Le zouk
Trajectoires, Imaginaires et Perspectives
Sous la direction de Gérald E. DÉSERT
Ce numéro spécial de NaKaN répond non seulement à un besoin de connaitre, à un devoir de mémoire, mais aussi de transmission des savoirs. En mettant à jour les réalités culturelles des îles sœurs de la Guadeloupe et de la Martinique sur cette question de la création musicale du zouk depuis sa genèse, ce numéro explore les trajectoires, les imaginaires et développe des perspectives en prenant pour baromètre le groupe Kassav à l’origine de la création de cette esthétique depuis 1979. Ce désir d’identification et de reconnaissance partagé ne peut que générer un sentiment identitaire d’appartenance à une histoire commune des Peuples de la mer, héritée de la mémoire chaotique et dévastatrice de l’esclavage et de la colonisation. L’histoire et la mémoire de ces peuples ont été baignées dans la confusion, le brouillage du mimétisme, l’assimilation, l’acculturation, la transculturation…, mais se révèlent, malgré tout, comme pourvoyeuses d’éclats créatifs inouïs. Des chercheurs de diverses disciplines et des professionnels de la musique, de la médiation de la Guadeloupe et de la Martinique ont répondu à notre appel, mais aussi d’autres régions du monde (Japon, France Hexagonale, Mayotte, Congo-Brazzaville, Cameroun).
Les contributions sur cette question du zouk ont montré comment le terrain est encore inexploré et le travail énorme qu’il reste encore à fournir. La réalisation d’un tel chantier nécessite d’intégrer d’autres disciplines comme la musicologie, la médiologie, la sociologie/l’anthropologie, l’économie, mais également de visualiser des études sur les vidéomusiques, l’iconographie de la jaquette, la scénographie, la danse, la culture du clubbing, les métiers de platinistes, du texte chanté, de l’ingénierie du son et de la production musicale, les arts, la psychanalyse…
La thématique Le zouk : Trajectoires, imaginaires et perspectives, dans cette publication spéciale de NaKan, est abordée de manière interdisciplinaire, tout en croisant des débats musicologique, médiologique, historique, linguistique, créolistique, culturel, reliant expériences et vécus hétérogènes afin de mieux interpréter le présent et se projeter vers l’avenir.
Le premier volet de ce numéro interroge l’aspect musical en passant par une comparaison avec la biguine du point de vue de son évolution (trajectoire). Le deuxième axe réfléchit sur la manière dont le zouk de Kassav entre autres forme un substrat très important à la constitution de la langue créole et de son expressivité et comment le texte créole des pièces musicales peut nourrir la pédagogie dans les classes de langues vivantes. Le troisième volet complète la vision précédemment annoncée sur des questions telles que la représentation et les identités. Cette démarche introspective de réappropriation de l’imaginaire permettrait une délivrance complexuelle des peuples guadeloupéen et martiniquais vis-à-vis de ce sentiment d’« hainamoration »[1] éprouvé plus souvent que rarement. La quatrième partie révèle l’impact du zouk dans le périmètre monde et établit un indicateur indéniable de l’acceptabilité de sa réception internationale. Et enfin, le cinquième volet offre une lecture toute particulière de l’hybridité et de son interpénétration dans les codes et langages musicaux postmodernes. Un encart consacré au témoignage de professionnels et artistes traite de l’apport sacral des tambours africains au zouk (Ka et Bèlè), ainsi que de l’influence de Kassav’ dans les programmes radio en Guadeloupe.
[1] L’« hainamoration » (Lacan, 1999 : 116) est un néologisme lacanien qui a le grand mérite de mettre en relief l’inextricable interaction entre les sentiments de haine et d’amour.