également de laisser transparaître l’émotion d’Angelica ainsi que la récurrence de toutes les violences mentionnées :

On oublie le froid, les maladies, les paillasses par terre dans des taudis, l’eau croupie, la nourriture avariée et rare. On oublie les humiliations, les viols de femmes qu’on dit soumises. On oublie la beauté des rizières aux formes géométriques dans ce Sud de la France. Est-ce que le souffle des eaux salées qui forment sa croûte au mitan de ces terres se souvient des visages aux beaux yeux bridés ?[16]

Par cette figure de style, ainsi que par la structure du récit et le traitement personnifiant des aliments, l’autrice de la pièce parvient à dévoiler les moyens par lesquels l’impérialisme a dépossédé et détruit à la fois un savoir-faire ancestral et des coutumes locales, au profit d’un commerce colonial mais également l’impact sur les corps, l’exploitation sexuelle des femmes ainsi que la hiérarchisation raciale par la mise en esclavage des vietnamien.ne.s.

Cette première phase historique permet, par la suite, de faire advenir un nouvel universel, débarrassé des scories de la narration de la modernité occidentale.

Décoloniser l’histoire des aliments, dévoiler l’assignation raciale

Dans la mise en scène de l’histoire des aliments se trouve une mise en perspective décoloniale qui dépasse les assignations raciales, c’est-à-dire les processus sociaux par lesquels les individus sont catégorisés, sur la base de caractéristiques perçues comme étant liées à la race – traits physiques, origine, couleur de peau, accent – en groupe racial. Cela permet de trouver un nouvel universel prenant en compte les spécificités des pays anciennement colonisés afin que l’universel ne soit pas cantonné aux pays anciennement colonisateurs et retrouver une forme « d’éveil de la conscience historique[17] » afin d’appréhender les enjeux culturels et mémoriels par l’alimentation. Mais avant le dépassement, il y a la prise en considération que certaines caractéristiques physiques sont liées à des conditions et spécificités raciales tout en étant également des conséquences de la colonisation. Le personnage d’Olga prend en charge l’explicitation de ces considérations tout en dévoilant le projet originel du cérémoniel que constitue le spectacle :

Nos troubles alimentaires s’inscrivent dans un processus qui nous dépasse. Tu sais, on trouve beaucoup de personnes intolérantes au lactose dans les populations asiatiques… africaines aussi d’ailleurs… Au Japon, et dans la plupart des pays d’Asie, on ne buvait pas de lait. […] C’est une affaire de transmission. Ici, dans cette cérémonie, on cherche les liens entre les manières de se nourrir de chacun et l’histoire, puis avec la géopolitique[18].

En dehors de la désappropriation, il y a également un autre transfert culturel : les aliments font donc un aller-retour entre les pays anciennement colonisés et les pays colonisateurs, ce qui crée donc, par la globalisation, de nouvelles problématiques, comme l’intolérance au lactose. Plus tard dans le spectacle, l’autrice, Eva Doumbia, se confie sur les raisons du choix de la thématique de sa pièce, liée à une blague raciste qu’on lui aurait faite lors d’un dîner, en exploitant le stéréotype des personnes noires qui mangent des bananes :

Pourtant ce n’est pas drôle parce que j’avais un problème avec les bananes. Enfin j’avais. je ne mangeais pas de banane. J’aimais les bananes mais je n’en mangeais pas. Parce que j’éprouvais une honte qui précédait les bananes. […]. La banane jetée pour les singes. Ou pour les noirs. Les noirs les singes les jacassements. Et ma honte? Qui a inventé que, primate, je monte sur des arbres en mangeant une banane ?[19]

Eva Doumbia décrit les stéréotypes raciaux liés à l’alimentation, montrant alors les effets de l’assignation raciale qui est faite envers les personnes noires qui va jusqu’à l’animalisation de ces dernières. L’assimilation de l’homme et de la femme noirs au singe est un stéréotype déshumanisant et extrêmement développé qui témoigne d’un racisme ordinaire et dont les « analogies, utilisées comme moyen de déstabilisation et d’infériorisation, sont issues des sciences naturelles et médicales aux xviiie et xixe siècles et ont été largement employées durant la période coloniale[20] ». Le spectacle dévoile alors en sous-texte la « blanchité alimentaire[21] » ainsi que les privilèges liés à celle-ci, par l’absence d’assignation ethno-raciale à un aliment.

En mettant en lumière les liens existants entre la fracture coloniale et la fracture environnementale, Eva Doumbia ne manque pas de montrer comment l’entrecroisement de l’écologie et de la décolonialité informe les injustices politiques, sociales et raciales. 

Injustice politique, sociale et raciale : mettre en lumière les liens entre écologie et décolonialité 

Contrairement au courant postcolonialiste – qui est une approche critique qui étudie les conséquences culturelles, économiques et politiques du colonialisme sur les cultures, les identités et les sociétés des pays colonisés –, la décolonialialité, conceptualisée en 1994 par Walter Mignolo, est une philosophie de libération fondée sur une idéologie nécessaire dans la lutte contre toute forme de colonialité et pour l’anéantissement de la différence coloniale. Eva Doumbia met en scène l’injustice politique, sociale et raciale sous l’angle de l’écologie et de la décolonialité ; ainsi, par la présentation de la dévoration des ressources, de la main d’œuvre et des cultures subalternes au profit des colons mais également dans l’acte d’autophagie, c’est-à-dire de se manger et de manger les siens afin de lutter contre la colonialité, la pièce s’inscrit pleinement dans une pensée de l’écologie décoloniale.

Définition de l’écologie décoloniale 

Dans son essai Une écologie décoloniale, penser l’écologie depuis le monde caribéen[22], publié en 2019, Malcom Ferdinand définit cette branche des études autour de la colonialité comme étant l’articulation et la confrontation des enjeux écologiques contemporains avec l’émancipation de la fracture coloniale. Il y développe l’idée selon laquelle le racisme est une manière d’habiter la terre selon un projet environnemental, social et politique. En partant de la date dite « de la découverte des Amériques » en 1492, Ferdinand voit dans ce moment la fondation de la fracture coloniale et environnementale. Il s’agit, pour les penseur.euses de la décolonialité, du moment de bascule dans la modernité, notamment par la systématisation des exploitations de main d’œuvre autochtone, de la déportation de populations africaines pour les réduire en esclavage, ce qui permet de penser plus spécifiquement les enjeux de subordination liés à la race. Cela remet en question le récit initial de la modernité, idée selon laquelle l’Europe serait placée devant toutes les autres civilisations puisqu’elle serait le berceau de la raison et de la science, mais également par l’universalité des valeurs qu’elle prône. Remettre en cause ce récit permet de créer un nouveau régime épistémologique où sont analysées les dimensions hégémoniques de la colonisation. Si la question de l’écologie décoloniale est omniprésente dans les outre-mers, elle prend également racine dans les mouvements pour la justice écologique et la défense des communs en Amérique latine[23] comme le Collectif national des femmes du Mouvement des personnes affectées par les barrages du Brésil, les mouvements pour la justice environnementale face aux violences en Inde ou les luttes socio-environnementales contre l’extractivisme en Afrique du Nord. Dans la critique décoloniale sont décriées les conquêtes, les génocides, les violences envers les femmes, la traite négrière et l’esclavage des noirs tandis que dans la critique environnementale, l’analyse porte sur la destruction des écosystèmes et la perte de la biodiversité mais les deux critiques peuvent alors s’entrecroiser :

L’écologie décoloniale articule la confrontation des enjeux écologiques contemporains avec l’émancipation de la fracture coloniale, avec la sortie de la cale du navire négrier. L’urgence d’une lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de la Terre est imbriquée dans l’urgence des luttes politiques, épistémiques, scientifiques, juridiques et philosophiques, visant à défaire les structures coloniales du vivre-ensemble et des manières d’habiter la Terre qui maintiennent les dominations des personnes racisées, et particulièrement les femmes, dans la cale de la modernité[24].

L’écologie décoloniale est donc une critique des colonisations à la fois historiques mais aussi contemporaines, prenant en compte les résurgences de l’habiter colonial, à savoir une terre géographiquement subordonnée à une autre fondée sur l’exploitation des terres et de la nature, critique qui prend au sérieux les enjeux écologiques du monde. Il s’agit d’une critique éthique radicale portée sur le racisme environnemental mais également sur la mise en ordre des territoires conquis par l’impérialisme. Concernant le registre littéraire et dramaturgique, le courant de l’écologie décoloniale se concrétise dans l’écocritique mais plus spécifiquement dans l’écopoétique. En effet, cette dernière pose les enjeux d’une esthétique littéraire et artistique environnementale tout en se demandant si l’on peut « écrire la nature sans en même temps inscrire en creux la domination humaine qui s’exerce sur elle[25] ». Si l’on rajoute à cette conception littéraire la décolonialité, l’on trouve dans les écopoétiques décoloniales la volonté de « défaire de l’intérieur les poétiques coloniales, elles les minent depuis ces lieux qui échappent aux cartographies et où se vivent des expériences qui ne sont prises en compte dans aucun paramétrage[26] » mais également « de proposer un mode de planétarisation non impérial[27] ». D’après Pierre Schoentjes, deux caractéristiques forgent l’écopoétique, à savoir la naissance d’une littérature soucieuse de l’environnement qui est passée de l’exotisme à l’écologie[28] mais également dans le renouement « avec l’histoire[29] ».

Cette redéfinition de la relation complexe entre environnement et culture est le moteur de l’écriture d’Eva Doumbia analysant le fait que « la nourriture entretient de nombreux rapports à l’environnement, à l’identité, à la vie et à la mort. C’est beaucoup plus complexe et profond que notre simple besoin quotidien. Manger modifie le paysage et transforme le monde[30] ». C’est donc en se fondant sur les enjeux de l’écologie décoloniale et de l’écopoétique qu’Eva Doumbia met en scène la dévastation des cultures alimentaires subalternes. 

La dévoration des ressources, de la main d’œuvre et des cultures subalternes

Dans le spectacle Autophagies, chaque histoire individuelle prend en considération un aliment qui est recontextualisé, à savoir le riz pour Angelica et le sucre pour Olga, montrant alors les agissements des colons pour transformer et s’approprier les divers aliments. De la prise de conscience historique et géographique sur la dévoration des ressources, de la main d’oeuvre et des cultures subalternes naît la colère des différents personnages dont celle d’Olga :

Cela commence toujours comme ça. Pour rien. Tout commence toujours pour un rien. Tout continue comme ça. Pour rien. RIEN. Tout commence ici par une histoire de sucre, c’est-à-dire pour rien. Pour une affaire de chocolat qui ne sert à rien. Pour rien les indigènes génocidés leurs mémoires parquées effacées. Pour rien, les millions de familles décimées, de femmes enfants hommes à leur terre arrachée, leurs corps entravés, leurs membres blessés, leurs viscères avariés, leurs cadavres parfois jetés par-dessus le bord des bateaux. Pour rien? Pour qu’une poignée puisse outre-les-mers boire sa tasse de lait chocolaté bien sucré bien vanillé ? Les pleurs des torturés restent pour toujours agrippés aux branches d’un figuier maudit. Pour rien. Aujourd’hui quels yeux d’enfant te regardent du fond de ta tasse de chocolat. Est-il ivoirien ou brésilien, ce gamin ?[31]

La mise en regard d’un plaisir culinaire face aux massacres esclavagistes et coloniaux, aidée par la multiplication des questions rhétoriques posées au public et des épiphores et anaphores « pour rien », scandées à la façon du brisage du quatrième mur et du théâtre épique de Brecht afin de réaliser une prise de conscience pour les spectateurs des enjeux liés à la nourriture en même temps d’une remise en perspective historique mais également tragique que l’on retrouve dans l’individualisation des yeux du « gamin ». Cela fait écho à la phrase de Stuart Hall « Je suis le sucre au fond de leur tasse de thé… le sucre des plantations qui leur a pourri les dents, à ces générations d’enfants anglais[32] ». Cette mise en perspective de l’enfance, qu’il s’agisse du travail infantile ou du plaisir gustatif des enfants mise en relation avec la dimension esclavagiste permet de créer du tragique par le décalage entre l’atrocité de la production et la finalité du produit transformé et dégusté car « la canne à sucre est alors le paysage économique et social le plus représentatif de ces univers fermés d’exploitation capitaliste, porteur d’une mémoire ancestrale toujours purulente, celle de l’esclavage et du trafic négrier mis en place par le système colonial[33] ». La triple dévoration (ressources, main d’œuvre, culture) est l’une des conséquences de la colonisation, c’est en cela qu’Eva Doumbia convoque le concept d’autophagie. 

Autophagie : manger les siens

L’acte d’autophagie, c’est-à-dire le fait de se manger soi-même ou de se nettoyer soi-même par un processus d’autodigestion, est une métaphore filée omniprésente dans la pièce et que l’on retrouve à la fois dans les critiques anticapitalistes, comme nous pouvons le voir dans l’ouvrage Sur la société autophage d’Anselm Jappe mais également dans la critique antiraciste, comme en témoigne Achille Mbembe dans La Politique de l’inimité : « Nous sommes sur le point d’être dévorés par un charognard qui n’est autre que nous-même. Autophagie, devrait-on dire ». Si au cours d’Autophagie cette forme de cannibalisme renvoie à la dévoration des ressources (forme de pillage hérité de la colonisation), l’emploi du concept pointe également celle de la main d’œuvre, notamment par la mention de grands groupes industriels tels que Nestlé ou Nescafé. Eva Doumbia, en maîtresse de cérémonie, théorise l’autophagie dans un monologue à la frontière du liturgique. En ce constat de l’autodévoration amène l’autrice à conceptualiser le cérémoniel et à expliquer comment elle en est arrivée à former des rites aux spectateur.ices :

L’hommanimal dit: je suis autophage et j’ai vu la vérité. […] Ici aujourd’hui, sur la terre cimentée, moi, l’homme cannibale, j’ai croqué des petits doigts bruns de Nestlé. […] Je mange mes morts pendant qu’ils sont vivants Je suis autophage quand je bois du Nescafé. Autophage, quand je fume une Marlboro. Autophage. Je mange les noirs de là-bas où je ne vis pas. Les noirs ici mangent les noirs de là bas. Les humanistes ici mangent les hommes de là-bas[34].

La mention de l’acte de l’autophagie, de la dévoration des siens, exclut d’entrer dans une dichotomie entre colonisés et colonisateurs ou personnes noires et personnes blanches puisque le véritable enjeu de la pièce réside dans la distinction entre pays du Nord et pays du Sud, aidée par les épiphores « de là-bas ». La poésie de cette métaphore naît à la fois des images convoquées, du caractère tragique de celles-ci mais également dans la narration à la première personne, c’est-à-dire qu’Eva Doumbia s’inclut dans l’acte d’autodévoration des siens puisque c’est elle qui prononce ces mots qui résonnent pour le public. Cette métaphore est également sollicitée par Olga afin de dévoiler les souffrances physiques endurées par sa mère :

La Réunion est l’île sucrée, je suis le sucre. Je ne suis pas addict au sucre mais je suis le sucre. Ma mère me disait qu’on la frappait avec une canne à sucre. J’ai mangé ses cris. L’engagement m’a nourrie, je suis la sueur des travailleurs engagés de l’usine à sucre[35].

Olga se fait alors allégorie et symbole du sucre, par la prise en charge du récit historique de la Réunion, donnant la possibilité d’incarner véritablement son histoire sociale, culturelle, politique et poétique, toujours dans la mise en parallèle d’un plaisir culinaire personnel et la production douloureuse de l’aliment.

Afin de porter un discours qui soit à la fois politique et artistique sur les questions sociales, environnementales et porté sur le dévoilement des systèmes d’oppression liés à l’alimentation, Eva Doumbia façonne une esthétique décoloniale, entre créolisation et représentation politique.

L’esthétique décoloniale, entre créolisation et représentation politique 

Dans le frottement entre l’écriture dramaturgique de l’histoire esclavagiste et coloniale de la circulation des aliments et celle de la mise en scène des liens contemporains entre écologie et décolonialité, l’on retrouve l’esthétique décoloniale. Cela se concrétise par un recours à la créolisation mais également dans les représentations politico-artistiques engendrées. 

La créolisation 

L’esthétique décoloniale se fonde sur la notion de créolisation pour produire des images inattendues. Dans le Traité du Tout-Monde, Edouard Glissant définit la créolisation comme étant « la mise en contact de plusieurs cultures ou au moins de plusieurs éléments de cultures distinctes, dans un endroit du monde, avec pour résultante une donnée nouvelle, totalement imprévisible par rapport à la somme ou à la simple synthèse de ces éléments[36] ». En partant du constat que le monde se créolise puisque toutes les cultures ont été mises en contact de façon consciente, Glissant explicite la nécessité de la créolisation dans son Introduction à une poétique du divers :

Les phénomènes de créolisation sont des phénomènes importants, parce qu’ils permettent de pratiquer une nouvelle dimension spirituelle des humanités. Une approche qui passe par une recomposition du paysage mental de ces humanités d’aujourd’hui. Car la créolisation suppose que les éléments culturels mis en présence doivent obligatoirement être « équivalents en valeur » pour que cette créolisation s’effectue réellement[37]. 

Cette mise en contact de différentes cultures est valorisée dans Autophagies, grâce à la polyphonie des interprètes, certains passages étant déclamés dans leur langue maternelle, créant une véritable universalité qui joue sur les rapports entre individuel et collectif à l’œuvre dans les histoires racontées. S’il existe donc une vision culturelle et linguistique de la créolisation, centrée sur le mélange et l’hybridité, c’est suivant les écrits de Patrick Chamoiseau[38] que l’on peut voir en quoi la vision sociopoétique et postcoloniale met l’accent sur les dimensions historiques et politiques du processus qui considère que ce phénomène est une forme de résistance aux logiques d’oppression et d’assimilation. Cela se concrétise au premier abord dans une mise en perspective décoloniale du mélange des genres (théâtre, vidéo documentaire, danse, chants, préparation d’un repas), comme on l’a noté plus haut, ainsi que de la nature des références (historique, anthropologique, esthétique, littéraire). C’est-à-dire qu’en reproduisant la créolisation au niveau esthétique, la décolonialité permet de visibiliser les dominations culturelles mais également de déconstruire les discours et l’iconographie coloniaux, ici sur l’alimentation. En étudiant les conséquences de longue durée de la colonisation par la circulation de ces aliments, la valorisation des cultures subalternes à la fois des diasporas et de l’hybridation du monde permet de contester le progrès linéaire porté par l’Occident. Il y a dans cette notion de décolonialité la volonté d’établir des conditions intellectuelles, politiques et sociales d’un nouvel horizon « postracial[39] », avec une démarche de déconstruction critique du savoir qui vise à défaire les biais racistes et coloniaux qui imprègnent les constructions sociales mais pas seulement, comme nous avons pu le voir avec les aliments et la nourriture. D’autres conceptualisations d’Edouard Glissant, liées à la créolisation, sont présentes dans l’intégralité d’Autophagies, qu’il s’agisse de la pensée de la trace qui « s’appose […] à la fausse universalité des pensées de systèmes[40] » ou encore dans la volonté de prolonger « au loin l’imaginaire, par un infini éclatement et une répétition à l’infini des thèmes du métissage, du multilinguisme, de la créolisation[41] ». Le spectacle entraîne alors la poétique de la relation, qui est « ce possible de l’imaginaire qui nous porte à concevoir la globalité insaisissable d’un tel chaos-monde, en même temps qu’il nous permet d’en relever quelque détail, et en particulier de chanter notre lieu, insondable et irréversible. L’imaginaire n’est pas le songe, ni l’évidé de l’illusion[42] ».

Si la créolisation fait partie intégrante du processus esthétique, celui-ci n’omet pas la dimension politique et artistique du cérémoniel sur lequel se fonde le spectacle. 

Les enjeux de représentations politico-artistiques du cérémonial 

Durant toute la durée de la représentation, le chef cuisinier et comédien camerounais Alexandre Bella Ola prépare un mafé face au public, une caméra installée au-dessus de lui et projeté en bifrontal afin de le partager par la suite avec le public. Tout au long du spectacle, différents aliments sont donnés à goûter au public, qu’il s’agisse d’un chocolat pimenté, de bananes mais aussi de livres en lien avec les arguments utilisés pour construire la pièce. Avant la dégustation, Eva Doumbia demande au public de participer au cérémoniel par des remerciements qu’il répète après l’autrice :

Avant de le manger ensemble nous allons dire quelques mots de remerciement. Vous allez les dire avec moi. Ce n’est pas moi qui t’ai semé. Ce n’est pas moi qui t’ai planté. Ce n’est pas moi qui t’ai nourri. Ce n’est pas moi qui t’ai arrosé. Ce n’est pas nous qui t’avons arraché de l’humus où tes racines se lovaient . Ce n’est pas nous qui t’avons cuisiné[43].

Encore une fois l’anaphore, qui renforce l’apparence rituelle du spectacle, inscrit le chocolat en ostie, dont le caractère sacré prime sur la religiosité. Car, si le théâtre eucharistique est, d’après Sylvie Chalaye, un théâtre où le corps est au centre de la cérémonie théâtrale, où le corps « se fait réceptacle de l’histoire, il porte la fable, en porte les traces, les stigmates, il se fait temple et sépulture à la fois, dépositaire de la mémoire[44] ». Toutefois, ce que l’on peut noter dans Autophagies, c’est que le sacrifice n’advient pas à la fin du cérémoniel, il a eu lieu avant : le sacrifice est perçu comme étant à l’origine même de celui-ci, dans une ambition mémorielle. La possibilité de trouver un nouvel universel se fait également dans la confection de ce mafé partagé avec le public à la fin du spectacle, dont la matérialité et le partage permettent une véritable réconciliation entre les histoires racontées, la prise de conscience politique et dans l’acte de communion qu’est le théâtre. Cela est aidé scénographiquement par une construction progressive de l’espace scénique en autel, où les bougies et diverses icônes (photographies, livres, aliments et portraits) sont disposées afin de créer un lieu sacré. Dans un entretien pour le Festival d’Avignon, Eva Doumbia reconnaît la dimension sacrée mais aussi politique de ce cérémonial, notamment à travers le recours aux chansons « qui ponctuent le spectacle (et qui) peuvent en même temps prendre un poids liturgique et jouer avec le ressenti, avec le public. […] Pour moi, la dimension ritualisée de la pièce rappelle que le vivant forme un tout plus complexe et sensible que celui décrit jusqu’à présent par l’Occident monothéiste et individualiste[45] ».

L’esthétique décoloniale apparaît donc comme la possibilité d’entrelacer les dimensions politique et artistique, dans une expérience qui soit à la fois polysensorielle mais aussi dans la confrontation de plusieurs cultures, langues et histoires afin de dessiner un horizon pluriversel et d’élargir les canons artistiques éculés. Cela se rapproche de la conception de Pedro Pablo Gómez, qui souligne le caractère multiple de l’esthétique décoloniale :

l’option esthétique décoloniale ne consiste pas en une esthétique, mais en plusieurs esthétiques, dans une perspective où l’esthétique occidentale a sa place, non pas comme unique et hégémonique mais plutôt comment un espace permettant de conserver les particularités et, en même temps, d’ouvrir les dialogues inter- et trans-esthétiques articulés à des projets visant à surmonter la colonialité globale[46] 

En révélant l’ancrage écopoétique que sous-tend la pièce de théâtre Autophagies, nous avons pu voir comment Eva Doumbia, à travers un spectacle sur la nourriture, réalise une poétique et une esthétique de l’écologie décoloniale, notamment à travers le dépassement de l’assignation raciale ainsi que par le recours à la créolisation – pour ne reprendre que ces deux exemples. Ce spectacle a aussi pu définir les contours historiques de la mise en circulation des aliments afin de montrer les conséquences actuelles de la colonisation sur les pays du Sud. Cette littérature décoloniale se concentre alors sur la quête d’une vérité historique et transnationale mais également sur la mise en articulation de l’environnement, des corps et de la culture afin de laisser transparaître un nouvel universel, englobant et sans hiérarchisation.

Bibliographie

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  • Chamoiseau Patrick, Eloge de la créolité, Paris, Gallimard, 1989.
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  • Kempf Lucie et Moguilevskaia Tania (dir)., Le Théâtre néo-documentaire : résurgence ou réinvention ?, Nancy, Editions universitaires de Lorraine, 2013.
  • Monet-Descombey Hernández Sandra, « Poétiques mémorielles et imaginaire collectif : canne à sucre et émancipation en Caraïbe », Caravelle, 109, 2017.
  • Niang Mame-Fatou et Suaudeau Julien, Universalisme, Paris, Anamosa, 2022.
  • Peiretti-Courtis Delphine, « 1. Survivances d’un racisme ordinaire en France », in Id., Corps noirs et médecins blancs. La fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles, Paris, La Découverte, 2021.
  • Schoentjes Pierre, Ce qui a lieu : essai d’écopoétique, Marseille, Editions Wildproject, 2015.
  • Stourna Athéna-Hélène (dir.), La Cuisine à la scène : boire et manger au théâtre du XXe siècle, Tours, Presses universitaires de Rennes, 2011.
  • Quiroz Lissell, « Hybris, colonialité et modernité : les Lumières au prisme de la théorie décoloniale », Lumières, vol. 34, no. 2, 2019.
  • Volper Serge, Une histoire des plantes coloniales : du cacao à la vanille, Versailles, Editions Quae, 2021.

Note

[*] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 3.

[1] Entretien réalisé par Francis Cossu le 23 janvier 2020 dans le cadre du Festival d’Avignon, présent dans la note d’intention.

[2] Note d’intention du spectacle, réalisée par le festival d’Avignon en 2021.

[3] Athéna-Hélène Stourna (dir.), La Cuisine à la scène : boire et manger au théâtre du XXe siècle, Tours, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 276.

[4] Ibid, p. 277.

[5] Serge Volper, Une histoire des plantes coloniales : du cacao à la vanille, Versailles, Editions Quae, 2021.

[6] Christian Grataloup, Le Monde dans nos tasses : l’étonnante histoire du petit-déjeuner, Malakoff, Editions Armand Colin, 2017.

[7] Christian Boudan, Géopolitique du goût : la guerre culinaire, Paris, Presses Universitaires de France, 2004.

[8] Nicolas Kayser-Bril, Voracisme : trois siècles de suprématie blanche dans l’assiette, Paris, Editions Nouriturfu, 2021.

[9] Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire (dir)., La Fracture coloniale : la société française au prisme de l’héritage coloniale, Paris, Editions La Découverte, 2006.

[10] Lucie Kempf et Tania Moguilevskaia (dir)., Le Théâtre néo-documentaire : résurgence ou réinvention ?, Nancy, Editions universitaires de Lorraine, 2013, p. 37.

[11] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 5.

[12] Lissell Quiroz, « Hybris, colonialité et modernité : les Lumières au prisme de la théorie décoloniale », Lumières, vol. 34, no. 2, 2019, p. 25.

[13] Ibid.

[14] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 9.

[15] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 6.

[16] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 8.

[17] Mame-Fatou Niang, Julien Suaudeau, Universalisme, Paris, Anamosa, 2021, p. 62.

[18] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 2.

[19] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 4.

[20] Delphine Peiretti-Courtis, « 1. Survivances d’un racisme ordinaire en France », in Id., Corps noirs et médecins blancs. La fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles, Paris, La Découverte, 2021, p. 12.

[21] Concept notamment utilisé par Mathilde Cohen.

[22] Malcolm Ferdinand, Une écologie décoloniale, penser l’écologie depuis le monde caribéen, Paris, Editions du Seuil, 2019.

[23] Bernard Duterme (dir.), L’Urgence écologique vue du Sud, Paris, Editions Syllepse, 2020.

[24] Malcolm Ferdinand, Une écologie décoloniale, penser l’écologie depuis le monde caribéen, op. cit., p. 42.

[25] Nathalie Blanc, Denis Chartier et Thomas Pughe, « Littérature & écologie : vers une écopoétique », Écologie & politique, vol. 36, n˚ 2, 2008, p. 19.

[26] Pierre Boizette, Xavier Garnier, Alice Lefilleul et Silvia Riva, « Écopoétiques décoloniales », Littérature, vol. 201, n˚ 1, 2021, p. 72.

[27] Ibid., p. 76.

[28] Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu : essai d’écopoétique, Marseille, Editions Wildproject, 2015, p. 69.

[29] Ibid, p. 79.

[30] Entretien réalisé par Francis Cossu le 23 janvier 2020 dans le cadre du Festival d’Avignon.

[31] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 10.

[32] Stuart Hall, cité dans Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang, Universalisme, Paris, Anamosa, 2022, p. 67.

[33] Sandra Monet-Descombey Hernández, « Poétiques mémorielles et imaginaire collectif : canne à sucre et émancipation en Caraïbe », Caravelle, 109, 2017, p. 45.

[34] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 3.

[35] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 10.

[36] Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde, Poétique IV, Éditions Gallimard, 1997, p. 37.

[37] Édouard Glissant, Introduction à une Poétique du Divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 10.

[38] Patrick Chamoiseau, Eloge de la créolité, Paris, Gallimard, 1989.

[39] Nicolas Bancel, Le Postcolonialisme, Paris, Presses Universitaires de France, 2019, p. 7.

[40] Édouard Glissant, Introduction à une Poétique du Divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 17.

[41] Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde. op. cit., p. 18.

[42] Ibid, p. 22.

[43] Eva Doumbia, Autophagies, texte inédit, manuscrit, p. 3.

[44] Sylvie Chalaye, Corps marron : les poétiques de marronnage des dramaturgies afro-contemporaines, Caen, Editions Passage(s), 2018, p. 93.

[45] Entretien réalisé par Francis Cossu le 23 janvier 2020 dans le cadre du Festival d’Avignon.

[46] Pedro Pablo Gómez, Angélica González Vásquez et Gabriel Ferreira Zacarias, « « Esthétique décoloniale » Entretien avec Pedro Pablo Gómez », Marges, 23 | 2016, 102-110.