Située au coeur des enjeux géopolitiques contemporains, l’Afrique doit désormais faire face à l’urgence écologique, à la transition énergétique, au défi démographique et au changement des modèles économiques (Leyronas, Coriat et Nubukpo, 2023). L’inventaire de son histoire ancestrale et de son expérience millénaire, traversant les périodes précoloniale, coloniale et postcoloniale (Ki-Zerbo, 1972), permet aujourd’hui de proposer une autre manière de penser le monde et ses tensions depuis ses marges.
Ce constat nous amène à considérer la relation entre l’Afrique et ses diasporas selon une perspective centrifuge, en complément de la perspective traditionnellement centripète. Cette dernière, centrée sur l’Afrique, met l’accent sur l’apport de l’Afrique à l’humanité. Il est donc essentiel de souligner l’importance du retour des communautés afrodiasporiques à leurs sources, ainsi que des transferts matériels, immatériels, territoriaux et extraterritoriaux qu’il entraîne. Le poète Léopold Sédar Senghor pressentait déjà cette importance. En effet, il faisait de la source de son art l’Afrique, où se trouve le savoir, et préconisait de s’y référer « comme les lamantins vont boire à la source du Simal » (Senghor, 2017).
Comment le retour de ces communautés issues d’Afrique peut-il s’opérer à l’ère de la transmodernité et de la postcolonialité ? Quels sont les éléments déclencheurs et les modalités culturelles, sociales, politiques et économiques de ce processus ? Quels sont les enjeux symboliques, théoriques et épistémologiques d’une telle démarche dans un monde où le soft power diasporique s’intensifie ?
Si le rapport à l’Afrique peut être figé par des représentations néocoloniales, qu’elles soient exogènes ou endogènes au continent, relayées aussi bien par les visions des chercheurs africains que par celles des analystes européens, cela met en lumière la dichotomie employée par Obenga, évoquant l’afrocentricité face à l’africanisme eurocentriste (Obenga, 2001). Ceci souligne la montée de la conscience historique et culturelle africaine et légitime le retour critique à une réflexion sur la relation aux origines, replaçant ainsi les mondes africains contemporains au cœur des dynamiques de reconstruction de l’identité.
D’un point de vue individuel, cela peut s’étendre à celui des afrodescendants confrontés à la violence physique et symbolique, ainsi qu’à la destruction des écosystèmes culturels et naturels causée par le capitalisme global (Mbembe, 2020). Du point de vue intersubjectif et stratégique, il est essentiel de replacer le continent africain et l’immense diversité de ses contributions au patrimoine matériel et immatériel mondial. Cette réalité indéniable se manifeste notamment dans la relation entre l’art ancien et traditionnel avec l’art contemporain, ainsi que dans l’existence d’une esthétique et d’un paysage artistique africain (Mbaye Diop, 2011). Il est crucial de rappeler la dette abyssale qui lui est due. En plus du devoir de présence, qui peut se concrétiser à travers l’économie des restitutions des vérités et des oeuvres d’art (Sarr et Savoy, 2018), la citoyenneté diasporique doit être envisagée en termes de retour physique ou de collaboration. Cela pourrait favoriser l’émergence de nouveaux paradigmes disciplinaires ou transdisciplinaires, porteurs de sens et d’avenir.
Il est indéniable que la dimension symbolique et spirituelle traverse tout l’écosystème culturel des afrodiasporas, quel que soit le lieu de leur implantation (forcée ou volontaire), et continue de structurer les consciences littéraires (Malela, 2022), artistiques (Lefrançois, 2022), mythologiques (M’baye, 2011) et politiques (Appiah, 1993) et musicales. En effet les structures participatives et communautaires des musiques africaines nourrissent l’imagination créative des compositeurs et interprètes du monde entier car les ramifications de la musique au-delà du continent sont comme des réponses musicales aux évolutions sociales, identitaires et culturelles du monde contemporain (Agawu, 2020). Sur le plan pragmatique et praxémique, la question du rattachement des langues issues des groupes communautaires africains déportés, ainsi que du réancrage de toutes les langues créoles des Amériques, nées du contact entre les langues africaines (bantoues, nigérocongolaises et chamitiques) avec les langues européennes, dans un continuum d’appartenance, relève du fait social, mais reste à construire et à traduire de manière concrète dans les pratiques et les imaginaires.
Historiquement, le panafricanisme a engendré des initiatives courageuses visant à favoriser le retour à la Terre-Mère des origines, sous l’égide de penseurs tels qu’Edward DermotBlyden, Marcus Garvey, et d’autres ayant contribué à la création de nouveaux espaces de rencontres et de relations transnationales. La création d’États afrodiasporiques comme le Sierra Leone et le Libéria (A. N. Bell, 2018) en témoigne, mais a également mis en lumière l’épineuse question de l’intégration des returnees dans un tissu social religieusement et culturellement différent (C. Phillips, 1995). Cela souligne que, au-delà de la dimension purement ontologique, identitaire ou esthétique, l’inscription et la reconnexion du sujet diasporique afrodescendant dans la lignée ancestrale demeurent un immense chantier qu’il nous appartient de saisir et d’interroger.
Exprimer la problématique du retour en termes dynamiques, existentiels ou artistiques représente une opportunité de mise en relation avec des pensées diverses et fructueuses, mais n’empêche pas d’estimer les limites et les obstacles à la concrétisation du retour en termes économiques et logistiques, notamment. Notre troisième journée d’étude vise précisément à aborder toutes ces questions dans une perspective projective et praxémique, mais également à transcender les discours du sens commun sur l’Afrique et ses diasporas, afin de mieux s’enraciner dans une approche objectivée et modélisable des réalités liées à la question du retour des sujets diasporiques aujourd’hui.
Quelques pistes possibles à explorer :
- Perspectives diasporiques africaines à l’ère de la transmodernité
- Reconstruction de l’identité et conscience historique africaine
- Afrocentrisme vs africanisme eurocentriste
- La dette abyssale et les restitutions culturelles
- La dimension symbolique et spirituelle dans les afrodiasporas
- Réancrage des langues et des cultures afrodescendantes dans un continuum d’appartenance et d’identification
- Panafricanisme et retour aux racines ancestrales
- Intégration des returnees dans les sociétés africaines contemporaines
- Analyse des obstacles économiques et logistiques au retour des diasporas africaines et des moyens de les surmonter
- Réflexion sur les approches projectives et pragmatiques du retour des sujets diasporiques africains et leurs implications pour l’avenir de l’Afrique et de sa diaspora
- Ces thèmes et bien d’autres encore peuvent être abordés dans les propositions de contribution, qui peuvent s’inscrire à l’intersection des domaines suivants :Sciences littéraires, artistiques et philosophiques
- Sociologie, ethnologie, anthropologie
- Histoire, géographie, démographie
- Sciences économiques et politiques
- Etc.
COMITÉ D’ORGANISATION
- Buata B. Malela (Université de Mayotte et RIRRA21)
- Frédéric Lefrançois (Université des Antilles, Martinique)
- Gérald Désert (Université des Antilles, Martinique)
- Urbain N’Doukou (Université de Mayotte)
- Michel Mingote (Universidade Juiz de Fora, Brésil)
Références bibliographiques
- Agawu Kofi, L’Imagination africaine en musique, traduit de l’anglais par Thierry Bonhomme, avec la collaboration de Laurent Bury et Claire Martinet, Éditions de la Philharmonie, coll. « La rue musicale », Lefrançois Frédéric. «Weaving Artistic Archipelagos in Afro Diasporic Networks». Sociocriticism , 2022. ⟨hal-03779859⟩ 2020.
- Appiah, Kwame Anthony. In My Father’s House. Methuen Publishing Ltd, 1993.
- Bel, Agrippa Nelson. The Debt to Africa the Hope of Liberia, Forgotten Books, 2018.
- Clegg III, Claude A. The Price of Liberty: African Americans and the Making of Liberia. Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2004.
- Diop Mbaye, Babacar. Critique de la notion d’art africain. Paris, Hermann, 2018.
- Jenkins, David. Black Zion: The Return of AfroAmericans and West Indians to Africa. Londres, Wildwood House, 1975.
- Ki-Zerbo, Joseph. Histoire de l’Afrique noire. Paris, Hatier, 1972.
- Leyronas Stéphanie, Benjamin Coriat et Kako Nubukpo (dir.). L’Afrique en communs : tensions, mutations, perspectives, Paris, Éditions de l’AFD et de la Banque mondiale, 2023.
- Malela, Buata, et Cynthia V. Parfait. Écrire le sujet du XXIe siècle. Le regard des littératures francophones. Paris, Hermann, 2022.
- Mbembe, Achille. Brutalisme. Paris, La Découverte, 2020.
- Obenga, Théophile. Le sens de la lutte contre l’africanisme eurocentriste. Paris, Khepera / L’Harmattan, 2001.
- Phillips, Steven. Philosophy of Religion: A Global Approach. Wadsworth Publishing Co Inc, 1995.
- Sarr, Felwine, Bénédicte Savoy. Restituer le patrimoine africain, Paris, Philippe Rey, 2018.
- Senghor, Léopold Sédar. Poésie complète, édition critique, coordination Pierre Brunel, Paris, CNRS, 2007.
PANELS DE LA MATINÉE
OUVERTURE
- Accueil des participants
8h30-8h45
- Allocutions du Président de Mélanges Caraïbes et du Directeur de la revue NaKaN.
- Allocutions du Président de Mélanges Caraïbes et du Directeur de la revue NaKaN.
DÉBUT DES TRAVAUX
PANEL 1 – LE RETOUR AU PRISME DE LA PHILOSOPHIE PANAFRICAINE |
MODÉRATEUR : Steve PUIG |
8h50-9h10 |
Christophe PREMAT, Université de Stockholm |
Hold-up sur les « universaux », la philosophie de Kwasi Wiredu (1931-2022) |
9h15-9h35 |
Thadée KPANWAYNE, Université Joseph Ki-Zerbo, Burkina Faso |
Dagara et Mossi comme témoignages et signes de même humanité |
9h40-10h00 |
Alain Pascal KALY, Universidade Federal Rural do Rio de Janeiro |
Reconstruction de l’identité et conscience historique africaine. Les universitaires africains-es et afrodescendantes face à l´enseignement des trois religions monothéistes : Judaïsme, Christianisme et Islam. |
10h00-10h30 |
ÉCHANGES |
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10h30-10h45 |
PAUSE CAFÉ |
PANEL 2- L’AFRICANITE RECOMPOSEE : RETOURS AUX SOURCES DE L’ART AFRO-DIASPORIQUE |
MODÉRATRICE : Minakshi CARIEN
|
10h50-11h10 |
Jesús MACARENA- ÁVILA Norwich University of Vermunt |
Multiplicité de la noirceur : imagerie démystifiée par Julio césar « negro » montaño montenegro |
11h15-11h35 |
Steve PUIG, St Jones University New York |
Retour en Afrique par la case Caraïbe : réactiver l’Atlantique noir dans le rap français |
11h40-12h00 |
Frédéric LEFRANÇOIS, Université des Antilles Martinique |
La recapitalisation symbolique de l’africanité dans le cinéma transaméricain |
12h05-12h25 |
Françoise UGOCHUKWU, Open University UK. |
Remigration in Nollywood: Dr. Bello (2013) and The Royal Hibiscus Hotel (2017) |
12h25-12h40 |
ÉCHANGES |
|
12h45-13h55 |
PAUSE MÉRIDIENNE |
PANEL DE L’APRÈS-MIDI
REPRISE DES TRAVAUX
PANEL 3 – DYNAMIQUES MÉMORIELLES DU RETOUR |
MODÉRATEUR : Urbain N’DOUKOU |
14h00-14h20 |
Karen FERREIRA-MEYERS University of Free State. |
Retournons au bercail ou pas : Daughter in Exile comme exemple postcolonial récent |
14h25-14h45 |
Joséfina Bueno ALONSO, Université d’Alicante |
Restitution, réparation et dette abyssale |
14h50-15h10 |
Rafaela WENK, Universität Bern |
Le retour au pays natal dans Douceurs du bercail: enjeux et perspectives |
15h15-15h35 |
Ichola Marcel BALOGOUN Université Paul Valéry, Montpellier III |
La problématique du retour d’exil dans les romans de Kaoutar Harchi, L’ampleur du saccage et de Tahar Ben Jelloun, Au pays. |
15h40-16h00 |
Michel MINGOTE FERREIRA DE AZARA, Universidade Federal de Juiz de Fora, Brésil |
Le retour en Afrique chez l’écrivain brésilien Edimilson de Almeida Pereira |
16h00- 16h55 |
ÉCHANGES & SYNTHESE DES TRAVAUX |
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17h00 |
CLÔTURE DE LA JOURNEE D’ETUDE |
PRESENTATION DES PANELISTES ET DE LEURS COMMUNICATIONS
(par ordre d’intervention)
Hold-up sur les « universaux », la philosophie de Kwasi Wiredu (1931-2022)
Le philosophe ghanéen Kwasi Wiredu (1931-2022) a profondément marqué la réflexion philosophique contemporaine en abordant la question des « universaux » dans une perspective africaine critique. Wiredu, par son analyse des « universaux » culturels et philosophiques, a remis en question l’imposition des normes épistémiques occidentales sur les réalités africaines, dénonçant ce que nous pourrions appeler un hold-up sur les catégories de pensée universelles. Il plaide pour une redéfinition de la philosophie africaine, qui se libère des contraintes des cadres conceptuels occidentaux pour embrasser les particularismes culturels africains.
Wiredu est également l’un des rares philosophes à pointer le rôle désastreux qu’ont joué les « rois philosophes » ou leaders des indépendances, tels que Léopold Sédar Senghor au Sénégal, Sékou Touré en Guinée, Julius Nyerere en Tanzanie ou Kenneth Kaunda en Zambie, qui ont assumé le rôle de penseurs. Selon Wiredu, cette dissonance entre la pensée et l’action a eu des conséquences sur la crédibilité de la philosophie africaine. Leurs philosophies, bien que souvent brillantes, ont été instrumentalisées en outils de propagande politique, diffusées dans les langues véhiculaires, ce qui a renforcé leur caractère sloganisé et autoritaire.
Le problème, selon Wiredu, n’est pas tant le talent de ces hommes d’État que les modalités de réception de leurs idées. Il critique la manière dont la philosophie africaine est souvent présentée de manière exotique, comme si elle n’avait rien à offrir aux autres philosophies. En réalité, elle a son mot à dire sur des questions universelles. C’est lorsque ces universels sont appréhendés de manière culturelle, c’est-à-dire non ethnocentrique, que la philosophie postcoloniale commence véritablement à émerger. En déconstruisant la suprématie des « universaux » occidentaux, Wiredu propose une méthode de « consensualisme » qui valorise la délibération collective et le pluralisme des idées, favorisant ainsi une véritable autonomisation des traditions philosophiques africaines. Notre communication visera à décrire ce tournant épistémologique proposé par Wiredu.
Christophe PREMAT est maître de conférences en études culturelles HDR au département de langues romanes de l’Université de Stockholm. Il est directeur du centre d’études canadiennes et a co-édité en 2023 l’ouvrage Poétiques et politiques du témoignage dans la fiction contemporaine avec Alain Ekorong et Armel Jovensel Ngamaleu aux éditions Peter Lang. Il a récemment publié « L’héritage francodoxe de Léopold Sédar Senghor » dans le livre Francophonie, plurilinguisme et production littéraire transnationale en français depuis le Moyen Âge (Genève : Droz, 2023, pp. 237-257).
Dagara et Mossi comme témoignages et signes de même humanité
Il est encore des Dagara et des Mossis si perdus qu’ils ne sont toujours pas convaincus d’être parentés et d’appartenir aux mêmes racines ancestrales. Nombre d’historiens comme Yves Coppens, François Daumas (1987) Cheikh Anta DIOP (1967), Adolphe Erman (1939), admettent que nous sommes tous semences de même humanité que celle-ci soit issue du monogénisme ou du polygénisme. Cela a suscité en nous le titre suivant pour de réflexions plus approfondies : « Dagara et Mossi comme témoignages et signes de même humanité ». Cette formulation pose le problème suivant : existe-t-il des signes témoignant de l’appartenance des Êtres pensants aux mêmes racines ancestrales ? Selon nos hypothèses, il existe des signes par lesquels on a les preuves que les Êtres pensants appartiennent aux mêmes racines ancestrales. L’objectif de nos investigations est de montrer que ces signes d’appartenance aux mêmes racines ancestrales peuvent favoriser le panafricanisme. Tous les problèmes de l’Afrique et de ses nations tant au niveau du développement, de l’économie, de la politique que d’unité nationale voire continentale semblent provenir de la méconnaissance de ces pans culturels se résumant aux signes d’appartenance à une origine commune. Ces signes doivent être étudiés, brandis constamment, pour cultiver un sentiment très fort d’être ensemble par de bons comportements. C’est pourquoi notre cadre théorique est la sémiotique comportementale. Notre méthode passera par des signes que des théories sémiotiques comportementales permettent de dégager à travers des documentations et des enquêtes de terrain. Un plan de travail présentera d’abord ces enquêtes et théories qui seront suivies d’analyses approfondies et de suggestions pour un meilleur mémoire historique, pour un sursaut patriotique indéfectible et pour une Afrique nouvelle à travers toutes les nations de celle-ci dont particulièrement le Burkina Faso.
Mots clés : Pan-Africanism – Roots – Memory – Semiotics – Behaviors.
Thadée Somda Balouhib KPANYAWNE est Maître de conférences en sciences du langage. avec une spécialisation en sémiotique. Il enseigne à l’UFR des lettres, arts et communication, au département de lettres modernes, au sein de l’Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso).
Reconstruction de l’identité et conscience historique africaine
Les universitaires africains-es et afrodescendants-es face à l´enseignement des trois religions monothéistes : Judaïsme, Christianisme et Islam.
Quelques jours après la naissance, les parents baptisent leur fils ou fille selon leur religion monothéiste pratiquée. Toute l´éducation donnée en termes de moralité, d´éthique, d´humanité d´honnêteté… n´aura comme bases que les Dix Commandements.
En commençant les études au primaire, le secondaire et plus tard les études universitaires plus les enseignements bibliques ou coraniques, nos professeurs théologues mais aussi les films et les feuilletons nous diront que les trois religions n´ont rien avoir avec le continent africain. De ce fait, toute personne africaine comme aussi afrodescendente sera depuis sa naissance enchainée et esclavagisée sans le savoir par les théologues, les professeurs, la télévision et le cinéma pour mieux consolider l´équation selon laquelle : Blanc-he = chrétienté. Les groupes d´extrême droite nostalgiques des pratiques esclavagistes puisent et légitiment leurs convictions, leurs actes, gestes, arrogances et leurs pratiques que grâce aux enseignements selon lesquels le christianisme est européen. Au Brésil dès qu´on parle de religions de matrices africaines on nomme automatiquement le Candomblé et Umbanda mais jamais les trois religions monothéistes.
Aussi bien dans les Amériques, en Europe et en Afrique, serait-il possible une reconstruction des identités et de la conscience africaine sans la possibilité analytique de replacer les cartes des origines africaines des trois religions monothéistes ?
Notre proposition entend montrer paradigmatiquement et épistémologiquement que tant que l’eurocentrisme systémique qui imprègne globalement l’enseignement théologique, familial, académique et universitaire, en occultant l’origine de l’Afrique comme berceau des trois religions monothéistes (christianisme, judaïsme et Islam), il sera impossible de parvenir à une base de dialogue interhumains, interculturel, interethnique et interreligieux favorable à une conscientisation progressiste de l’humanité.
Alain Pascal KALY est actuellement professeur associé d’histoire et de cultures africaines à l’Université Rurale Fédérale de Rio de Janeiro, chercheur et chargé de cours dans le cadre du master professionnel d’enseignement de l’histoire. Alain Kaly est également membre du Conseil d’Administration de Sephis, le programme d’échange sud-sud pour la recherche sur l’histoire du développement, membre associé du groupe de recherche et d’études sur les noir-e-s d’Amérique latine (GRENAL) et Président de l’ONG Vida Brasil.
Mutliplicity Of Blackness: Debunked Imagery by Julio César “Negro” Montaño Montenegro
Victor Alejandro Sorell, a social art historian, has documented the exhibition history of Latina/e/o/x art in the Midwest, including the groundbreaking 1980 Chicago State University exhibit, Hispanic American Art in Chicago. This exhibit challenged the government-imposed term “Hispanic” and emphasized the global context of participating artists’ works beyond ethnic categorizations. Contemporary Chicago-based artist Julio César Montaño Montenegro (Negro) engages in layered printmaking and installations to explore themes of the Black diaspora, Latin American identity, and colonial legacies. His works critically examine stereotypes, labor history, and the cultural symbolism of bananas and plantains, connecting Afro-Colombian labor struggles, such as the 1928 Banana Massacre, to broader anti-colonial discourse.
Negro’s art, like Raices and Banana Hair, uses symbolism to critique economic exploitation and celebrate Afro-Colombian heritage. His installations, such as Viaje Magico, reference ancestral transatlantic histories and labor realities. Drawing on influences from 20th-century Caribbean and Latin American artists like Aimé Césaire and Wifredo Lam, Negro incorporates ethnographic and historical references, including African art aesthetics, as seen in his Cositas sculpture series, which challenges viewers to confront layered meanings within raw, imperfect forms.
These constructed raw forms with visible screws and glue debris showing its origins of technique and construction, echoes what Kone’s quotes. It forces the viewer to deal with their own reckoning to cypher on what his layered imagery being witnessed is just a visual pun? Or is it the harsh, debunked truth that corporate media still employs in portraying the reality of Latin America and its diaspora communities.
Jesús MACARENA-ÁVILA est titulaire d’une maîtrise en beaux-arts de l’université de Norwich, dans le Vermont, et d’une licence en beaux-arts de l’école de l’Institut d’art de Chicago. Sa pratique artistique, axée sur la justice sociale et la récupération culturelle, a fait l’objet d’expositions internationales et a été soulignée dans des publications telles que Art in These Times, Art Lies et Timeout Chicago. Macarena-Ávila a donné des cours au Victorian College of the Arts de Melbourne, en Australie, à l’Australian National University de Canberra et à l’University of the Witwatersrand de Johannesburg, en Afrique du Sud. En tant qu’artiste et chercheuse culturelle, elle travaille depuis 2008 pour l’Instituto de Nuestra Cultura (INC), c’est-à-dire l’Institut de notre culture.
Retour en Afrique par la case Caraïbe : réactiver l’Atlantique noir dans le rap français
Lorsque le rappeur Youssoupha arrive en Haïti pour la première fois à l’occasion d’un concert en 2019, il réalise un rêve : découvrir la première République noire, le pays qui le premier s’est détaché du joug de l’impérialisme français pour acquérir son indépendance en 1804, servant ainsi de modèle pour d’autres nations, africaines entre autres, qui ne deviennent indépendantes que dans les années 1960. Bien que les thèmes de prédilection du rappeur soient plutôt en rapport avec les relatons franco-africaines ou la situation des Afro-descendants en France, il inclue dans son oeuvre de nombreuses références aux Antilles et à Haïti pour établir des connections entre l’Afrique sub-saharienne et la zone Caraïbe. Le retour en Afrique de Youssoupha (qui habite en Côte d’Ivoire depuis 2016) s’est donc fait en parallèle avec une prise de conscience des connections qui lient l’Afrique à la zone Caraïbe pour une identité diasporique dont la France n’est plus nécessairement le pivot central.
Cette communication visera donc à analyser les diverses références du rappeur aux Antilles et à Haïti afin de voir comment il parvient à établir une solidarité entre les mondes noirs. Il s’agira entre autres de voir comment certaines figures emblématiques tels Aimé Césaire ou Toussaint Louverture apparaissent dans la discographie de Youssoupha, mais aussi comment l’histoire d’Haïti, longtemps reléguée à l’arrière-plan de l’histoire française, devient un symbole fort dans les luttes décoloniales aussi bien en Afrique sub-saharienne qu’en France métropolitaine. Finalement, le retour en Afrique se pense comme l’aboutissement d’une réflexion circulant autour de l’« Atlantique Noir » tel que le définit Paul Gilroy.
Steve PUIG est professeur de littérature française et francophone à l’université St John’s à New York où il enseigne la littérature de la Caraïbe francophone ainsi que les cultures urbaines. Titulaire d’un doctorat de la City University of New York, il a été l’élève d’Édouard Glissant et a publié des articles sur les littératures de la Caraïbe francophone. Il est également l’auteur de Littérature urbaine et mémoire postcoloniale (L’Harmattan 2019) ainsi que de divers articles sur le lien entre études postcoloniales et rap français.
La recapitalisation symbolique de l’africanité le cinéma transaméricain
La question de la présence africaine dans le cinéma des Amériques s’appréhende à la fois comme un fait artistique, civilisationnel et culturel que nous envisageons d’aborder comme un signe tangible de citoyenneté afro-diasporique exprimée à travers la magie fédératrice du septième art. Du fait de sa grande connectivité, la production cinématographique contemporaine des Amériques francophones, anglophones et hispanophones offre un terreau fertile à la réflexion sur la signification du retour (idéel ou réel) à l’Afrique. Déployée dans toute la profondeur du moment historique panafricaniste, la dynamique de recapitalisation esthétique et symbolique qui l’anime s’impose donc comme un objet d’étude pluridisciplinaire d’importance majeure, et ceci pour au moins deux raisons. D’abord parce que la communauté afrodescendante des Amériques issue de la traite transatlantique, forte de ses racines ethnoculturelles, s’est beaucoup investie physiquement et symboliquement à la source-mère des imaginaires afro-diasporiques en offrant à la Grande Diaspora un espace de reconnexion expérientielle et symbolique. Ensuite, parce que l’étendue de ce processus de recapitalisation symbolique par le rapprochement d’oeuvres-phares offre des perspectives communicationnelles inédites.
Trois films nous guideront dans cette aventure intellectuelle, Sugar Cane Alley de la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy, l’odyssée filmique Lubaraun des réalisatrices nicaraguéennes María José Álvarez et Martha Clarissa Hernández et le célèbre Back to Africa d’Othmar Schmiderer (2008).Ces trois oeuvres reconsidérée à l’aune du processus de capitalisation humaine et symbolique permettront d’explorer les conséquences du transfert de capital humain de l’Afrique vers les Amériques – et des Amériques vers l’Afrique – et de mieux cerner l’empreinte symbolique, linguistique et systémique de ces échanges sur les écosystèmes socioculturels des deux rives de l’Atlantiques. La dynamique de cette “capitalisation symbolique de l’africanité” se manifeste à travers la manière dont les cultures et les identités africaines sont mobilisées pour des gains symboliques, politiques et économiques dans les Amériques, dont nous explorerons les différentes facettes, en examinant le contexte du cinéma transaméricain.
Frédéric LEFRANÇOIS est Maître de conférences en études anglaises et artistiques à l’Université des Antilles. Il est titulaire d’un Ph. D. (anglais/arts) développe ses recherches sur la persistance des symboles transaméricains qui peuplent les arts visuels et vivants dans une perspective anthropologique et ethno-esthétique en publiant différentes études dans des monographies et des revues.
Remigration in Nollywood: Dr. Bello (2013) and The Royal Hibiscus Hotel (2017)
In his award-winning novel, Omenuko, written in Igbo and published in 1933 in London, Pita Nwana, predicted the current Nigerian remigration, a growing trend captured by Nollywood, the Nigerian cinema. Nwana presents exile as temporary, its duration depending on the person’s ability to discern the “signs of the times” and to make the expected decision early enough to avoid undue embarrassment and shame. This implies that the traveller must be both perceptive and willing to turn back. Nwana describes an exhilarating return announcing the recognition of returnees as the missing piece of the puzzle as they share the wisdom and knowledge acquired, proving exile as a journey towards the knowledge of self and others. The two films under scrutiny, Dr. Bello (2013) and The Royal Hibiscus Hotel (2017) both tell stories of successful re-migration. Starting from Nigerians’ two main emigration countries, Britain and the United States, seen from two pairs of eyes – those of a young lady and those of a middle-aged man, they focus on two domains: the business sector and medicine. The Royal Hibiscus Hotel is inspired by the experience of a growing number of expatriate Nigerians who, disappointed with their British experience and frustrated by the lack of chances of success in the host country, decide to rebuild their lives in the country of their parents. Dr. Bello (2013) traces the human, professional and spiritual journey of a New-York-based oncologist seeking to find a cure for an uncertified Nigerian colleague. The film follows Durant in his exploration, from his observation of the limits of modern Western medicine to the discovery of a holistic medicine that incorporates spirituality and recognizes the superiority of the African continent in this field.
Françoise UGOCHUKWU A bilingual Africanist with special interest in Nollywood, Nigerian (Igbo) Literature and Intercultural Studies, Françoise has been a Research Fellow in Development, Open University UK, for nine years after a 24-year career in UNN, Nigeria. An external collaborator to the Paris CNRS-LLACAN research laboratory (1993-2017), she is currently representing Igbo language & culture on the French-funded online encyclopaedia of literatures in African languages. A long-standing member of the prestigious Africanist Society, Paris, she served on its Council (2008-2012) and as President (2016-2019) of the French Association for the study of African literatures (APELA). Françoise’s research currently focuses mainly on the reception, cultural and linguistic impact of Nollywood – the Nigerian cinema – in Europe. Latest book publications: Films et réalisateurs nigérians (L’Harmattan 2024, in print), Nollywood – Le cinema nigérian 1991-2021 (L’Harmattan 2022), Nollywood on the Move, Nigeria on Display (Wissenschaftlicher Verlag 2013) and Tsaaior James Tar & Ugochukwu Françoise (Eds), Nigerian Film Culture and the Idea of the Nation: Nollywood and National Narration (Adonis & Abbey2017).
Retournons au bercail ou pas : Daughter in Exile comme exemple postcolonial récent
Le thème du retour en Afrique est omniprésent dans la littérature postcoloniale, explorant les complexités de l’identité, de la mémoire et de l’appartenance après la décolonisation. Dans Daughter in Exile (2023) de Bisi Adjapon, l’auteure explore ce thème à travers l’histoire d’une jeune femme Lola qui retourne dans son pays natal après avoir vécu aux Etats-Unis pendant la majeure partie de sa vie.
Le roman dépeint le choc culturel et les défis auxquels Lola est confrontée pendant son exil. Elle se sent déconnectée de sa famille et de sa culture, et lutte pour trouver sa place dans une société qu’elle ne connaissait pas du tout avant son arrivée. Adjapon explore habilement les questions d’identité et d’appartenance qui hantent la diaspora africaine. Ainsi, elle se positionne dans la lignée d’auteures comme Chimamanda Ngozi Adichie, Imbolo Mbue et Yaa Gyasi.
Lola est tiraillée entre deux mondes. D’un côté, elle est attirée par la modernité et les opportunités offertes par l’Occident. De l’autre, elle se sent appelée par ses racines africaines et la sagesse de ses ancêtres. Sa quête d’identité la conduit à un voyage de découverte de soi.
Dans ma communication, je m’appuierai sur les théories de la diaspora, du féminisme postcolonial et de l’hybridité culturelle pour analyser Daughter in Exile. Il s’agira aussi de montrer les similitudes et les différences avec d’autres roman sur le retour en Afrique des grandes romancières africaines écrivant en français et en anglais.
Karen FERREIRA-MEYERS est professeur titulaire et coordinatrice de la linguistique et des langues modernes à l’Institut d’enseignement à distance de l’Université d’Eswatini, Université de l’État libre. Elle travaille actuellement à l’Institut d’enseignement à distance de l’Université du Swaziland. Karen mène des recherches sur l’autofiction/l’autobiographie, les romans policiers africains, l’enseignement et l’apprentissage des langues, ainsi que sur l’enseignement à distance et l’apprentissage en ligne. L’un de ses projets de recherche récents est « Curriculum, Contextualisation plurilingue et formation des enseignants (CCPFE) ».
Restitution, Réparation et Dette Abyssale
Face à la violence du fait colonial et à l’extraction de biens culturels, une nouvelle éthique s’impose : la réparation et la restitution. Cette contribution aborde dans un premier volet, les concepts de restitution et de réparation à partir du corpus de la critique africaine postcoloniale et décoloniale : A. Mbembe, F. Sarr, Fr. Vergès et L. Miano. Ces philosophes, écrivains, politistes, parlent de l’urgence d’une restitution et d’une réparation qui implique « une nouvelle éthique relationnelle entre les peuples et les nations (Sarr & Savoy 2018).
La même année que le rapport de Sarr & Savoy est publié en 2018, les éditions l’Harmattan publient le roman, Le silence du totem de Fatoumata Ngom qui met en fiction comment une jeune anthropologue sénégalaise, chargée d’une mission au Musée du Quai Branly, exige la restitution d’une sculpture volée à son village natal pendant la colonisation. Dans ce deuxième volet de notre contribution, nous montrerons comment la fiction littéraire synthétise le politique et le symbolique et questionne, entre autres, la fonction du musée européen tel que Françoise Vergès (2023) le souligne.
Notre axe de travail sera d’aborder le rôle de la littérature dans la compréhension du vol du patrimoine culturel et ses conséquences d’ordre politique, symbolique, philosophique et relationnel. Comment le discours littéraire permet de prendre conscience de l’histoire et offre une autre voie possible à la reconstruction de la mémoire collective. Il s’agit de travailler l’espace du symbolique puisque « les objets, devenus des diasporas, sont les médiateurs d’une relation qui doit être réinventée et deviennent des vecteurs de relations futures » (Farr & Savoy 2018 :67, 68).
Josefina Bueno ALONSO est titulaire d’un doctorat en philosophie et en lettres de l’université de Murcie, Professeure de philologie française à l’Université d’Alicante, elle a été vice-rectrice de l’extension universitaire dans cette même université entre 2008 et 2012. Elle a également été Directrice Générale de l’Université, de la recherche et des sciences de la Generalitat Valenciana entre 2015 et 2019. Elle est actuellement sénatrice territoriale (PSOE) pour la Communauté valencienne et présidente de la commission de l’égalité du Sénat.
Elle a publié de nombreux articles au niveau national et international sur le féminisme, les études de genre et les relations entre les deux rives de la Méditerranée. Elle est spécialiste des écrivaines du Maghreb et du discours sur le genre qui s’en dégage. Ces dernières années, elle a travaillé sur le rôle de la langue espagnole comme langue de création littéraire sur le continent africain.
Elle est directrice du portail de la Bibliothèque africaine de la Bibliothèque virtuelle Miguel de Cervantes (http://www.cervantesvirtual.com/portales/biblioteca_africana/). Elle collabore avec les médias dans lesquels elle publie des articles d’opinion.
Le retour au pays natal dans Douceurs du bercail : enjeux et perspectives
Le topos du retour au pays natal, récurrent dans la littérature africaine, prend une signification particulière dans le contexte des migrations contemporaines. Dans le but de favoriser une réflexion autour de la représentation littéraire des circulations et des déplacements internationaux entre l’Afrique et l’Europe, ainsi que sur les enjeux environnementaux de notre ère, nous proposons d’explorer les complexités du retour à travers l’oeuvre Douceurs du bercail d’Aminata Sow Fall. Notre analyse portera sur le retour forcé des personnages au Sénégal après leur échec à migrer en France, un rêve partagé par beaucoup en quête d’une vie meilleure. Nous aborderons des questions telles que les sentiments et les défis auxquels font face les personnages en revenant au Sénégal ; la façon dont leur échec à migrer en France affecte leur identité et leur perception de soi, ainsi que les implications sociales et économiques de ce retour, tant pour les personnages que pour leur communauté d’origine, mettant ainsi en lumière les enjeux personnels et collectifs du retour au pays natal. Un élément central de notre étude sera l’analyse du rôle du jardin Naatangué, que les personnages créent à leur retour. Nous examinerons comment cet espace contribue à leur réintégration dans la société, en tant que moyen de subsistance et de valorisation des méthodes ancestrales de relation avec la terre. Si ce jardin représente certes une source de revenus, serait-il aussi un symbole de résistance et de lutte contre la destruction de l’écosystème naturel ? Est-ce que cet espace devient un lieu de renaissance et de résilience pour les personnages, en les reconnectant avec leurs racines et favorisant leur réintégration ? Cette communication vise à enrichir la compréhension des dynamiques migratoires dans la littérature sénégalaise et à offrir une perspective critique sur les défis du retour au pays natal.
Rafaela WENK est née en 1990 à Salvador de Bahia, elle a une licence en Lettres Portugais/Français. Elle a commencé ses recherches dans un programme d’initiation scientifique (CNPQ – Brésil) ayant comme sujets d’investigation l’immigration, l’intégration et la francophonie au Québec contemporain. Elle a fait un master Erasmus Mundus en France, au Sénégal et en Italie et en 2019 elle a obtenu son diplôme (Master CLE – Cultures Littéraires Européennes, Erasmus Mundus/Multiple degree). En 2020 elle a obtenu une bourse d’excellence de la Confédération Suisse et depuis elle est doctorante à l’Université de Bern. Son travail de recherche est consacré à l’écriture migrante d’Aminata Sow Fall, Fatou Diome et Ken Bugul.
La problématique du retour d’exil dans les romans de Kaoutar Harchi, L’ampleur du saccage et de Tahar Ben Jelloun, Au pays.
L’exil n’est généralement pas envisagé comme un voyage du non-retour. Bien au contraire ; Il réside quelque part dans la conscience et l’esprit de l’exilé la possibilité d’un retour provisoire ou définitif. Le retour au pays natal ou ce que l’on pourrait appeler l’émigration à rebours est un déplacement vers non plus un « ailleurs » comme un saut vers l’avant pour se sauver, se libérer, se construire ou se reconstruire, mais plutôt vers un « chez-soi » duquel l’on a pris de la distance pour diverses raisons. De fait, l’exilé vit avec un dilemme, un questionnement sur fond de paradoxes et d’ambiguïté : Comment gérer l’inévitable conflit intérieur engendré par l’exil ? Comment gérer l’entrechoc des différences ? Et surtout comment appréhender et réaliser le retour dans la durée comme dans la manière ? Dans ce sens, le retour de l’exilé au pays natal peut être vécu de manière paradoxale comme un moment salvateur et destructeur à la fois. Il reflète pour ainsi dire un parcours initiatique souvent relié à une quête des « Origines » et un désir de rupture avec le passé. Du rêve de réinstallation en Algérie, entretenu comme un mythe dans le roman de Ben Jelloun à la quête des origines sur fond de parcours mémoriel , initiatique et mystique relaté par Kaoutar Harchi sous les cieux de l’Algérie, cette étude propose d’examiner au moyen des stratégies du discours romanesques, les facteurs qui font du « retour au pays natal » une « énigme » , mais en même temps, une possibilité et une perspective d’avenir à prendre en compte au profit du développement de l’Afrique et de sa diaspora.
Mots clés : Exil- retour – identité- origines- mythe- rêve- perspective – possibilitésdéveloppement- culture.
Ichola Marcel BALOGOUN est Doctorant en littérature francophone et comparée, Université de Montpellier III. Enseignant de l’Académie de Nice.
Le retour en Afrique chez l’écrivain brésilien Edimilson de Almeida Pereira
Le poète, écrivain et essayiste brésilien Edimilson de Almeida Pereira est l’auteur d’une oeuvre poétique vaste, réflexive et troublante, qu’intègre et croise différents thèmes, tels que ceux issus des traditions des religions d’origine africaine, les processus de socialisation des noirs, les préoccupations philosophico-existentielles, l’ouverture aux “mots monde” et la friction entre la pensée globale/locale. Compte tenu de ces caractéristiques marquantes de son parcours poétique, littéraire et essayistique, nous commencerons notre analyse dans la perspective du philosophe camerounais Achile Mbembe, notamment le concept de Brutalisme (2020), qui renvoie à la nouvelle forme de pouvoir qui émerge aujourd’hui, et également dans la perspective de la philosophe brésilienne Suely Rolnik (2018), notamment la notion de Sphères d’insurrection. Pour atteindre nos objectifs, nous réfléchirons sur l’oeuvre Homeless (2010) du poète. Il s’agit donc de comprendre, dans le contexte actuel, où les pratiques brutalistes de pouvoir et de domination sont en vigueur, comment la littérature se configure comme une forme de résistance, qui utilise les mêmes mouvements initiés par le pouvoir― comme la praxis de l’épuisement, de la fracturation et de la fissuration, que nous analyserons― pour s’opposer, via l’imaginaire, à cette forme actuelle de subjugation. Si le continent africain a subi toutes sortes de brutalités au cours de l’entreprise coloniale ―pillage, épuisement des ressources, invasion et fracturation territoriale ― sur le plan symbolique, le mouvement d’une descente abyssale vers des racines ancestrales, manière de profiter du même mouvement initié à travers des pratiques brutalistes, se configure comme une forme symbolique de retour en Afrique, de retour aux origines, un mouvement qui permet d’exhumer des traces des mémoires ancestrales désormais mises au jour. À l’époque Négrocène (Ferdinand, 2022), époque géologique d’occupation violente du territoire qui a configuré une habitation coloniale, qui a tiré sa puissance et son économie de la traite transatlantique des esclaves et de l’esclavage colonial, nous nous intéressons à savoir comment, dans l’oeuvre de l’auteur brésilien, le retour en Afrique, est un mouvement centrifuge de résistance. En d’autres termes, nous chercherons à savoir comment, à travers la micropolitique, il est possible d’entrevoir les différentes sphères d’insurrection en gestation au coeur de l’activité poétique de l’écrivain.
Michel MINGOTE FERREIRA DE AZARA est Professeur adjoint au Département de littérature et professeur du programme de troisième cycle Prof letras – Master professionnel en littérature de L’Université fédérale de Juiz de Fora (UFJF), Minas Gerais, Brésil.
REMERCIEMENTS
L’équipe d’organisation remercie tous les partenaires qui ont participé à la mise en place et au bon fonctionnement de cette journée d’étude :