Isabelle Petitjean
Docteur ès musicologie, chercheuse indépendante
Abstract
This article aims to show how Michael Jackson uses music and the stage as a space to convince and transmit a message, borrowing from religion and liturgy striking aural and visual markers. Although biblical references are recurrent in Jackson’s corpus, our analysis focuses on a singular track, “Will You Be There”. Indeed, the artist carries out, in this song, an extreme and global approach by using the music, the voice, the text and the visual and choreographic language to add to his already acquired dimension of preacher that of officiant, martyr, even prophet. The purpose here is to analyze the tenants of this new charismatic stratum in the artist’s startext by proposing a sound, textual and visual analysis that allows to identify the sacred and charismatic markers put into action.
Keywords: Michael Jackson, scene, ritual, celebration, charisma
Michael Jackson, entre iconographie populaire & imagerie biblique
Michael Jackson a créé autour de lui une imagerie spectaculaire en s’associant à de nombreuses figures mythiques ou mystiques, réelles ou imaginaires, d’E.T. à Charlie Chaplin, de Barnum à Jésus[1]. Mégastar de l’industrie du disque et icône du divertissement depuis l’enfance, il a grandi entre la scène (assistant dès l’enfance à des spectacles de strip-tease de travestis[2]) et les réunions de la salle du Royaume des Témoins de Jéhovah. Tantôt, il s’est considéré comme un missionnaire, tantôt comme un chamane[3]. Mais, afin de mieux comprendre son impact, voyons quelle est la nature de cette foi qui a infusé sa personnalité autant que son œuvre.
Michael Jackson & la foi
Michael Jackson n’est pas le premier à mettre en parallèle son aura avec celle de Jésus : John Lennon n’avait-il pas déclaré à propos des Beatles : « Aujourd’hui, nous sommes plus célèbres que Jésus-Christ[4] » ? Dans la même logique et dans un tout autre contexte, Michael Jackson précisait au sujet de sa célébrité qu’il s’en arrangeait et la comparait tout de même avec « celle de Jésus parce qu’il y avait une raison à ce que Dieu lui a donné et il a prêché et les gens se sont rassemblés et il ne s’est pas mis en colère, ne les a pas repoussés en disant : “Laissez-moi tranquille, je n’ai pas le temps[5]” ». Ce propos, plus encore qu’en d’autres occasions, montre que Jackson considère sa carrière comme une mission investie d’un message qu’il doit absolument porter pour justifier de ses « dons » célestes : « c’était la manière la plus sacrée de passer mon temps : développer les talents que Dieu m’a donnés. La meilleure manière que je puisse imaginer pour lui montrer ma gratitude est de faire le plus possible avec le don que Dieu m’a fait[6] ». Il s’agit bien là d’une conception religieuse des qualités artistiques qui ramène à l’idée du rapport de l’artiste à la foi.
La foi de Michael Jackson est un héritage éducatif issu de sa mère, Katherine. Baptisé en 1973, il est le seul fils de la fratrie, avec ses sœurs Rebbie et La Toya, à intégrer la congrégation des Jéhovah. Très assidu aux réunions, il s’impose des règles qui outrepassent les attentes déjà strictes de cette communauté. Pourtant, en 1987, il rompt son engagement après de nombreuses pressions portant sur son art et sa famille. À ce propos, une lettre officielle de sa congrégation scelle, alors, son départ : ce faisant, ils ne le frappent pas d’excommunication ou d’exclusion, mais le marquent du sceau du péché suprême et antichristique[7].
Pour autant, Michael Jackson va rester connecté à sa foi initiale et en garder de nombreux réflexes, montrant combien les Témoins de Jéhovah ont joué un rôle structurant dans sa vie et son mode de pensée. Parmi les symptômes de cet ancrage, notons son intérêt pour la numérologie biblique, sa crainte de l’Armageddon (matérialisée jusque dans sa signature) et ses renvois aux Écritures visibles dans certains de ses albums. Dangerous est le premier album édité après cette rupture ; il est souvent considéré comme son album le plus ouvertement biblique. Affranchi des limites imposées par sa congrégation et accompagné par le Dr Deepak Chopra, il semble avoir adopté des interprétations bibliques plus tolérantes et positives, compatibles avec une plus grande liberté de création. Plusieurs de ses œuvres s’imprègnent de cette nouvelle foi tout en puisant dans des références empreintes de sacré. Outre les aspects musicaux et textuels à analyser, le particularisme de « Will You Be There », qui fait partie de ce corpus, est de transposer sur scène des éléments évoquant très explicitement le rituel chrétien. Or, les Témoins de Jéhovah ne possèdent pas de rituel. Dès lors, le réinvestissement des codes chrétiens par Michael Jackson relève d’une volonté d’émancipation qui emprunte un langage compréhensible par le plus grand nombre. Son érection en figure biblique participe de toute son imagerie.
Michael Jackson comme figure biblique
Michael Jackson a souvent été considéré comme une « figure religieuse[8] », au sens large – un vecteur de processus narratifs historiques, de mots, d’images et de symboles, d’assemblage d’interrogations, d’une poétique mais aussi d’un opium des peuples selon la pensée marxiste. Il a développé un charisme (qui, en théologie, est associé à une grâce, à un don de Dieu ou à une force surnaturelle qui permet d’accomplir des actes extraordinaires) et l’a légitimisé en accomplissant certains bienfaits (humanitaires) ou miracles (ses dons et attributs héroïques). Ce faisant, il a fini par incarner, en tant qu’entité commerciale, humaine, artistique, avec ses jeux de scène et ses prières, non seulement un espace intérieur mais également une figure religieuse. Il a joué un rôle de shaman, de communicant populaire et énergétique du sacré dans sa société, en priant tant le public que les administrations politiques de se tourner vers la misère et l’environnement bien avant que ces thèmes deviennent une mode. Michael Jackson s’est créé une image publique démesurée comme validation de son être. Il a diffusé un certain esprit religieux par ses citations bibliques, ses postures christiques et par l’illumination enfantine perpétuellement ouverte qui a jalonné sa pensée créatrice. De « Can You Feel It » (Triumph, 1980) à « Man in the Mirror » (Bad, 1987), comme au travers de ses spectacles, il a porté un esprit religieux universel, une utopie via des textes de compassion et de lutte contre la négligence, un projet d’éternité sous-tendu par le mystère, par une esthétique caméléon[9] et une mutation physique propre au zen bouddhiste.
Les aléas de son image souvent mystérieuse, parfois étrange, généralement mal comprise, l’ont fait passer du statut de saint qu’il avait acquis au début des années 1990[10], à celui de démon, au moment des accusations, puis à nouveau d’objet sacré, à l’occasion de ses funérailles[11]. Un titre comme « Will You Be There » n’y est sans doute pas étranger puisque sa musique, ses textes et sa scénographie, comme nous allons le développer à présent, ajoutent à une image de prêcheur déjà acquise, celle d’officiant et de martyre, voire de prophète.
Will you be there & les signalétiques sonores du sacré
La chanson « Will You Be There » joue, comme d’autres titres de Jackson mais aussi de manière atypique, sur la solennité et l’émotion pour toucher et convaincre l’assemblée. En ce sens, la musique et les expressions vocales qu’elle met en œuvre font un intéressant écho aux à ces « signalétiques sonores du sacré » que décrit Jacques Cheyronnaud[12].
Structure et organisation générale[13]
« Will You Be There », est la chanson la plus longue de l’album (7’40). Elle comporte 14 sections, dont 12 pour la chanson, parmi lesquelles 7 sont chantées par Michael Jackson[14]. Le charisme intrinsèque de ce titre tient déjà dans sa structure atypique, un patchwork en 3 parties (voir annexe 1) :
- Extrait du 4emouvement de la Symphonie no 9 de Ludwig Van Beethoven ;
- Transition chorale a cappella composée par Jackson et intitulée « Angel’s Intro » ;
- Chanson pop dotée d’influence soul-gospel incantatoire.
Analysons à présent la première partie de la chanson.
Citation de Beethoven
C’est avec l’album Dangerous que Michael Jackson entreprend d’intégrer à ses chansons des citations directes d’œuvres du grand répertoire : il s’agit pour lui d’une quête d’effet et de théâtralité visant l’efficacité émotionnelle[15]. Pour autant, les extraits choisis le sont toujours avec cohérence : ainsi, celui de Beethoven n’est pas le plus célèbre de l’[Ode] An die Freude mais bien le seul couplet de Schiller évoquant Dieu, la Création et les étoiles (annexes 2 et 3). Son impact émotionnel interne est lié à des figuralismes sonores qui génèrent d’importants contrastes de nuances, de tessiture, de timbres mais aussi une progression harmonique et mélodique à même de doter l’extrait d’une importante charge émotionnelle (annexe 4).
Angel’s intro
Suit une transition composée par Michael Jackson : aiguë et légère, elle contraste avec le passage précédent et est réalisée par des voix synthétiques d’enfants. Son style renvoie au modèle polyphonique alla Palestrina (annexe 5) et donc la musique fonctionnelle des églises et des psallettes. L’armure préfigure déjà celle de la chanson (ré Majeur), mais use d’un abaissement de la sensible (do bécarre, en rouge, annexe 5) et d’un entrelacs des deux voix (en jaune, annexe 5) qui donnent une coloration modale : l’ensemble de ces caractéristiques installe une forte signalétique sonore du sacré. Ce passage crée un fil conducteur atypique et une nouvelle surprise pour l’auditeur.
La chanson
Comme nous allons le voir, l’efficacité de cette chanson, et donc de la portée de son message, tient beaucoup à ses couleurs harmoniques et à son expression mélodique et vocale. Elle emporte l’auditeur par son caractère répétitif, sa progression expressive et la force de conviction de l’interprète. Le canevas tonal pose déjà, nous allons le voir, des bases signifiantes.
Tonalité
La tonalité de la chanson s’inscrit dans la continuité de l’« Angel’s Intro » et déploie un lumineux ré Majeur, dans un album où la tonalité dominante est ré mineur. Elle est soulignée par une pédale, désinence du bourdon (annexe 7), souvent utilisée dans le répertoire liturgique, qui fonctionne comme un figuralisme, illustrant l’ancrage terrestre et sans doute la peine angoissante à s’élever exprimée par le texte. Il faut attendre le pont (annexe 8) pour retrouver une couleur modale et une cadence plagale iv-i, caractéristiques de ce répertoire.
Le clavier qui introduit la chanson évoque l’orgue des cérémonies ; il n’est pas visible, tel l’orgue perché sur sa tribune (il s’agit de ne pas distraire). La musique joue bien ici une autre de ses fonctions rituelles : permettre à l’assemblée « d’entrer, au moyen de l’art musical, dans le mystère du salut[16] ».
Après les fondations tonales, voyons à présent comment est structurée la chanson.
Structure
La chanson est de forme strophique sans refrain, avec un pont central et une coda parlée. Chaque strophe est construite sur la répétition d’une phrase musicale ascendante et descendante, qui crée, par sa courbe comme par sa répétition, une boucle mélodique et temporelle continue (annexe 9). Cette fonction de ritournelle joue un rôle important dans la sensation hypnotique. Cette mélodie-pivot facilite les formules incantatoires, les échanges avec le chœur et les improvisations qui marquent la soul et le gospel.
Vocalité
L’ambitus vocal couvert par la chanson est le plus étendu de l’album (annexe 6) et s’étend du ré 3 au ré# 5 (un peu plus de deux octaves). Il est aussi plus ambitieux que celui de l’emblématique « Man In the Mirror » (ré 3 à si 4). Cette large étendue est ici l’occasion pour Michael Jackson d’explorer les différents espaces du registre et de moduler ses timbres vocaux.
Avec le caractère oratoire de son texte et sa vocalisation syllabique, « Will You Be There » s’inscrit dans le répertoire vocal sacré qui est une « modulation-de-la-Parole » et le clavier demeure bien au service de sa voix en restant discret, comme un « humble servant », ne se libérant comme soliste que dans la transition vers la prière finale, tel le temps d’improvisation dédié à l’orgue pendant l’office.
La chanson joue sur une progression mélodique et dramatique qui joue sur une dynamique d’intensification et d’extériorisation commune à nombre de titres soul, évoluant d’une méditation calme et introvertie à des transes soulignées par le chœur gospel. Son caractère ascensionnel et sa progression (tessiture, nuance) sont parallèles à ceux de la citation de Beethoven et constituent un figuralisme d’ensemble qui mime l’élévation spirituelle.
Enfin, Jackson mène une véritable « opération de profération » en transférant le texte du Livre (tel un Psaume, une prière issue des Écritures) à l’espace qui entoure son assemblée. Cette profération tient de la dramatisation et fait partie intégrante de l’équipement nécessaire au spectacle. Elle repose sur la transposition de trois conduites « audio-phaniques »[17] :
_ La voce mediocri (entendue des assistants les plus proches) : 1er couplet, confiné dans le grave, avec une voix profonde qui chante calmement et humblement, sans fioriture, dans une nuance mezzo forte, en exprimant une certaine intériorité.
_ La voce intelligibili (entendue par l’assemblée) : à partir du milieu du 2e couplet chanté à l’octave supérieure, avec une nuance forte et un timbre plus expansif ponctué par des projections buccales et d’accents rauques puis dans le reste de la chanson (pont, échanges responsoriaux) où Michael Jackson se veut plus convainquant et harangue l’assemblée pour la gagner à sa cause, à grand renfort de chœur.
_ La voce secreto (l’officiant n’est entendu que de lui-même) : dans la coda, qui substitue au bref « Make that change » de la fin de « Man in the Mirror » une longue prière récitée pianissimo, d’une voix vacillante et chargée d’émotion. Ce temps s’apparente à celui de la confession rituelle tout en visant, grâce au micro, à être entendu sur un mode intime.
Le chœur gospel
La carrière de Michael Jackson est marquée par sa collaboration récurrente avec le chœur d’Andrae Crouch, dont la présence renforce ses messages et apporte un paroxysme expressif et un caractère auratique à des textes qui ne sont pas forcément religieux, mais porteurs d’une ambivalence propre à la soul. Dans « Will You Be There », le chœur plane tout d’abord dans l’introduction en fredonnant la mélodie et préfigure la foule qui va potentiellement épauler Jackson ou lui répondre. Il est présent entre les couplets, reprenant la mélodie bouche fermée, comme dans l’introduction. Mais, déjà, Jackson l’interpelle par quelques lointaines ponctuations vocales, dans un registre aigu : « hey, brother! ». Sa présence explose après le pont, par une entrée massive qui provoque l’inversion des rôles et une articulation pleinement responsoriale : le chœur chante désormais la mélodie et les paroles des couplets tandis que Michael Jackson interpelle et réalise des improvisations quasi-incantatoires. L’expressivité, à son comble, se traduit par une extériorisation qui frôle le cri et ancre la voix dans une organicité tournée vers le ciel : la nuance est très forte, la tessiture très aiguë, le timbre parfois rauque. Ce chœur puissant symbolise le soutien qu’implore Michael Jackson, à moins que cette propagation collective de sa prière ne vise à montrer à quel point il partage la condition humaine et les souffrances du plus grand nombre. Avec un chœur gospel comme interlocuteur, la chanson ouvre le champ sur une dynamique intérieur-extérieur qui voudrait dire qu’une fois la réalité des choses admises et intériorisées, elles pourraient enfin être changées.
Will you be there : analyse textuelle
Contexte stylistique
« Will You Be There » s’inscrit dans le pathos des spirituals noirs et du blues en reliant passé et présent, profane et religieux. Le texte exploite tant des aspects autobiographiques que des métaphores bibliques en usant d’un double-sens religieux et communautaire[18]. Michael Jackson réinvestit la veine soul-gospel pour transmettre des messages sans attaque frontale : en passant de l’intériorité à la théâtralisation incantatoire des textes, en alliant foi et développement spirituel et personnel, il évite ainsi de réduire son champ d’action populaire et de froisser les susceptibilités.
Décryptage[19]
« Will You Be There » semble marquer le passage de Michael Jackson de héros à humain vulnérable. Plus encore que dans « Man in the Mirror », où son reflet dans le miroir et le renvoie à son humanité, il dévoile ici ses failles, ses angoisses et se met en quête d’une communauté non plus pour l’accompagner dans sa mission, mais pour le soutenir personnellement.
Michael Jackson définit le caractère religieux de son propos en utilisant l’image du Jourdain : il souhaite être porté, soutenu, comme il pourrait l’être par ce fleuve. Le Jourdain est éminemment rattaché à la Bible. Pour y accéder, il faut suivre sa vallée qui est la plus basse du monde puisqu’il se jette dans la mer Morte à une altitude de 421 mètres sous le niveau des océans. Il est un symbole d’humilité, de réhabilitation et de purification par le baptême. Cette humilité est illustrée dans la chanson par la tessiture grave et l’interprétation dépouillée de la mélodie initiale. En évoquant cette image forte du Jourdain, Michael Jackson s’associe d’emblée à divers épisodes de la Bible, mais surtout, dans la conscience collective, à la figure du prophète Jean le Baptiste et à celle du Christ. L’évocation du Jourdain peut être ici comprise comme l’espérance d’un pardon, d’une purification et d’un début de renouveau symbolisés par le Baptême. Notons ici que la réponse à cette prière et la mise en miroir de cette image initiale du Jourdain, se trouveront dans la mise en scène de la fin de la chanson, avec la descente d’un ange qui rappelle l’apparition du Saint-Esprit lors du baptême du Christ (Matthieu 3:16-17).
Le « you » auquel s’adresse Michael Jackson n’est pas défini : il peut représenter un seul interlocuteur – en l’occurrence Dieu – ou plusieurs personnes (sa communauté, son public, ou le reste de l’humanité). Il n’exclut que ses potentiels oppresseurs, désignés plus loin par « they ». Sont-ils ses détracteurs, les membres de son ancienne congrégation, le système en général ou l’industrie du disque en particulier ? Le propos est suffisamment vague pour permettre de multiples interprétations, mais les dimensions inhérentes aux traditions musicales noires américaines (aspects communautaires évoqués par le biais de métaphores bibliques) et à la situation personnelle de l’artiste (sa scission avec les Témoins de Jéhovah) resserrent logiquement le champ de compréhension à ces deux problématiques.
Quoi qu’il en soit, il souhaite que Celui, ou ceux, à qui il adresse sa prière le porte(nt) et le purifie(nt), comme le ferait l’eau du Jourdain, et lui permette(nt) de gagner une nouvelle Terre Promise. Cette Terre Promise est celle de l’amour, un endroit où il serait choyé, accueilli comme un ami (« you are my friend »), un frère (« like you are my brother »), une mère (« love me like a mother ») ; l’ensemble est soutenu par le champ lexical de l’amour, du salut, du soin porté à l’autre[20]. Mais le texte est aussi parsemé de doutes et d’angoisses : la peur de l’abandon, de la solitude, du reniement et même du châtiment sont largement illustrées par de nombreuses questions[21] . Michael Jackson craint son sort et si son choix d’émancipation se traduit par de tels doutes existentiels, c’est que le fonctionnement des Témoins de Jéhovah semble donner aux individus le sentiment d’une identité singulière et hors du monde[22]. Pour Andrew Holden, ancien membre de la congrégation, ceux qui décident de quitter le mouvement « n’ont que rarement l’occasion d’en sortir avec dignité. Non seulement leur départ est annoncé depuis le podium, mais ils sont aussi condamnés comme s’ils étaient malades mentalement ou apostats[23] ». Or, Michael Jackson a subi ces communiqués officiels diffusés sur la place publique. Compte tenu de l’intégrité dont il semble avoir fait preuve, le sentiment d’injustice a dû le ronger. Cependant, à son tour, il semble vouloir dénoncer publiquement les tentatives de contrôle dont il a fait l’objet, dès le 2e couplet, avec ce saisissant saut d’octave de nuance (forte) sur les mots : « But they told me ». Qui d’autre, à part sans doute les membres de son ancienne communauté, a donc pu lui dire de garder la foi, de continuer à avancer et de se battre jusqu’au bout (couplet 2), de ne pas fléchir donc, de ne pas abdiquer ? Qui d’autre a pu à ce point vouloir raviver les fantômes de l’esclavage, prendre le contrôle de sa vie (pont) et raviver sans doute chez lui le sentiment d’un amour conditionnel déjà subi pendant l’enfance ? Jackson a plus que jamais besoin de s’affranchir de ce sentiment d’avoir pêché, d’être cet antichrist qui a renié sa foi et qui mérite d’être châtié lors du Jugement dernier. Il semble en appeler à une nouvelle communauté, dont le ciment ne sera pas une règle rigoriste, ascétique et sectaire, mais au contraire, l’empathie, le soutien et l’amour inconditionnel.
Le chœur représente cette nouvelle communauté. Elle pourrait être raciale (il s’agit, après tout, de gospel et le chœur d’Andrae Crouch est constitué de chanteurs africains-américains), mais la scénographie de la chanson représentera ce chœur par des groupes d’appartenance raciale, genrée, générationnelle mixte, ouvrant le champ d’interprétation.
Enfin, la coda offre un instant d’apaisement sonore et émotionnel, mais très sombre et angoissant sur le plan textuel. Dans cette longue traîne, Michael Jackson murmure, d’une voix hésitante, entre sanglots et larmes, dans un relatif dépouillement musical. Sa voce secreto évoque le ton de la confession, mais aussi celui du recueillement. Il semble seul face au Créateur, face à ses frères et à lui-même. Ultime expression de sa vulnérabilité et de sa condition d’homme, il déploie un impressionnant champ lexical autour de l’angoisse et des turpitudes qui qu’il semble pressentir à juste titre[24]. La « joie » et la « promesse d’un lendemain » n’y apportent qu’une brève espérance finale. Ces propos sont soulignés par un ultime geste de réciprocité, voire une promesse inconditionnelle de la part de Michael Jackson aux membres de sa nouvelle Terre Promise : « I’ll never let you part for you’re always in my heart », une phrase finale qui porte autant d’espoir que le « Make that change » de « Man in the Mirror » et résonne comme un pendant profane au « Pax vobis cum / Ite missa est » qui clôt la grand-messe.
Prise dans son ensemble, cette prière finale tourmentée renvoie aussi à la dernière prière du Christ au Jardin des Oliviers, une prière de « l’agonie », du combat contre l’angoisse de la mort, de la déréliction, de la solitude.
Will you be there : analyse scénographique
Sa façon de chanter se place entre l’art et le sacerdoce, les effets de son et lumière suggèrent une apparition magique, son discours ressemble à une transe, les pubs et les articles qui le présentent lui attribuent une étrange force, à peu près surhumaine. L’image de Michael Jackson échappe aux classifications usuelles[25].
Spectacle et rituel
Depuis que la mythologie a été mise en scène par le théâtre antique, et jusqu’au star system et à l’émergence des vedettes, des stars, puis des mégastars, la scène profane est devenue un lieu de transfert du rituel religieux. Comme le souligne Nadja Berberovic : « Le chamane est devenu l’acteur, les participants sont devenus l’assemblée, l’autel sacré est devenu la scène […] Le rituel implique une représentation et une performance, un lieu de représentation et des interprètes. Il inclut souvent l’utilisation de masques, de maquillage, de costumes, de danse et de musique. Et enfin, il implique souvent un public, le rituel étant hautement participatif[26] ».
La scène et le lieu de culte ont en commun le fait d’être des lieux à part, à distance du quotidien et de la routine ; les deux endroits comportent un espace d’officiation (scène) voué à la démonstration et à la manifestation (plateau, maître-autel) ; ils disposent d’une aire pour l’assistance ou assemblée (salle ou nef)[27]. Le parallèle est tel que la grand-messe a acquis un sens figuré profane de « manifestation spectaculaire visant à souder l’homogénéité d’un groupe[28] ». La scène pop emprunte aussi au rituel en général, et à la grand-messe en particulier, son caractère de démonstration de force aux vertus mobilisatrices et coercitives tournant autour de grands prêtres ou de vestales. Profane ou religieuse, on y assiste pour affirmer ou confirmer sa foi en un Dieu, en des valeurs, ou en l’appareil d’un part. La grand-messe se veut alors fête, parade d’espérance, de cohésion, de force.
C’est la dimension de représentation calculée qui rapproche la grand-messe de la scène : l’une et l’autre usent du spectacle pour convaincre (chants, musique, figurants, mouvements, gestes, costumes[29]). Ce sont tous ces aspects scéniques et visuels que nous allons aborder à présent, en analysant la mise en scène réalisée par Vincent Paterson à l’occasion du 10e anniversaire de MTV[30]. En effet, cette chanson n’a pas donné lieu à un court métrage mais à une mise en scène filmée en live et vécue en direct comme une célébration, pourvue d’une solennité et d’un décorum conjuguant symboles, gestes et postures à caractère religieux.
Mise en scène de « Will you be there »
Analysons à présent de quelle manière la structure et l’organisation de la mise en scène ainsi que la nature des gestes et symboles qui la caractérisent et contribuent au développement d’un champ sémantique visuel du sacré.
Structure et organisation
La scène est structurée autour de la présence de 5 chœurs, qui font le lien entre le célébrant et l’assemblée et sont répartis sur différents plans de la scène, en hauteur comme en profondeur, pour donner un relief à l’ensemble. Tous représentent des groupes sociaux et/ou ethniques et/ou religieux différents :
- Un groupe de femmes et d’hommes portant de longues jupes noirs, torse nu ou avec un haut couleur chair, est situé au niveau du plateau scénique ;
- Deux autres groupes sont à un niveau 1, séparés par une passerelle : l’un est un groupe d’adultes comptant des femmes âgées, vêtues de chasubles noires avec des sortes d’amicts blancs décorés de symboles, rappelant la tenue des prêtres ou des diacres ; l’autre est un groupe d’hommes portant un cheich sur la tête ;
- Le 4egroupe, au niveau 2, est composé de femmes en robes blanches (sortes de ballerines) ;
- Le 5e, au 3e niveau, est composé d’enfants, en haillons, au visage Sali : leur plateau est placé sur un ascenseur qui leur permet de descendre.
Ces groupes miment les chœurs (en play-back) et chantent tantôt séparément (le chœur des anges est mimé par le groupe d’enfants, par exemple), tantôt tous ensemble – l’idée d’une seule et même communauté étant renforcée par la synchronisation de leur gestuelle. La caméra contribue aussi à nourrir cet aspect en alternant de manière rapide les plans entre les groupes et en oscillant entre plans de détail et plans d’ensemble.
C’est à partir du pont de la chanson que Michael Jackson entreprend sa déambulation et son ascension progressive entre les groupes, comme un célébrant monte les marches de son autel. Dès lors, les groupes entrent dans un mouvement pré-chorégraphique et adoptent une gestuelle synchronisée, ponctuée de gestes de prière. Son ascension se termine au niveau des enfants, symboles d’innocence et de pureté, représentant Dieu pour Jésus (Marc 10:14, Matthieu 18:2-4) comme pour Jackson[31]. Puis leur plateau redescend au niveau de la scène, geste technique et pratique en même temps que signe d’humilité (Matthieu 18:2-4) renvoyant au Jourdain.
Tout en évoluant d’un groupe à l’autre, Michael Jackson se distingue des choristes par sa tenue noire et blanche, qui le fait apparaître comme un être neutre, non ethnique, ni pauvre, ni riche, un citoyen du monde qui embrasse, par son apparence frêle, son visage aux traits fins et ses cheveux longs, une apparence androgyne et sans âge.
Gestes et symboles
« J’ai chorégraphié un vocabulaire gestuel avec les mains et les bras que chacun a exécuté de façon rituelle[32] », explique Paterson. En effet, la vidéo débute par une succession rapprochée de gros plans sur des gestes de paix : dès 3’33, on peut voir une main noire tenir une main blanche ; à 3’37, Michael Jackson arbore le signe peace avec ses doigts ; et à 3’43, on voit une main d’enfant se poser sur l’épaule d’une autre enfant dans les chœurs.
Les gestes de prière, et notamment les mains jointes, font l’objet de plusieurs récurrences (5’40, 5’54, 6’51 à 6’54, 7’52). Ces gestes sont complétés par de nombreux mouvements consistant à lever les mains vers le ciel, à chanter les yeux levés ou clos, comme en état de transe.
Une autre posture apparaît, qui va devenir récurrente et que les détracteurs de Jackson vont qualifier de « christique » : il se place en offrande, bras en croix, le visage dans la lumière par trois fois (4’37, 6’08, et 7’25). La dernière est la plus emblématique puisqu’elle s’apparente à un portement en croix : Michael Jackson est en effet porté par ses danseurs, bras ouverts, dans une posture identique à celle du Christ au-dessus de l’autel. Pourtant, cette représentation n’est pas admise chez les Témoins de Jéhovah. En l’adoptant – d’une manière qui a pu être inconsciente au départ sur scène, puis renforcée par les effets spéciaux de la vidéo de manière plus volontaire (« Man in the Mirror ») et récurrente ensuite – Michael Jackson semble vouloir investir un symbole visuel fort et charismatique et s’émancipe, en quelque sorte, de sa congrégation.
Peu avant la 7e minute, au moment de la transition instrumentale, Michael Jackson rejoint quelques danseurs, au-devant de la scène, pour une chorégraphie synchronisée. Par ce tableau, et comme dans d’autres titres, il réitère sa conception de la danse comme symbole d’harmonie, d’unité, de paix et comme « danse du Créateur[33] ». La danse abolit les barrières linguistiques, et, comme la musique, elle porte un message transcendant. Au milieu de 6 danseurs, hommes et femmes, Blancs, métisses et Noirs, vêtus couleur sable, Michael Jackson se pose comme le 7e (il se signe d’ailleurs d’un 7 à 7’33)[34], l’élu, l’officiant. Sa tenue le met en évidence comme un maître de cérémonie entouré de ses diacres. De jeunes servants de messes, tels des enfants de chœur, apportent des objets sans doute cultuels, à moins qu’il ne s’agisse d’offrandes : un globe terrestre est apporté par un garçon et une fille (7’20) tandis que trois enfants d’ethnies différentes apportent ensuite un grand livre (7’37-7’41). À chaque fois, Michael Jackson s’avance près des offrandes mais ne s’en saisit pas : c’est toujours l’un des danseurs (ou diacre) qui les reçoit, en étant porté à ce moment précis, comme si seuls des êtres célestes étaient habilités à recevoir ces dons. Si, pour Vincent Paterson, le chorégraphe, ces objets représentent « la vérité et l’universalité[35] », leur charge symbolique mérite d’être explorée. La présence de ce globe terrestre fait, certes, référence à la planète, à la Création, mais aussi, à travers le symbole du cercle, au tout fini et infini, à l’unité et au multiple, au plein et la perfection. Le globe s’apparente aussi à l’orbe liturgique. Il interagit avec l’offrande suivante : le livre qui, bien sûr, évoque immanquablement le Livre suprême, la Bible[36], mais pourrait tout aussi bien, dans l’inconscient collectif, représenter tout autre livre sacré. Symbole de l’accès à la connaissance, à l’enseignement profane ou sacré, le livre est l’instrument qui libère, notion clairement rendue par l’étymologie du mot (liber). Il est aussi le symbole de l’univers et rejoint ici le globe (Liber Mundi) en tant qu’expression de la révélation divine, consignée pour guider les hommes vers son royaume. Le choix de ces symboles n’est donc pas anodin.
Enfin, la prière finale met un terme à toute chorégraphie et déambulation. Le texte et le message sont ici mis en valeur par la mise en retrait de l’accompagnement musical, la posture de Jackson qui s’adresse, sans apparat et en pleurant, à l’assemblée et, surtout, par deux nouvelles incursions hautement symboliques : celle d’un enfant noir doublant ses paroles en langage des signes et la descente progressive d’un ange doré (figure biblique reconnue par les Témoins de Jéhovah) sur le chanteur. En traduisant sa prière en langage des signes, Michael Jackson renforce le caractère universel de sa prière et s’assure un impact émotionnel important sur le spectateur : c’est un geste fort qui est complété par la descente lente d’un ange sur le chanteur, qui figure son rôle d’intercesseur entre le Ciel et la Terre et rappelle le Saint-Esprit apparaissant au-dessus du Christ, au moment de son baptême dans le Jourdain, pour désigner son Fils (Matthieu 3:16-17).
Conclusion
Composée à une époque où Michael Jackson commence une nouvelle vie spirituelle, la chanson « Will You Be There » fait figure de prière à la fois profane et religieuse : elle use d’un double-langage propre à la soul, au gospel, mais aussi à la pop. Elle est fondée sur une polarisation émotionnelle entre désespoir et espérance[37], oscille entre expression individuelle (soliste) et expression collective (chœur), avec un texte recourant à des métaphores bibliques, mais suffisamment généraliste pour être adopté par tous. Sur le plan musical, elle est un subtil patchwork musical qui relie passé et présent, profane et religieux au travers des références culturelles et sacrées séculaires. La musique reconfirme ici sa fonction de langage universel. Elle est pourvue d’une scénographie transposant des éléments rituels et d’une chorégraphie qui évacue les reproches négatifs et culpabilisants des Témoins de Jéhovah et symbolise l’harmonie. Par des jeux de symboles qui parcourent également le reste de son œuvre, Jackson dote son startext[38] d’un niveau de langage ésotérique qui participe à la dimension charismatique qu’il se donne : ce recours à la symbolique, à l’instar du latin en son temps, constitue tant une sorte de rupture (il faut être initié pour comprendre), que de métalangage via des signifiants transculturels[39]. Un tel langage laisse entrevoir l’octroi d’une dimension supérieure à des expressions a priori vouées au divertissement populaire et, par cette chanson, Michael Jackson confirme un charisme qui se veut supérieur à celui de la mégastar en tant que produit ou création commerciale. Il y parvient tant et si bien que les discours de son hommage funèbre, le 7 juillet 2009, reprendront ces images shamaniques et messianiques à grands renforts de parallèles bibliques en jouant sur des invocations interchangeables entre les noms de Dieu, de Jésus et de Michael Jackson. Sans doute Michael Jackson est-il parvenu, dans une société post-déiste infusant religion et star system, à s’institutionnaliser en symbole d’amour et de rédemption et à devenir une sorte de dieu profane, offrant aux fans la liberté de ne pas choisir entre culture matérialiste et culture spirituelle[40]. Si tel est le cas, « Will You Be There », avec sa dimension cérémonielle et rituelle, en a sûrement été une pierre angulaire.
Annexes
- Les sections de will you be there
2. Extrait de la partition de Beethoven ou figure la citation introduisant la chanson
Source : Site Cantorion, Symphonie no 9 de Beethoven, 4e mouvement, Finale
3. Détail de la partition avec l’extrait utilisé
Source : Site Cantorion, Symphonie no 9 de Beethoven, 4e mouvement, Finale
4. Figuralismes musicaux de l’introduction de Beethoven
Stürzt nieder, Millionen? Vous prosternez-vous millions d’êtres ? | En guise de prosternation, la musique est pianissimo et grave |
Ahnest du den Schöpfer, Welt? Pressens-tu ce Créateur, Monde ? | « Welt » est au sommet de la phrase mélodique et souligné par un instant de pause, figurant la question et l’importance du mot (la Nature, la Création, donc l’œuvre divine) |
Such’ ihn über’m Sternenzelt ! Cherche-le au-delà du firmament | La musique continue à gagner en tessiture, vers l’aigu et en nuances, dans un immense crescendo vocal et orchestral |
Über Sternen muß er wohnen. C’est au-delà des étoiles qu’il doit demeurer | « Über » marque tout naturellement le point culminant de cette ascension vers les cieux |
5. Partition de l’angel’s intro
Source : Site easysheetmusic, “Will you be there Michael Jackson Piano Sheet music/Guitar Chords/Pop-Rock
6. Tableau des tonalités et des ambitus des chansons de l’album Dangerous
Titre | Tonalité | Ambitus vocal |
Jam | ré m | do 4 – la 4 |
Why You Wanna Trip on Me | ré m | ré 3 – si 4 |
In the Closet | si m | si 3 – do 5 |
She Drives Me Wild | do # m | sol # 3 – si 4 |
Remember the Time | do m | mi b 4 – do 5 |
Can’t Let Her Get Away | ré m | do 4 – la 4 |
Heal the World | la M | mi 3 – si 4 |
Black or White | mi M | sol # 3 – la 4 |
Who Is It | ré m | ré 3 – do 5 |
Give In to Me | mi m | sol 3 – si 4 |
Will You Be There | ré M | ré 3 – ré # 5 |
Keep the Faith | ré M | la 3 – si 4 |
Gone Too Soon | la b M | fa 3 – sol 4 |
Dangerous | do M | do 4 – la 4 |
7. Inscription tonale de la chanson en ré majeur renforcée par une pédale de ré
Source : Site easysheetmusic, “Will you be there Michael Jackson Piano Sheet music/Guitar Chords/Pop-Rock
8. Pont de la chanson : parcours tonal, courbes mélodiques, cadence plagale
Source : Site easysheetmusic, “Will you be there Michael Jackson Piano Sheet music/Guitar Chords/Pop-Rock
9. Courbe mélodique de la chanson
Source : Site easysheetmusic, “Will you be there Michael Jackson Piano Sheet music/Guitar Chords/Pop-Rock
10. Texte intégral de « Will you be there »
TEXTE ORIGINAL | TRADUCTION FRANÇAISE |
Stürzt nieder, Millionen? Ahnest du den Schöpfer, Welt? Such’ ihn über’m Sternenzelt ! Über Sternen muß er wohnen 1. Hold me 2. When weary Tell me will you hold me? Bridge Everyone’s taking control of me 3. (Hold me) Show me (Lay your head lowly) Told me (Softly then boldly) Yeah 4. (Carry) Carry (Lift me up slowly) Yeah (Carry me there) I’m only human (Save me) Lead me (Heal me and bathe me) Lift me up, lift me up (Softly you say to me) (I will be there) I will be there 5. (Lift me) Told me, yeah (Lift me up slowly) (Carry me boldly) Yeah (Show me you care) Yeah Yeah (Hold me) Woo (Lay your head lowly) I get lonely sometimes (Softly then boldly) I get lonely, yeah yeah (Carry me there) Carry me there 6. (Lead me) Woo 7. In our darkest hour | Vous prosternez-vous millions d’êtres ? Pressens-tu ce Créateur, Monde ? Cherche-le au-delà du Firmament C’est au-delà des étoiles qu’il doit demeurer 1. Soutiens-moi[41] 2. Quand je serai épuisé Dis-moi me porteras-tu ? Et se battre jusqu’au bout, mais je ne suis qu’un humain Pont Tout le monde a pris le contrôle sur moi 3. (Soutiens-moi) Montre-moi (Doucement puis fermement) Yeah (Guide-moi) Porte-moi (Aime-moi et nourris-moi) Yeah yeah (Embrasse-moi et libère-moi) Yeah (Je me sentirai heureux) Je ne suis qu’un humain 4. (Porte) porte (Emmène-moi là-bas) Je ne suis qu’un humain 5. (Relève-moi) [Ils] m’ont dit, yeah 6. (Guide-moi) Woo 7. À l’heure la plus sombre |
Bibliographie alphabétique
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Discographie chronologique
The Jacksons, Triumph, [33 Tours, cassette, CD], prod. The Jacksons, label Epic ASIN : B00002783C, 26 septembre 1980
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Michael Jackson, Dangerous, [33 Tours, cassette, CD], prod. Teddy Riley, Michael Jackson, Label/Réf: Epic / Sony EPC 504424 2, 21 novembre 1991
Vidéographie chronologique
The Jacksons, Can You Feel It, [clip vidéo], dir. Bruce Gowers, Robert Abel, Michael Jackson, prod. Michael Jackson, label Epic Records, Peacock Productions, mars 1981, consulté le 02 août 2021. URL : https://www.youtube.com/watch?v=lrKZNqIR2U0
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[Michael Jackson, Will You Be There] MTV’s 10th Anniversary Special, [émission télévisée], dir. Pan Thomas, ed. John Murray (prestation de Michael Jackson), prod. Joel Gallen, Doug Herzog, label MTV Productions, Viacom, 1991, consulté le 02 août 2021. URL : https://www.youtube.com/watch?v=OTGlKSUzrO8
Notes
[1] Amélie Dalmazzo, « Entre réel et imaginaire », Michael Jackson n’a jamais existé, Paris, Jacob-Duvernet, 2010, p. 13-37
[2] Michael Jackson, Moonwalk, New York, Doubleday, 1988, p. 38-39
[3] Shmuley Boteach, The Michael Jackson tapes: a tragic icon reveals his soul in intimate conversation, New York, Vanguard Press Inc, 2009, p. 107-108
[4] John Lennon, « Comment vit un Beatle », Evening Standard, 4 mars 1966.
[5] Lee Mclaren, Michael Jackson, Paris, Lattès, 1992, p. [7]
[6] Shmuley Boteach, op. cit., p. 105
[7]Watchtower, 15 juillet 1985, p. 31
[8] David Dark, « The Unbearable Lightness of Being Michael: The Religious Witness of Michael Jackson », dans Michael Jackson. Grasping the spectacle, sous la direction de Christopher R. Smith, England, États-Unis, Ashgate, 2012, p. 182
[9] Buata B. Malela, Michael Jackson. Le visage, la musique et la danse. Anamnèse d’une trajectoire afro-américaine, Paris, Anibwe, « Libiza », 2012, p. 19
[10] Mihai Coman, « Michael Jackson’s 1992 concert in Bucharest: transforming a star into a saint », Celebrity Studies, 2011, vol. 2, no 3, p. 277-291
[11] Diane York Blaine, « “We Are Going to See the King”: Christianity and Celebrity at Michael Jackson’s Memorial », dans Michael Jackson. Grasping the spectacle, op. cit., p. 191-206
[12] Jacques Cheyronnaud, art. cit., p. 50
[13] La version sonore de référence que nous utilisons est en ligne, consultée le 02 août 2021. URL : https://www.youtube.com/watch?v=triaKXoqkOo
[14] Notons au passage l’étrange relation de ces chiffres avec la numérologie biblique, dont Michael Jackson était féru et dont il aimait parsemer, symboliquement, son startext (voir l’ouvrage de l’auteure du présent article consacré à Dangerous). Il est difficile d’imaginer ici que tout ait été calculé et de faire la part de l’intentionnel, de l’inconscient et du hasard, mais compte tenu de son intérêt pour ces chiffres, et notamment le 7 avec lequel il s’auto-symbolisait, il nous a semblé intéressant ici de nous y arrêter quelques instants, particulièrement dans ce contexte d’analyse.
[15] Entretien de Matt Forger avec l’auteure, Studios Westlake, Los Angeles, août 2010 et Brad Buxer, cité par Joseph Vogel, op. cit., p. 165
[16] Philippe Robert, « Joseph Gélineau : la musique au service du rite et de la parole », La Maison-Dieu no 259 Joseph Gélineau, serviteur de l’assemblée, Cerf, 2009, p. 79-110
[17] Jacques Cheyronnaud, art. cit., p. 49-50
[18] Derek B. Scott, Sounds of the metropolis, the 19th-century popular music revolution in London, New York, Paris and Vienne, New York, Oxford University Press, 2008, p. 165
[19] N.B. Les paroles intégrales de la chanson figurent en annexe 10.
[20] « Hold me, Carry me, Love me, Find me, Care me, Bear me, Lead me, Feed me, Kiss me, Free me, Lift me up, Save me, Heal me, Bathe me, ». Il veut se sentir béni « I will feel blessed ».
[21] « Will you be there, Will you hold me, Will you scold me, Will you find me, Will you show to me you’ll be there for me and care enough to bear me? »
[22] Christophe Zamord, « Les Témoins de Jéhovah : un mouvement religieux aux caractéristiques d’un mouvement social », Études caribéennes no 29, décembre 2014
[23] Andrew Holden, op. cit., p. 163
[24] Ce champ lexical est : « darkest hour, deepest despair, my trials, my tribulations, our doubts, our frustrations, my violence, my turbulence, my fear, mes confessions, my sorrow »
[25] Mihai Coman, « Michael Jackson’s 1992 concert in Bucharest: transforming a star into a saint », Celebrity Studies, 2011, vol. 2, no 3, p. 291
[26] Nadja Berberovic, « Ritual, Myth and Tragedy: Origins of Theatre in Dionysian Rites », Epiphany: Journal of Transdisciplinary Studies, vol. 8, no 1, 2015, p. 31-32
[27] Jacques Cheyronnaud, art. cit., p. 47
[28] Voir la définition de « grand-messe » du Larousse, en ligne, consulté le 02 août 2021. URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/grand-messe/37855
[29] Jacques Cheyronnaud, art. cit., p. 48
[30] MTV’s 10th Anniversary Special, [émission télévisée], op. cit. La vidéo à laquelle nous nous référons pour la suite de cette analyse est en ligne, consultée le 02 août 2021. URL : https://www.youtube.com/watch?v=OTGlKSUzrO8. Le minutage commence à 3’10
[31] « I see God through my children. I speak to God through my children. […] Children are God’s gift to us. […] they are the very form of God’s energy and creativity and love. He is to be found in their innocence, experienced in their playfulness », Michael Jackson, « My Childhood, My Sabbath, My Freedom », Beliefnet, en ligne, consulté le 02 août 2021. ou encore « It’s like being baptized. It’s like God saying, “Michael, everything will be ok”, when I look in the eyes of a child », Michael Jackson, cité par Shmuley Boteach, op. cit., p. 239
[32] Vincent Paterson, Icônes et instincts, Paris, Hachette E/P/A, 2018, p. 270
[33] Michael Jackson, « Dancing the dream », Dancing the dream, op. cit., p. 2
[34] Michael Jackson avait une prédilection pour le chiffre 7 auquel il s’est toujours associé symboliquement d’un point de vue personnel (nombre de lettres de son prénom, de son nom, il était le 7e enfant etc..) mais aussi pour sa symbolique religieuse
[35] Vincent Paterson, op. cit., p. 270
[36] Idem
[37] Erwan Dianteill, « La danse du diable et du bon dieu. Le blues, le gospel et les Églises spirituelles », L’Homme, vol. 171-172, no 3-4, 2004, p. 425
[38] Le startext englobe l’ensemble des discours, des écrits et des images qui façonne l’image d’un artiste auprès du public, via les médias, la presse ou les communiqués directs de l’intéressé. Voir Richard Dyer, Heavenly bodies: film stars and society, New York, Routledge, 2004, 224 p. et Andrew Goodwin, Dancing in the distraction factory. Music, television and popular culture, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1992, 237 p.
[39] Jacques Cheyronnaud, art. cit., p. 48
[40] Diane York Blaine, art. cit., p. 206
[41] Le sens de “to hold » est large et peut se traduire par tenir, maintenir, contenir, serrer. L’idée générale est certainement ici d’être enveloppé et contenu par cette eau du Jourdain