De l’« urbanîle » à l’« éco-urbanîle » de Jean-Marc Rosier : pour une lecture de l’écologie décoloniale

Cynthia Volanosy Parfait
Université d’Antsiranana (Madagascar)

Abstract

Using Jean-Marc Rosier’s concepts of “urban-island” and “eco-urban-island”, we propose a reading of Malcolm Ferdinand’s decolonial ecology, thinking from Martinique. In his poetry volume Urbanîle, Jean-Marc Rosier depicts how the poet Aimé Césaire, once mayor, rebuilds the city of Fort-de-France. But excessive urbanization has led to the degradation of living conditions. Rosier’s writing attempts to transpose this desolation of a denaturalised island. In an effort to symbolically repair the damage, the author offers an “eco-urbanile” alternative that is both decolonial and open to Glissant’s notion of Whole-world.

Keywords: island, city, decolonial ecology, ecopoetics, Jean-Marc Rosier

Introduction

La thématique urbaine reste l’une des principales préoccupations de la nouvelle génération d’écrivains de la postcréolité. Sa présence marque le passage de l’« En-ville » de Chamoiseau et de Confiant à « la ville et ses marges » chez Alfred Alexandre[1]et Jean-Marc Rosier. Dans leur triptyque respectif, les deux écrivains s’autoproclament détracteurs des immondices liées à l’urbanisation effrénée de la capitale martiniquaise. Ceci étant dit, nous nous intéressons en particulier à Jean-Marc Rosier qui avec le recueil Urbanîle (2015) livre le troisième volet du triptyque plongé dans les dédales de Fort-Royal, après Noirs néons (2008) et Les Ténèbres intérieures (2014). Le voyage au bout de Foyal de ses deux premiers romans résonne dans Urbanîle comme une descente aux enfers au détour d’une écriture fortement réaliste, fragmentaire, construite selon un rythme ternaire, « Urbatir », « Urbanihile » et « Intuitions ». La notion de l’urbanîle a été ensuite conceptualisée par l’auteur dans une étude introductive « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle » en 2018 où il suggère un projet réparateur pour toute « urbanîle » au monde, l’« éco-urbanîle ».

À travers les concepts de l’« urbanîle » et de l’ « éco-urbanîle » de Jean-Marc Rosier, nous proposons une lecture de l’écologie décoloniale de Malcom Ferdinand depuis la Martinique[2]. Dans le recueil Urbanîle, Jean-Marc Rosier incarne la figure de Césaire, le poète-maire, bâtissant la ville sur l’île et reproduisant l’établissement de la société d’habitation. L’île une fois urbanisée à outrance précipite sa propre déchéance et celle de ses habitants humains et naturels. C’est alors que le travail sculptural du recueil tente de transposer la désolation de l’île désormais dénaturalisée et annihilée. À titre de réparation, l’auteur réfléchit à une alternative dite « éco-urbanîle » tout-mondiste et résolument décoloniale.

« Urbanîle », « un habiter colonial »

Dans son étude « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », Jean-Marc Rosier définit son néologisme conjuguant deux thématiques littéraires intemporelles l’urbanité et l’insularité : « J’appelle “urbanîle” toute île au Monde en prise avec la Ville, emprise par la Ville »[3], définition qui n’est pas sans rappeler la formule introductive de Glissant [J’appelle “Tout-monde” ; J’appelle “Chaos-monde”] dans son essai Traité du tout-monde (1997). Jean-Marc Rosier confronte l’urbanité ou la ville et l’insularité ou l’île reprenant la dialectique Nature et Culture telle qu’elle est pensée par les philosophes du XVIIIe siècle. L’urbanité se lit ainsi comme une forme de culture investie sur la nature qu’incarne l’île essentiellement naturelle, d’île déserte selon la thèse deleuzienne qui cesse de l’être dès la pénétration humaine : « […] pendre une île, dénaturer son utopie, briser sa clôture, abolir son isolement, coloniser sa solitude en la nommant, en l’habituant, en l’habitant, ce sont là actes de puissance, affirmation d’un pouvoir. Culture est fondamentalement guerrière »[4]. La dénaturalisation de l’île se réalise donc dès sa dénomination par laquelle « commence le processus de nihilisation »[5]. La ville en île s’oppose donc à la nature : « L’urbanîle est contre nature, nihilisation, c’est-à-dire négation de l’île, autrement dit perte de sa naturailéité/isléité, par artificialisation »[6].

Le recueil poétique Urbanîle retrace ainsi le processus d’urbanisation, d’artificialisation de l’île martiniquaise en remontant dans le premier feuillet « Urbatir » au « Premier œuvre du poète » (également maire) :

Césaire abstrayant des eaux ternes son geste glorieux – Chant II de l’épos martiniquais – ne sombra pas dans la consternation. A la ville, il promit un grand œuvre et s’en tient. L’Au-Béraud des asîliens de Pondichéry, de Calcuta, des exîliens de Bihar et de l’Uttar Pradesh, douloureusement pour le maire, fut des décombres à enfouir. Levassor, l’incontinent, fut dragué, bordé, canalisé, façonné.[7]

Césaire imaginait une urbanisation correcte pour la capitale martiniquaise et ses habitants. Le poète-maire voulait bâtir une ville sans compromettre les habitués et les ressources naturelles. « Premier œuvre », cependant, a précipité Foyal dans une déchéance à la fois spatiale et humaine. Il participe malgré lui de la dénaturalisation de l’île, de l’« urbain-nihile-l’île » que déchante Jean-Marc Rosier dans le deuxième feuillet intitulé « Urbanihile ». L’œuvre du poète, ce « geste glorieux », qui ambitionne de bâtir la ville pour faire face aux nouveaux besoins sociaux économiques a échoué.


Villes bidon viles crâneuses
Et quadrillées d’autodébiles le long des nuits rampant debout
Minute cocotte ! Ton pot de piment ! Tes lapées de queues de
Comètes ! Tes battues douces !
Et terminus  Et va-et-vient.[8]

À l’auteur de préciser ensuite que la ville a commencé sa déchéance dès l’an « 1639 contemporaine » à l’instauration de l’économie de plantation des Antilles qu’il précise dans l’étude introductive[9]. Jean-Marc Rosier remonte au XVIIe siècle à l’implantation de la société d’habitation[10] pour rappeler la première grande dénaturalisation de l’île : « Et gabarres et pataches et tartares et caravelles et galions et galiotes et caboteurs et lougres et yoles et gommiers et navires et bâtiments et barques et vaisseaux et chaloupes et vedettes et cargos et paquebots flottille »[11].

Rosier revient sur ce pan de l’histoire sociale martiniquaise et insiste sur les exploitations des ressources de l’île pour l’enrichissement des colons qui viennent en conquérants et en maîtres des lieux à l’origine de la puissance économique et culturelle européenne, française plus précisément. Malcom Ferdinand appelle cette société d’exploitation « un habiter colonial »[12] qu’il définit clairement comme « une manière violente d’habiter la Terre, asservissant des terres, des humains et des non-humains aux désirs des colonisateurs »[13]. Le projet urbain de Césaire est considéré comme le « Chant II de l’épos martiniquais » après sûrement le « Chant I » de la société d’habitation. Sous la plume de Rosier malheureusement, l’exploit héroïque du bâtisseur « [sombra] dans la consternation » car il s’appuie sur une société racisée, inégalée instituée depuis plus de trois siècles.

Je marchais longtemps pour voir la nuit et l’intérieur de son chapeau de feutre. Les néons collaient à la voie ma solitude trainant son las tricentenaire puis, de loin en loin, espaçait leur vigie. Les bâtisses de béton peu à peu cédaient peu à peu aux étouffées de ronces, et l’asphalte, soudain, se faisait grumeaux de latérite.[14]

Dans ces vers se retrouve Jonas, le narrateur des deux romans, Noirs néons et Les Ténèbres intérieures, qui dans ses pérégrinations découvre la dénaturalisation de l’île due à l’urbanisation. Le « Premier œuvre » de Césaire réactualise la société d’habitation car elle est fondée sur le même principe d’exploitation des terres, des hommes et des ressources bien que les objectifs diffèrent. Le bâtisseur de la ville s’arroge, lui aussi, le droit d’exploiter et de dénaturaliser l’île en vue d’une « urbanîle » et accentue ainsi la destruction de l’environnement naturel en sus des inégalités sociales :

Brandons des désordres
ces clapiers enchâssés
dans l’industrie
des écarts[15].

Le poète pointe du doigt cet « habiter colonial » qui subsiste sous forme d’une « urbanîle » rendant encore plus sensible les écarts entre les détenteurs de la richesse d’exploitation et les démunis de l’île. Jean-Marc Rosier dans son étude sur la poétique de l’« urbanîle » confère au concept trois niveaux de sens : d’abord « urbanîle » désigne « toute île urbanisée, urbaine, habituée, habitée, en rupture de Nature, surdéterminée, administrée à l’endroit intérieur et extérieur par une métropole » ; elle se rattache ensuite à « toute ville insulaire généralisée, toute ville globale générique dont la forme coïncide avec celle de l’île » pour se référer enfin à « toute ville insulaire généralisée, toute île urbanisée, urbaine, imaginée ou de réalité, dont le mouvement chaotique, la dynamique administrative apparaissent insécuritaires, déshumanisant à tout-va, courant à toutes catastrophes [N.D.L.R] »[16]. Cette dernière acception conforte l’idée de l’« habiter colonial » au cœur de l’ « urbanîle » qui reconnaît en elle une organisation administrative exerçant son pouvoir de domination sur les habitants racisés ainsi que son pouvoir d’exploitation sur les éléments naturels.

Urbanîle qui couronne la trilogie reprend en chœur l’itinéraire des personnages urbains sombrant progressivement avec la ville. De même, « Urbanîle » corrompt ouvertement les êtres « habitués »[17] ; elle parvient à les déposséder jusqu’à la dernière once de leur humanité originelle pour tomber dans des violences meurtrières à l’instar de Ricardo dans Noir néons. De même Jonas, le protagoniste de la trilogie, brillant étudiant qui préfère le reportage de nuit à la carrière universitaire, se résout à maltraiter sa compagne enceinte, agresse les filles des rues avant d’être interné dans un asile psychiatrique souterrain – séquence qui se retrouve au centre du deuxième roman – pour devenir dans le dernier volet cet être esseulé errant dans la nuit.

Jonas
à l’orée des cimes métropolaires allant voûté à l’œil des borgnes irradieux son train de
     solitude, ses tracées d’abandon, à l’usure des rues soudain boulevards et au détour
     des rues soudain ruelles, d’autres passages lardés de stone, effilochés d’angoisse,
     courant d’un chaos l’autre en ces quartiers
cramés
    camés
    chauffés d’émeutes[18]

L’île est victime de son urbanisation au même titre que ses habitants les plus démunis parqués dans les bas-fonds foyalais. La dénaturalisation de l’île qui remonte à la société d’habitation est construite sur le principe d’exploitation des terres. Jean-Marc Rosier use ensuite de ses vers pour figurer les ressentiments de l’île en décadence car exagérément urbanisée.

Entre complainte et résistance de l’île

Le recueil Urbanîle, comme les deux romans du triptyque, invite à une perspective écopoétique. L’écriture, en tant qu’esthétique littéraire, prend part à cette préoccupation environnementale des textes contemporains. Dans ce recueil, il est en effet question de l’« ecological works » de l’écriture littéraire défendu par Jonathan Bate qui confère au langage poétique le pouvoir de traduire « ce qui ne peut pas être dit dans d’autres formes de discours »[19]. Il s’agit pour l’auteur de The song of the Earth de « traduire les processus naturels, de les reproduire ou les représenter, leur prêter une langue humaine »[20]. Concernant Urbanîle, la thèse de Bate pourrait s’étendre vers une langue humaine protéiforme à la fois visuelle, scripturale et sonore. C’est alors que le calligramme « Pointe-Simon » traduit la complainte de la nature devant la tour bétonneuse qui gratte le ciel juste au-dessous du soleil :

POINTE-SIMON

Soleil
crépuscule carré
de
pied
en
faîte
fuselé
comme
pour
gratter
le ventre plat du ciel
ver
ti
ca
le
ment
superbe
en ce geyser
d’or et d’orgueil
au suprême de l’urbanîle[21]

On ne s’étonne pas face à la forme fragmentaire du recueil, des poèmes en petits tas, composés des fois de dix mots sur une page presque déserte :

HU RAN KAN

  En temps Cyclone
             l’Urbanîle a le mal de mer.[22]

Le fragment à côté des poèmes traditionnels se veut une forme de déstructuration de la doxa poétique établie[23]. La disposition scripturale des poèmes, le choix subtil de la majuscule et du vide graphique inscrivent l’auteur martiniquais dans la continuité des poètes du fragment à l’exemple de René Char revendiqué dès le péritexte. L’on pourrait alors lire cette déstructuration d’ordre poétique pour celle de la nature que subit l’île : des poèmes dispersés, isolés traduiraient les seuls éléments naturels existants vu que le reste a fait place aux aménagements urbains ou a été défraîchi, ce que représenterait le vide graphique. Des mots tombent par goutte comme ceux avec lesquels le poète tente de signifier la pluie qui se raréfie dans l’« urbanîle », l’île dénaturée :

            CARNAVAL
                   Même la pluie
                  Jetant son devers en grands fredons de tôles
                           Ne constelle pas l’urbanîle en ses rumeurs.[24]

Outre le caractère fragmentaire, il est aisé de multiplier les exemples de déstructuration dans l’ensemble du recueil tels que l’absence des ponctuations, la poétisation du style oral, le choix du ton et du rythme des poèmes suggérant les ressentiments des éléments naturels. Dans le denier feuillet du recueil « Intuitions », c’est le poète lui-même qui se positionne et qui prend part au travail écologique en se plaçant dans une grande sphère de syllogisme entre poème, île et ville :

La terre est une île myriadaire de promiscuités d’îles. Or, l’île du poète, abacule archipélien, est une ville. Donc l’Urbanîle est un poème. […]
L’Homme, en son cercle existentiel – […] – l’homme par son humanité, c’est-à-dire l’étendue de ces possibilités d’identités, de cultures, de croyances, d’émotions, par ses absolus, l’Homme donc est une île. […]
Comprendre cette idée : le poète est un homme […]
Redire que le poète est l’homme, c’est énoncer que le poète est une île, forcé d’être, de devenir et/où de disparaître- l’île n’a pas le libre arbitre de son émergement non plus que de son immersion.[25]

Le changement de caractère, la typographie italique, établit déjà un contrat de lecture et invoque le soliloque du poète rapportant ses intuitions, dans son deuxième sens du terme du dictionnaire usuel, « faculté de prévoir, de deviner » dans ce cas bien précis, prévoir par le syllogisme plaçant le poète au cœur de l’« urbanîle » et du monde qui s’ « urbanîle ». Aussi retient-on la conclusion du syllogisme : « le poète est une île » ce qui équivaut à dire que quand le poète parle, soliloque, c’est laisser aussi parler, soliloquer l’île : le poème, le travail scriptural prête la voix, « prêt[e] la langue humaine » à l’île, donc à la nature en détresse. Le poète entre en communion sensible avec l’île, traduit les souffrances de celle-ci pour s’adresser aux humains destructeurs de la nature qu’ils soient les propriétaires terriens, le maire bâtisseur de la ville ou les habitants pollueurs.

Les vers de Rosier, comme la plupart des textes contemporains, se prêtent à une lecture écopoétique ; ils se lisent comme des espaces de narration de l’« expérience concrète »[26] de Pierre Schoentjes qui défend l’idée d’une littérature tournée davantage vers le monde, lieu de sensibilité ou encore comme l’entend Xavier Garnier « ce moment de grande intensité politique où un texte se noue à un lieu pour poser un acte de résistance »[27]. Cet acte de résistance à l’anthropocène chez Rosier se réalise par la dénonciation de l’effraction subie et par la poétique de l’urgence que revêt le texte. Mais, la résistance se construit surtout dans la manipulation langagière du poète qui visiblement use d’un français « libéré de son pacte colonial » que réclament les signataires du manifeste de 2007. Le français de Rosier dans ce recueil est volontairement créolisé, fortement imagé et manifestement surécrit comme dans ce passage où est décrite la quatrième nuit de l’« urbanîle » :

 L’autre nuit l’autre

Les croix couchées repentantes de bile bièreuse
Entre les reliefs de denture coke l’ennui remugle
         goudron musqué en cirrhose des espérances
L’attente immobile ne s’épuise pas[28]

La ville, chez l’auteur martiniquais, représente ainsi la culture de démesure, délirante qui prétend répondre aux besoins pressants de l’accroissement économique et de l’explosion démographique occasionnée. À l’issue d’une brève lecture historique, géocritique de la ville de Fort-Royal, depuis le 1er établissement sur l’île à travers les notes de l’historien Jacques Petitjean Roget, en passant par Cahier de Césaire en 1939, pour insister ensuite sur Texaco, Jean-Marc Rosier retient le caractère inquiétant de la ville. Il reprend dans son texte des passages entiers du roman de Chamoiseau citant une Note de l’urbaniste au Marqueur de paroles, inquiet du devenir de la ville. L’« urbanîle » est dès lors l’île ensauvagée. Elle est au demeurant à craindre, inquiétante. Et ce caractère craintif, inquiétant de la ville se trouve amplifié par la noirceur de la nuit, cadre temporel de prédilection des personnages rosieriens. Car la nuit, dans les pénombres à l’orée des néons, s’activent les dealers, les prostituées, les fous, dans les dédales de Fort-Royal entre les bétons monstrueux, des égouts éventrés, réifiant la figuration matérielle de la dénaturalisation de l’île qui, parvenue à un tel stade, appelle forcément à une reconstruction, à une renaturalisation.

« Éco-urbanîle », un projet tout-mondiste et décolonial

L’auteur conclue son étude introductive sur l’« urbanîle » par une note d’espoir. Il n’est plus question ici d’insister sur les négatifs maintes fois repris dans la trilogie, essentiellement dans Noirs néons et le recueil Urbanîle.

Je crois aux possibles de l’utopie réparatrice, de l’utopie refondatrice, chère à Césaire. Je crois à la vision sublime d’une éco-urbanîle propre à repousser les dynamiques du chaos. Il ne s’agit nullement de proposer un espace bâti idéal à la Thomas More, l’époque ne tolérant plus ces rêveries-là. La nouvelle urbanîle ne sera pas non plus l’affaire privilégiée, exclusive du poète, elle devra être une œuvre d’art collective, un tout-monde de conscience écologique, une utopie concrète.[29]

On gagerait sans doute à penser que l’auteur refuse cette représentation statique de l’île. Jean-Marc Rosier dans sa trilogie ne peut suggérer qu’une phase du processus évolutif de la ville, dans un cadre temporel précis, il ne peut que se contenter « d’appréhender un stage de processus de déterritorialisation »[30] de l’espace humain, qu’est Foyal. La vision inquiétante de la ville, sa dénaturalisation ainsi que les conséquences sur les habitants sont considérées comme étant des « résultats nécessairement provisoires »[31] : le lieu humain est essentiellement dynamique et sans cesse amené à évoluer. C’est dans ce sens qu’il faut lire le projet de changement de l’écrivain, un projet réparateur qui relève, certes, de l’ordre de l’utopie, mais d’une « utopie refondatrice ». L’écrivain choisit de s’affranchir de cette terrifiante image foyalaise. Il invite ainsi à une nouvelle forme de l’« urbanîle » qui dépasserait bien une entreprise individuelle du poète. Mais ce projet est également progressiste, renaturaliser l’« urbanîle » ne veut aucunement dire la rendre à l’état naturel, primitif, désert. Ce qui serait un vrai projet utopique ; sans nul doute, il est impossible de déserter l’île qui plus est devenue « urbanîle ». La renaturalisation doit se réaliser en diapason avec la marche du monde :

La nouvelle urbanîle ne pourra certes se faire contre les flux, les techniques et la mondialisation ; elle ne se perdra pas non plus en solitude. La nouvelle urbanîle devra réinventer l’urbain, concilier le patrimoine dit naturel au patrimoine local, se faire éco-urbanîle, réinventer la condition urbaine, reconstruire les frontières de la ville […] et susciter toutes les formes possibles de l’audace.[32]

Le couple « Nature/Culture » passera à « Nature/Dénaturer/Renaturer » pour réinvestir la logique géographique « Territoire/Déterritorialiser/Reterritorialiser » qui relève également de la thèse philosophique de la ligne de fuite. Au commencement, il y avait donc la nature, pour pouvoir l’habiter, se l’approprier, les hommes l’ont dénaturée jusqu’à un stade où il faut la renaturer. Mais cette renaturalisation serait adaptée à la société racisée de la Martinique, soucieuse des valeurs humaines et environnementales du présent et du futur d’où le projet réparateur. Ce projet sera donc décolonial ; ce ne sera pas un projet pensé par l’occident au profit de l’occident ; ce sera, comme l’exige l’auteur martiniquais, contextualisé. Il part alors des exemples de ce qui est en train de se réaliser dans le monde non occidental à l’exemple du projet novateur, « audacieux » de Forest City en Chine qu’il cite dans sa note. Son projet écologique qu’il appelle l’éco-urbanîle est situé et pensé depuis la Martinique en fonction de l’histoire et des sensibilités humaines et non humaines. La renaturalisation favoriserait la cohabitation surveillée, raisonnée, entre la communauté humaine, végétale et animale. « Concilier le patrimoine dit naturel au patrimoine local » équivaut bien entendu à concilier les humains aux différentes identités culturelles entre eux d’un côté et les humains avec les autres êtres vivants, les minéraux, les végétaux et les animaux de l’autre. Le projet est d’abord local, à l’exemple de Foyal, comme le clame l’auteur dans la note finale de sa méditation : « Urbanîliens du monde que l’éco-urbanîle soit notre projet local ! ». L’éco-urbanîle relève donc tout naturellement du tout-monde. D’une filiation culturelle, littéraire directe, Jean-Marc Rosier s’inscrit sans ambages dans le sillage de Glissant et fonde ainsi ses propres réflexions sur la pensée de créolisation à l’origine du « chaos-monde » – « le choc actuel de tant de cultures qui s’embrasent … » – et surtout du « tout-monde ». C’est donc un projet doublement tout-mondiste qu’il propose à travers l’éco-urbanîle, d’abord par le fait que ce projet réunit toutes les entités culturelles, tous les êtres vivants mais également par le fait qu’il est envisagé à l’échelle mondiale, selon la vision globalisante de créolisation[33]. L’« éco-urbanîle », le concept rosierien datant de 2018, serait par anticipation une forme de « navire-monde »[34] prôné par Malcom Ferdinand dans la dernière partie de son ouvrage de 2019. L’auteur suggère de construire ce « navire-monde » et d’y ériger ensuite un « pont de la justice » pour enfin faire le monde en reconnaissant les injustices de l’« habiter colonial » dans la recherche des solutions aux crises écologiques.

En somme, Jean-Marc Rosier en reprenant la thématique urbaine réactualise le motif séculaire au détour du concept de l’« urbanîle » étant donné que l’espace urbain est aussi une île. L’île en devenant « urbanîle » perd son essence naturelle : son urbanisation l’a reconfigurée en des lieux chaotiques avec des habitants aux âmes noircies. Les textes poétiques du recueil Urbanîle rendent alors sensible la complainte de l’île désormais endommagée au détour des subtilités esthétiques. L’île doit nécessairement être reconstruite. Et cette reconstruction passe irrémédiablement par la renaturalisation de l’île à l’écart du modèle colonial.

Jean-Marc Rosier se tournerait, à l’instar de ses contemporains, plus dans la tradition littéraire du continent américain qui caractérise les nouvelles littératures antillaises en rupture et en continuité avec la thématique de plantation de la créolité. Son projet réparateur répond clairement à l’appel lancé par Murray Bookchin sur la nécessité de la pensée utopique face à la crise sociale et à l’urgence climatique. Aussi Jean-Marc Rosier édifie-t-il « la société à refaire » prônée par le fondateur de l’écologie sociale en réaction contre les impasses environnementales contemporaines. L’œuvre de Rosier, s’inscrivant dans les préoccupations contemporaines des littératures francophones, est foncièrement écologique et forcément décoloniale.

Bibliographie

  • Blanc Nathalie, Denis Chartier & Thomas Pughe, Littérature et écologie : vers une écopoétique, n°36 2008/2.
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  • Deleuze Gilles, L’île déserte et autres textes, Paris, Minuit, 2002, [1953].
  • Désert Gérard, « Urbanîle de Jean-Marc Rosier : une dialectique poétique des représentations sociales de l’île Martinique » in Buata B. Malela, Andrzej Rabsztyn & Linda Rasoamanana, Les représentations sociales des îles dans les discours littéraires francophones, Paris, Editions du Cerf, 2018, p. 83-93.
  • Garnier Xavier, Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux, Paris, Karthala, 2022.
  • Glissant Édouard, Traité du Tout-Monde. Poétique IV, Paris, Gallimard, 1997.
  • Ferdinand Malcom & Jas Nathalie, « Habiter colonial, pollution et production d’ignorance », La Vie des idées, mis en ligne le 15 mars 2022, URL : https://laviedesidees.fr/Habiter-colonial-pollution-et-production-d-ignorance, consulté le 22 septembre 2023.
  • Ferdinand Malcolm, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Paris, Seuil, 2019.
  • Rosier Jean-Marc, Noirs néons, Monaco, Alphée-Jean-Paul Bertrand, 2008.
  • Id, Les Ténèbres intérieures, Rennes, Apogée, 2014.
  • Id., Urbanîle, Creil, Dumarchez, 2015.
  • Id., « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », in Buata B. Malela, Andrzej Rabsztyn & Linda Rasoamanana, Les représentations sociales des îles dans les discours littéraires francophones, Paris, Editions du Cerf, 2018, p. 67-82.
  • Westphal Bertrand, « Pour une approche géocritique des textes », in Bertrand Westphal (dir) La Géocritique mode d’emploi, Limoges, PULIM, 2000.

Notes

[1]L’auteur est connu comme étant un auteur de marginalité urbaine dans sa trilogie, Bord de canal (2005), Les Villes assassines (2011) et La Nuit caribéenne (2016).
[2] Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Paris, Seuil, 2019.
[3] Jean-Marc Rosier, « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », in Buata B. Malela, Andrzej Rabsztyn & Linda Rasoamanana, Les représentations sociales des îles dans les discours littéraires francophones, Paris, Editions du Cerf, 2018, p. 67.
[4] Ibid., p. 70.
[5] Ibid., p. 71.
[6] Ibid., p. 68.
[7] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, Creil, Dumarchez, 2015, p. 14.
[8] Ibid., p. 20.
[9] « Le premier bâtiment érigé en 1635 est un fortin. En 1639, les colons sont habitués le long de la mer entre les mornes ». Id., « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », art. cit., p. 78.
[10] Jacques Petitjean Roget, La Société d’habitation à la Martinique, un demi-sicle de formation, 1635-1685, cité par Jean-Marc Rosier, Ibid., p. 68.
[11] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 33.
[12] Malcom Ferdinand, op. cit., p. 51-68.
[13] Malcom Ferdinand & Nathalie Jas, « Habiter colonial, pollution et production d’ignorance », La Vie des idées, mis en ligne le 15 mars 2022, URL : https://laviedesidees.fr/Habiter-colonial-pollution-et-production-d-ignorance, consulté le 22 septembre 2023.
[14] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 33.
[15] Ibid., p. 31.
[16] Jean-Marc Rosier, « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », art. cit., p. 67- 68.
[17] Voir à ce propos Cynthia Volanosy Parfait, « Pour une écopoétique de l’espace urbain chez Jean-Marc Rosier et Johary Ravaloson », Ethiopiques, N°104-105, 1er et 2e semestres 2020, p. 7-18.
[18] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 38.
[19] Voir à ce propos Nathalie Blanc, Denis Chartier & Thomas Pughe, Littérature et écologie : vers une écopoétique, n°36 2008/2, p. 21.
[20] Ibid.
[21] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 16.
[22] Ibid., p. 51.
[23] Voir aussi Gérald Désert, dans son étude consacrée au recueil Urbanîle qui considère le fragment comme un « mode de construction où il est question de renversement inhabituel de l’ordre structurel ». Gérard Désert, « Urbanîle de Jean-Marc Rosier : une dialectique poétique des représentations sociales de l’île Martinique » in Buata B. Malela, Andrzej Rabszty & Linda Rasoamanana, op. cit., p. 90.
[24] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 50.
[25] Ibid., p. 57-58.
[26] « Ce qui compte aujourd’hui pour l’écopoétique, c’est de mettre en avant le monde naturel et la volonté de rapprocher la littérature d’une expérience concrète ». Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu : essai d’écopoétique, Marseille, Wildproject, 2015, p. 28.
[27] Xavier Garnier, Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux, Paris, Karthala, 2022, p. 7.
[28] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 22.
[29] Id., « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », art. cit., p. 82.
[30] Bertrand Westphal, « Pour une approche géocritique des textes », in Bertrand Westphal (dir), La Géocritique mode d’emploi, Limoges, PULIM, 2000, p. 22.
[31] Ibid.
[32] Jean-Marc Rosier, « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », art. cit., p. 82.
[33] « J’appelle tout-monde notre univers tel qu’il change et perdure en changeant et en même temps la vision que nous en avions ». Édouard Glissant, Le Traité du Tout-Monde. Poétique IV, Paris, Gallimard, 1997, p. 176.
[34] Malcom Ferdinand, op. cit., p. 189.

Abstract

Using Jean-Marc Rosier’s concepts of “urban-island” and “eco-urban-island”, we propose a reading of Malcolm Ferdinand’s decolonial ecology, thinking from Martinique. In his poetry volume Urbanîle, Jean-Marc Rosier depicts how the poet Aimé Césaire, once mayor, rebuilds the city of Fort-de-France. But excessive urbanization has led to the degradation of living conditions. Rosier’s writing attempts to transpose this desolation of a denaturalised island. In an effort to symbolically repair the damage, the author offers an “eco-urbanile” alternative that is both decolonial and open to Glissant’s notion of Whole-world.

Keywords: island, city, decolonial ecology, ecopoetics, Jean-Marc Rosier

Introduction

La thématique urbaine reste l’une des principales préoccupations de la nouvelle génération d’écrivains de la postcréolité. Sa présence marque le passage de l’« En-ville » de Chamoiseau et de Confiant à « la ville et ses marges » chez Alfred Alexandre[1]et Jean-Marc Rosier. Dans leur triptyque respectif, les deux écrivains s’autoproclament détracteurs des immondices liées à l’urbanisation effrénée de la capitale martiniquaise. Ceci étant dit, nous nous intéressons en particulier à Jean-Marc Rosier qui avec le recueil Urbanîle (2015) livre le troisième volet du triptyque plongé dans les dédales de Fort-Royal, après Noirs néons (2008) et Les Ténèbres intérieures (2014). Le voyage au bout de Foyal de ses deux premiers romans résonne dans Urbanîle comme une descente aux enfers au détour d’une écriture fortement réaliste, fragmentaire, construite selon un rythme ternaire, « Urbatir », « Urbanihile » et « Intuitions ». La notion de l’urbanîle a été ensuite conceptualisée par l’auteur dans une étude introductive « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle » en 2018 où il suggère un projet réparateur pour toute « urbanîle » au monde, l’« éco-urbanîle ».

À travers les concepts de l’« urbanîle » et de l’ « éco-urbanile » de Jean-Marc Rosier, nous proposons une lecture de l’écologie décoloniale de Malcom Ferdinand depuis la Martinique[2]. Dans le recueil Urbanîle, Jean-Marc Rosier incarne la figure de Césaire, le poète-maire, bâtissant la ville sur l’île et reproduisant l’établissement de la société d’habitation. L’île une fois urbanisée à outrance précipite sa propre déchéance et celle de ses habitants humains et naturels. C’est alors que le travail sculptural du recueil tente de transposer la désolation de l’île désormais dénaturalisée et annihilée. À titre de réparation, l’auteur réfléchit à une alternative dite « éco-urbanîle » tout-mondiste et résolument décoloniale.

« Urbanîle », « un habiter colonial »

Dans son étude « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », Jean-Marc Rosier définit son néologisme conjuguant deux thématiques littéraires intemporelles l’urbanité et l’insularité : « J’appelle “urbanîle” toute île au Monde en prise avec la Ville, emprise par la Ville »[3], définition qui n’est pas sans rappeler la formule introductive de Glissant [J’appelle “Tout-monde” ; J’appelle “Chaos-monde”] dans son essai Traité du tout-monde (1997). Jean-Marc Rosier confronte l’urbanité ou la ville et l’insularité ou l’île reprenant la dialectique Nature et Culture telle qu’elle est pensée par les philosophes du XVIIIe siècle. L’urbanité se lit ainsi comme une forme de culture investie sur la nature qu’incarne l’île essentiellement naturelle, d’île déserte selon la thèse deleuzienne qui cesse de l’être dès la pénétration humaine : « […] pendre une île, dénaturer son utopie, briser sa clôture, abolir son isolement, coloniser sa solitude en la nommant, en l’habituant, en l’habitant, ce sont là actes de puissance, affirmation d’un pouvoir. Culture est fondamentalement guerrière »[4]. La dénaturalisation de l’île se réalise donc dès sa dénomination par laquelle « commence le processus de nihilisation »[5]. La ville en île s’oppose donc à la nature : « L’urbanîle est contre nature, nihilisation, c’est-à-dire négation de l’île, autrement dit perte de sa naturailéité/isléité, par artificialisation »[6].

Le recueil poétique Urbanîle retrace ainsi le processus d’urbanisation, d’artificialisation de l’île martiniquaise en remontant dans le premier feuillet « Urbatir » au « Premier œuvre du poète » (également maire) :

Césaire abstrayant des eaux ternes son geste glorieux – Chant II de l’épos martiniquais – ne sombra pas dans la consternation. A la ville, il promit un grand œuvre et s’en tient. L’Au-Béraud des asîliens de Pondichéry, de Calcuta, des exîliens de Bihar et de l’Uttar Pradesh, douloureusement pour le maire, fut des décombres à enfouir. Levassor, l’incontinent, fut dragué, bordé, canalisé, façonné.[7]

Césaire imaginait une urbanisation correcte pour la capitale martiniquaise et ses habitants. Le poète-maire voulait bâtir une ville sans compromettre les habitués et les ressources naturelles. « Premier œuvre », cependant, a précipité Foyal dans une déchéance à la fois spatiale et humaine. Il participe malgré lui de la dénaturalisation de l’île, de l’« urbain-nihile-l’île » que déchante Jean-Marc Rosier dans le deuxième feuillet intitulé « Urbanihile ». L’œuvre du poète, ce « geste glorieux », qui ambitionne de bâtir la ville pour faire face aux nouveaux besoins sociaux économiques a échoué.


Villes bidon viles crâneuses
Et quadrillées d’autodébiles le long des nuits rampant debout
Minute cocotte ! Ton pot de piment ! Tes lapées de queues de
Comètes ! Tes battues douces !
Et terminus                       Et va-et-vient.[8]

À l’auteur de préciser ensuite que la ville a commencé sa déchéance dès l’an « 1639 contemporaine » à l’instauration de l’économie de plantation des Antilles qu’il précise dans l’étude introductive[9]. Jean-Marc Rosier remonte au XVIIe siècle à l’implantation de la société d’habitation[10] pour rappeler la première grande dénaturalisation de l’île : « Et gabarres et pataches et tartares et caravelles et galions et galiotes et caboteurs et lougres et yoles et gommiers et navires et bâtiments et barques et vaisseaux et chaloupes et vedettes et cargos et paquebots flottille »[11].

Rosier revient sur ce pan de l’histoire sociale martiniquaise et insiste sur les exploitations des ressources de l’île pour l’enrichissement des colons qui viennent en conquérants et en maîtres des lieux à l’origine de la puissance économique et culturelle européenne, française plus précisément. Malcom Ferdinand appelle cette société d’exploitation « un habiter colonial »[12] qu’il définit clairement comme « une manière violente d’habiter la Terre, asservissant des terres, des humains et des non-humains aux désirs des colonisateurs »[13]. Le projet urbain de Césaire est considéré comme le « Chant II de l’épos martiniquais » après sûrement le « Chant I » de la société d’habitation. Sous la plume de Rosier malheureusement, l’exploit héroïque du bâtisseur « [sombra] dans la consternation » car il s’appuie sur une société racisée, inégalée instituée depuis plus de trois siècles.

Je marchais longtemps pour voir la nuit et l’intérieur de son chapeau de feutre. Les néons collaient à la voie ma solitude trainant son las tricentenaire puis, de loin en loin, espaçait leur vigie. Les bâtisses de béton peu à peu cédaient peu à peu aux étouffées de ronces, et l’asphalte, soudain, se faisait grumeaux de latérite.[14]

Dans ces vers se retrouve Jonas, le narrateur des deux romans, Noirs néons et Les Ténèbres intérieures, qui dans ses pérégrinations découvre la dénaturalisation de l’île due à l’urbanisation. Le « Premier œuvre » de Césaire réactualise la société d’habitation car elle est fondée sur le même principe d’exploitation des terres, des hommes et des ressources bien que les objectifs diffèrent. Le bâtisseur de la ville s’arroge, lui aussi, le droit d’exploiter et de dénaturaliser l’île en vue d’une « urbanîle » et accentue ainsi la destruction de l’environnement naturel en sus des inégalités sociales :

Brandons des désordres
ces clapiers enchâssés
dans l’industrie
des écarts[15].

Le poète pointe du doigt cet « habiter colonial » qui subsiste sous forme d’une « urbanîle » rendant encore plus sensible les écarts entre les détenteurs de la richesse d’exploitation et les démunis de l’île. Jean-Marc Rosier dans son étude sur la poétique de l’« urbanîle » confère au concept trois niveaux de sens : d’abord « urbanîle » désigne « toute île urbanisée, urbaine, habituée, habitée, en rupture de Nature, surdéterminée, administrée à l’endroit intérieur et extérieur par une métropole » ; elle se rattache ensuite à « toute ville insulaire généralisée, toute ville globale générique dont la forme coïncide avec celle de l’île » pour se référer enfin à « toute ville insulaire généralisée, toute île urbanisée, urbaine, imaginée ou de réalité, dont le mouvement chaotique, la dynamique administrative apparaissent insécuritaires, déshumanisant à tout-va, courant à toutes catastrophes [N.D.L.R] »[16]. Cette dernière acception conforte l’idée de l’« habiter colonial » au cœur de l’ « urbanîle » qui reconnaît en elle une organisation administrative exerçant son pouvoir de domination sur les habitants racisés ainsi que son pouvoir d’exploitation sur les éléments naturels.

 Urbanîle qui couronne la trilogie reprend en chœur l’itinéraire des personnages urbains sombrant progressivement avec la ville. De même, « Urbanîle » corrompt ouvertement les êtres « habitués »[17] ; elle parvient à les déposséder jusqu’à la dernière once de leur humanité originelle pour tomber dans des violences meurtrières à l’instar de Ricardo dans Noir néons. De même Jonas, le protagoniste de la trilogie, brillant étudiant qui préfère le reportage de nuit à la carrière universitaire, se résout à maltraiter sa compagne enceinte, agresse les filles des rues avant d’être interné dans un asile psychiatrique souterrain – séquence qui se retrouve au centre du deuxième roman – pour devenir dans le dernier volet cet être esseulé errant dans la nuit.

Jonas
à l’orée des cimes métropolaires allant voûté à l’œil des borgnes irradieux son train de
     solitude, ses tracées d’abandon, à l’usure des rues soudain boulevards et au détour
     des rues soudain ruelles, d’autres passages lardés de stone, effilochés d’angoisse,
     courant d’un chaos l’autre en ces quartiers
cramés
    camés
    chauffés d’émeutes[18]

L’île est victime de son urbanisation au même titre que ses habitants les plus démunis parqués dans les bas-fonds foyalais. La dénaturalisation de l’île qui remonte à la société d’habitation est construite sur le principe d’exploitation des terres. Jean-Marc Rosier use ensuite de ses vers pour figurer les ressentiments de l’île en décadence car exagérément urbanisée.

Entre complainte et résistance de l’île

Le recueil Urbanîle, comme les deux romans du triptyque, invite à une perspective écopoétique. L’écriture, en tant qu’esthétique littéraire, prend part à cette préoccupation environnementale des textes contemporains. Dans ce recueil, il est en effet question de l’« ecological works » de l’écriture littéraire défendu par Jonathan Bate qui confère au langage poétique le pouvoir de traduire « ce qui ne peut pas être dit dans d’autres formes de discours »[19]. Il s’agit pour l’auteur de The song of the Earth de « traduire les processus naturels, de les reproduire ou les représenter, leur prêter une langue humaine »[20]. Concernant Urbanîle, la thèse de Bate pourrait s’étendre vers une langue humaine protéiforme à la fois visuelle, scripturale et sonore. C’est alors que le calligramme « Pointe-Simon » traduit la complainte de la nature devant la tour bétonneuse qui gratte le ciel juste au-dessous du soleil :

POINTE-SIMON

Soleil
crépuscule carré
de
pied
en
faîte
fuselé
comme
pour
gratter
le ventre plat du ciel
ver
ti
ca
le
ment
superbe
en ce geyser
d’or et d’orgueil
au suprême de l’urbanîle[21]

On ne s’étonne pas face à la forme fragmentaire du recueil, des poèmes en petits tas, composés des fois de dix mots sur une page presque déserte :

HU RAN KAN

  En temps Cyclone
             l’Urbanîle a le mal de mer.[22]

Le fragment à côté des poèmes traditionnels se veut une forme de déstructuration de la doxa poétique établie[23]. La disposition scripturale des poèmes, le choix subtil de la majuscule et du vide graphique inscrivent l’auteur martiniquais dans la continuité des poètes du fragment à l’exemple de René Char revendiqué dès le péritexte. L’on pourrait alors lire cette déstructuration d’ordre poétique pour celle de la nature que subit l’île : des poèmes dispersés, isolés traduiraient les seuls éléments naturels existants vu que le reste a fait place aux aménagements urbains ou a été défraîchi, ce que représenterait le vide graphique. Des mots tombent par goutte comme ceux avec lesquels le poète tente de signifier la pluie qui se raréfie dans l’« urbanîle », l’île dénaturée :

            CARNAVAL
                   Même la pluie
                  Jetant son devers en grands fredons de tôles
                           Ne constelle pas l’urbanîle en ses rumeurs.[24]

Outre le caractère fragmentaire, il est aisé de multiplier les exemples de déstructuration dans l’ensemble du recueil tels que l’absence des ponctuations, la poétisation du style oral, le choix du ton et du rythme des poèmes suggérant les ressentiments des éléments naturels. Dans le denier feuillet du recueil « Intuitions », c’est le poète lui-même qui se positionne et qui prend part au travail écologique en se plaçant dans une grande sphère de syllogisme entre poème, île et ville :

La terre est une île myriadaire de promiscuités d’îles. Or, l’île du poète, abacule archipélien, est une ville. Donc l’Urbanîle est un poème. […]
L’Homme, en son cercle existentiel – […] – l’homme par son humanité, c’est-à-dire l’étendue de ces possibilités d’identités, de cultures, de croyances, d’émotions, par ses absolus, l’Homme donc est une île. […]
Comprendre cette idée : le poète est un homme […]
Redire que le poète est l’homme, c’est énoncer que le poète est une île, forcé d’être, de devenir et/où de disparaître- l’île n’a pas le libre arbitre de son émergement non plus que de son immersion.[25]

Le changement de caractère, la typographie italique, établit déjà un contrat de lecture et invoque le soliloque du poète rapportant ses intuitions, dans son deuxième sens du terme du dictionnaire usuel, « faculté de prévoir, de deviner » dans ce cas bien précis, prévoir par le syllogisme plaçant le poète au cœur de l’« urbanîle » et du monde qui s’ « urbanîle ». Aussi retient-on la conclusion du syllogisme : « le poète est une île » ce qui équivaut à dire que quand le poète parle, soliloque, c’est laisser aussi parler, soliloquer l’île : le poème, le travail scriptural prête la voix, « prêt[e] la langue humaine » à l’île, donc à la nature en détresse. Le poète entre en communion sensible avec l’île, traduit les souffrances de celle-ci pour s’adresser aux humains destructeurs de la nature qu’ils soient les propriétaires terriens, le maire bâtisseur de la ville ou les habitants pollueurs.

Les vers de Rosier, comme la plupart des textes contemporains, se prêtent à une lecture écopoétique ; ils se lisent comme des espaces de narration de l’« expérience concrète »[26] de Pierre Schoentjes qui défend l’idée d’une littérature tournée davantage vers le monde, lieu de sensibilité ou encore comme l’entend Xavier Garnier « ce moment de grande intensité politique où un texte se noue à un lieu pour poser un acte de résistance »[27]. Cet acte de résistance à l’anthropocène chez Rosier se réalise par la dénonciation de l’effraction subie et par la poétique de l’urgence que revêt le texte. Mais, la résistance se construit surtout dans la manipulation langagière du poète qui visiblement use d’un français « libéré de son pacte colonial » que réclament les signataires du manifeste de 2007. Le français de Rosier dans ce recueil est volontairement créolisé, fortement imagé et manifestement surécrit comme dans ce passage où est décrite la quatrième nuit de l’« urbanîle » :

 L’autre nuit l’autre

Les croix couchées repentantes de bile bièreuse
Entre les reliefs de denture coke l’ennui remugle
         goudron musqué en cirrhose des espérances
L’attente immobile ne s’épuise pas[28]

La ville, chez l’auteur martiniquais, représente ainsi la culture de démesure, délirante qui prétend répondre aux besoins pressants de l’accroissement économique et de l’explosion démographique occasionnée. À l’issue d’une brève lecture historique, géocritique de la ville de Fort-Royal, depuis le 1er établissement sur l’île à travers les notes de l’historien Jacques Petitjean Roget, en passant par Cahier de Césaire en 1939, pour insister ensuite sur Texaco, Jean-Marc Rosier retient le caractère inquiétant de la ville. Il reprend dans son texte des passages entiers du roman de Chamoiseau citant une Note de l’urbaniste au Marqueur de paroles, inquiet du devenir de la ville. L’« urbanîle » est dès lors l’île ensauvagée. Elle est au demeurant à craindre, inquiétante. Et ce caractère craintif, inquiétant de la ville se trouve amplifié par la noirceur de la nuit, cadre temporel de prédilection des personnages rosieriens. Car la nuit, dans les pénombres à l’orée des néons, s’activent les dealers, les prostituées, les fous, dans les dédales de Fort-Royal entre les bétons monstrueux, des égouts éventrés, réifiant la figuration matérielle de la dénaturalisation de l’île qui, parvenue à un tel stade, appelle forcément à une reconstruction, à une renaturalisation.

« Éco-urbanîle », un projet tout-mondiste et décolonial

L’auteur conclue son étude introductive sur l’« urbanîle » par une note d’espoir. Il n’est plus question ici d’insister sur les négatifs maintes fois repris dans la trilogie, essentiellement dans Noirs néons et le recueil Urbanîle.

Je crois aux possibles de l’utopie réparatrice, de l’utopie refondatrice, chère à Césaire. Je crois à la vision sublime d’une éco-urbanîle propre à repousser les dynamiques du chaos. Il ne s’agit nullement de proposer un espace bâti idéal à la Thomas More, l’époque ne tolérant plus ces rêveries-là. La nouvelle urbanîle ne sera pas non plus l’affaire privilégiée, exclusive du poète, elle devra être une œuvre d’art collective, un tout-monde de conscience écologique, une utopie concrète.[29]

On gagerait sans doute à penser que l’auteur refuse cette représentation statique de l’île. Jean-Marc Rosier dans sa trilogie ne peut suggérer qu’une phase du processus évolutif de la ville, dans un cadre temporel précis, il ne peut que se contenter « d’appréhender un stage de processus de déterritorialisation »[30] de l’espace humain, qu’est Foyal. La vision inquiétante de la ville, sa dénaturalisation ainsi que les conséquences sur les habitants sont considérées comme étant des « résultats nécessairement provisoires »[31] : le lieu humain est essentiellement dynamique et sans cesse amené à évoluer. C’est dans ce sens qu’il faut lire le projet de changement de l’écrivain, un projet réparateur qui relève, certes, de l’ordre de l’utopie, mais d’une « utopie refondatrice ». L’écrivain choisit de s’affranchir de cette terrifiante image foyalaise. Il invite ainsi à une nouvelle forme de l’« urbanîle » qui dépasserait bien une entreprise individuelle du poète. Mais ce projet est également progressiste, renaturaliser l’« urbanîle » ne veut aucunement dire la rendre à l’état naturel, primitif, désert. Ce qui serait un vrai projet utopique ; sans nul doute, il est impossible de déserter l’île qui plus est devenue « urbanîle ». La renaturalisation doit se réaliser en diapason avec la marche du monde :

La nouvelle urbanîle ne pourra certes se faire contre les flux, les techniques et la mondialisation ; elle ne se perdra pas non plus en solitude. La nouvelle urbanîle devra réinventer l’urbain, concilier le patrimoine dit naturel au patrimoine local, se faire éco-urbanîle, réinventer la condition urbaine, reconstruire les frontières de la ville […] et susciter toutes les formes possibles de l’audace.[32]

Le couple « Nature/Culture » passera à « Nature/Dénaturer/Renaturer » pour réinvestir la logique géographique « Territoire/Déterritorialiser/Reterritorialiser » qui relève également de la thèse philosophique de la ligne de fuite. Au commencement, il y avait donc la nature, pour pouvoir l’habiter, se l’approprier, les hommes l’ont dénaturée jusqu’à un stade où il faut la renaturer. Mais cette renaturalisation serait adaptée à la société racisée de la Martinique, soucieuse des valeurs humaines et environnementales du présent et du futur d’où le projet réparateur. Ce projet sera donc décolonial ; ce ne sera pas un projet pensé par l’occident au profit de l’occident ; ce sera, comme l’exige l’auteur martiniquais, contextualisé. Il part alors des exemples de ce qui est en train de se réaliser dans le monde non occidental à l’exemple du projet novateur, « audacieux » de Forest City en Chine qu’il cite dans sa note. Son projet écologique qu’il appelle l’éco-urbanîle est situé et pensé depuis la Martinique en fonction de l’histoire et des sensibilités humaines et non humaines. La renaturalisation favoriserait la cohabitation surveillée, raisonnée, entre la communauté humaine, végétale et animale. « Concilier le patrimoine dit naturel au patrimoine local » équivaut bien entendu à concilier les humains aux différentes identités culturelles entre eux d’un côté et les humains avec les autres êtres vivants, les minéraux, les végétaux et les animaux de l’autre. Le projet est d’abord local, à l’exemple de Foyal, comme le clame l’auteur dans la note finale de sa méditation : « Urbanîliens du monde que l’éco-urbanîle soit notre projet local ! ». L’éco-urbanîle relève donc tout naturellement du tout-monde. D’une filiation culturelle, littéraire directe, Jean-Marc Rosier s’inscrit sans ambages dans le sillage de Glissant et fonde ainsi ses propres réflexions sur la pensée de créolisation à l’origine du « chaos-monde » – « le choc actuel de tant de cultures qui s’embrasent … » – et surtout du « tout-monde ». C’est donc un projet doublement tout-mondiste qu’il propose à travers l’éco-urbanîle, d’abord par le fait que ce projet réunit toutes les entités culturelles, tous les êtres vivants mais également par le fait qu’il est envisagé à l’échelle mondiale, selon la vision globalisante de créolisation[33]. L’« éco-urbanîle », le concept rosierien datant de 2018, serait par anticipation une forme de « navire-monde »[34] prôné par Malcom Ferdinand dans la dernière partie de son ouvrage de 2019. L’auteur suggère de construire ce « navire-monde » et d’y ériger ensuite un « pont de la justice » pour enfin faire le monde en reconnaissant les injustices de l’« habiter colonial » dans la recherche des solutions aux crises écologiques.

En somme, Jean-Marc Rosier en reprenant la thématique urbaine réactualise le motif séculaire au détour du concept de l’« urbanîle » étant donné que l’espace urbain est aussi une île. L’île en devenant « urbanîle » perd son essence naturelle : son urbanisation l’a reconfigurée en des lieux chaotiques avec des habitants aux âmes noircies. Les textes poétiques du recueil Urbanîle rendent alors sensible la complainte de l’île désormais endommagée au détour des subtilités esthétiques. L’île doit nécessairement être reconstruite. Et cette reconstruction passe irrémédiablement par la renaturalisation de l’île à l’écart du modèle colonial.

Jean-Marc Rosier se tournerait, à l’instar de ses contemporains, plus dans la tradition littéraire du continent américain qui caractérise les nouvelles littératures antillaises en rupture et en continuité avec la thématique de plantation de la créolité. Son projet réparateur répond clairement à l’appel lancé par Murray Bookchin sur la nécessité de la pensée utopique face à la crise sociale et à l’urgence climatique. Aussi Jean-Marc Rosier édifie-t-il « la société à refaire » prônée par le fondateur de l’écologie sociale en réaction contre les impasses environnementales contemporaines. L’œuvre de Rosier, s’inscrivant dans les préoccupations contemporaines des littératures francophones, est foncièrement écologique et forcément décoloniale.

Bibliographie

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  • Deleuze Gilles, L’île déserte et autres textes, Paris, Minuit, 2002, [1953].
  • Désert Gérard, « Urbanîle de Jean-Marc Rosier : une dialectique poétique des représentations sociales de l’île Martinique » in Buata B. Malela, Andrzej Rabsztyn & Linda Rasoamanana, Les représentations sociales des îles dans les discours littéraires francophones, Paris, Editions du Cerf, 2018, p. 83-93.
  • Garnier Xavier, Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux, Paris, Karthala, 2022.
  • Glissant Édouard, Traité du Tout-Monde. Poétique IV, Paris, Gallimard, 1997.
  • Ferdinand Malcom & Jas Nathalie, « Habiter colonial, pollution et production d’ignorance », La Vie des idées, mis en ligne le 15 mars 2022, URL : https://laviedesidees.fr/Habiter-colonial-pollution-et-production-d-ignorance, consulté le 22 septembre 2023.
  • Ferdinand Malcolm, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Paris, Seuil, 2019.
  • Rosier Jean-Marc, Noirs néons, Monaco, Alphée-Jean-Paul Bertrand, 2008.
  • Id, Les Ténèbres intérieures, Rennes, Apogée, 2014.
  • Id., Urbanîle, Creil, Dumarchez, 2015.
  • Id., « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », in Buata B. Malela, Andrzej Rabsztyn & Linda Rasoamanana, Les représentations sociales des îles dans les discours littéraires francophones, Paris, Editions du Cerf, 2018, p. 67-82.
  • Westphal Bertrand, « Pour une approche géocritique des textes », in Bertrand Westphal (dir) La Géocritique mode d’emploi, Limoges, PULIM, 2000.

Notes

[1]L’auteur est connu comme étant un auteur de marginalité urbaine dans sa trilogie, Bord de canal (2005), Les Villes assassines (2011) et La Nuit caribéenne (2016).
[2] Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Paris, Seuil, 2019.
[3] Jean-Marc Rosier, « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », in Buata B. Malela, Andrzej Rabsztyn & Linda Rasoamanana, Les représentations sociales des îles dans les discours littéraires francophones, Paris, Editions du Cerf, 2018, p. 67.
[4] Ibid., p. 70.
[5] Ibid., p. 71.
[6] Ibid., p. 68.
[7] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, Creil, Dumarchez, 2015, p. 14.
[8] Ibid., p. 20.
[9] « Le premier bâtiment érigé en 1635 est un fortin. En 1639, les colons sont habitués le long de la mer entre les mornes ». Id., « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », art. cit., p. 78.
[10] Jacques Petitjean Roget, La Société d’habitation à la Martinique, un demi-sicle de formation, 1635-1685, cité par Jean-Marc Rosier, Ibid., p. 68.
[11] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 33.
[12] Malcom Ferdinand, op. cit., p. 51-68.
[13] Malcom Ferdinand & Nathalie Jas, « Habiter colonial, pollution et production d’ignorance », La Vie des idées, mis en ligne le 15 mars 2022, URL : https://laviedesidees.fr/Habiter-colonial-pollution-et-production-d-ignorance, consulté le 22 septembre 2023.
[14] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 33.
[15] Ibid., p. 31.
[16] Jean-Marc Rosier, « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », art. cit., p. 67- 68.
[17] Voir à ce propos Cynthia Volanosy Parfait, « Pour une écopoétique de l’espace urbain chez Jean-Marc Rosier et Johary Ravaloson », Ethiopiques, N°104-105, 1er et 2e semestres 2020, p. 7-18.
[18] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 38.
[19] Voir à ce propos Nathalie Blanc, Denis Chartier & Thomas Pughe, Littérature et écologie : vers une écopoétique, n°36 2008/2, p. 21.
[20] Ibid.
[21] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 16.
[22] Ibid., p. 51.
[23] Voir aussi Gérald Désert, dans son étude consacrée au recueil Urbanîle qui considère le fragment comme un « mode de construction où il est question de renversement inhabituel de l’ordre structurel ». Gérard Désert, « Urbanîle de Jean-Marc Rosier : une dialectique poétique des représentations sociales de l’île Martinique » in Buata B. Malela, Andrzej Rabszty & Linda Rasoamanana, op. cit., p. 90.
[24] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 50.
[25] Ibid., p. 57-58.
[26] « Ce qui compte aujourd’hui pour l’écopoétique, c’est de mettre en avant le monde naturel et la volonté de rapprocher la littérature d’une expérience concrète ». Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu : essai d’écopoétique, Marseille, Wildproject, 2015, p. 28.
[27] Xavier Garnier, Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux, Paris, Karthala, 2022, p. 7.
[28] Jean-Marc Rosier, Urbanîle, op. cit., p. 22.
[29] Id., « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », art. cit., p. 82.
[30] Bertrand Westphal, « Pour une approche géocritique des textes », in Bertrand Westphal (dir), La Géocritique mode d’emploi, Limoges, PULIM, 2000, p. 22.
[31] Ibid.
[32] Jean-Marc Rosier, « L’île est une ville : Introduction à une poétique de l’urbanîle », art. cit., p. 82.
[33] « J’appelle tout-monde notre univers tel qu’il change et perdure en changeant et en même temps la vision que nous en avions ». Édouard Glissant, Le Traité du Tout-Monde. Poétique IV, Paris, Gallimard, 1997, p. 176.
[34] Malcom Ferdinand, op. cit., p. 189.