Kassav et la radio en guadeloupe : cheminement et influence d’une nouvelle musique dans les programmes /
Kassav and radio in Guadeloupe: trajectory and influence of a new kind of music in the programs
Jude SAHAÏ
Ancien Directeur d’antenne de RCI Guadeloupe
Abstract
Zouk cannot be distinguished from its means of dissemination, because of the trajectory driven by the band known as Kassav’. From this starting point, records, concerts, discotheques are successful only thanks to the upstream action of promotional media. This paper will try to identify this role as a broadcast channel of this musical genre – which was innovative at the time – by studying the Guadeloupean media, with a specific focus on radio. This will highlight a type of interaction which is typical of the 1980s, between this new music genre initially carried by Kassav’ and the media.
Ce texte a pour projet de contextualiser le zouk à son apparition, de mettre en lumière le carrefour spatio-temporel où, en même temps que se créer le groupe Kassav, un nouveau format de radio émergeait aux Antilles. Cette apparition est conséquente à la chute du monopole radiophonique de l’État et à la pression d’une quête identitaire qui rejetait la voix officielle , laquelle ne reflétait pas le fait culturel local : des tambours « Saint-Jean » aux chants d’amour en créole.
Pour les médias comme pour Kassav, il fallait sortir du domaine « périphérique » et c’est ce qu’ils ont fait ensemble. Nous nous appliquerons à montrer que la musique de ce groupe, que nous qualifions d’intégrative, aura su aligner les médias pour la diffusion et la reconnaissance du zouk jusqu’à l’international.
Nous évoquerons le contexte et le milieu radiophonique de l’époque, puis le contexte musical, puis l’arrivée du style Kassav, et terminerons par des retours d’auditeurs.
Situation et mutation du paysage radiophonique en Guadeloupe
Le contexte radiophonique de la fin des années 1970 ne peut se dissocier de l’environnement socio-politique. La Guadeloupe, depuis le « GONG » (Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe), et les événements de Mai 1967, inaudibles dans les médias, attend une traduction musicale de sa quête identitaire. Le tambour « gwo-ka » est peu discographié et la biguine exclut quasiment cet instrument.
Parallèlement, la radio d’État véhicule une pseudo-indolence doudouiste et « doucelette » de l’île. Mai 1981 et la libération des ondes n’ont pas encore triomphé, la bande FM est désertique en Guadeloupe.
Le total asservissement de la radio, outil de propagande étatique, passe encore par la censure du Préfet, et tout texte à caractère revendicatif ou anti-gouvernemental est banni. Les chanteurs de Gwo-ka luttent désespérément en Guadeloupe pour se faire entendre, quand en France des voix estudiantines et nationalistes s’élèvent.
La langue créole est cantonnée à une seule émission hebdomadaire de 15 minutes, le samedi sur la radio française de Guadeloupe : « La Gazette créole », de Casimir L’Étang. « Cazo pou lé pèp et lé vié zanmi » (Cazo pour le peuple et les vieux amis) était à lui seul une radio dans la radio. Chaque samedi après-midi, ses chroniques sur la vie sociale, sportive, politique et même sur la prévention routière englobaient toute la dimension socio-culturelle de l’archipel dans la langue créole qu’il affectionnait également en tant qu’auteur de chansons à succès comme « Adié Marie-Galante », « Travail z’enfan », « Adié Ti kaz an mwen » (portant sur la première rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre). Il était un véritable visionnaire de la radio future. D’autres pionniers comme Jacqueline Maussion, Jocelyn Vala et plus tard Jean-Pierre Sturm marqueront la radio en Guadeloupe.
Des procès de militants indépendantistes se multiplient à Paris, en « février-Mars 1968 », comme en Guadeloupe. Un phénomène au-delà du frémissement est largement perceptible.
Radio Jumbo, station périphérique en AM (Amplitude Modulation, donc de qualité d’écoute moyenne), émettant depuis la Dominique, avait fini par s’éteindre. Elle constitua néanmoins une tentative de rééquilibrage de l’information et de la programmation musicale, en ouvrant son antenne plus largement que la radio d’État officielle à d’autres courants politiques et artistiques. Son bureau de Pointe-à-Pitre voyait passer des artistes et politiciens qui n’avaient pas d’autre accès médiatique. Les Grammacks, groupe mythique de la Dominique, firent une partie de l’habillage d’antenne de cette radio, élément singulier pour l’époque.
Les difficultés de transport, de transfert des interviews sur bande magnétique, et un modèle économique insatisfaisant, associés à une couverture technique médiocre, ont eu raison de ce défi historique.
L’arrivée, dans ces années-là, de Radio Caraïbes International, avec ses antennes dans les deux îles (RCI Martinique et plus tard RCI Guadeloupe), contribua largement à l’émancipation de la musique autre que la variété française et singulièrement à la popularisation du zouk avant la démocratisation de la bande FM.
Suite à l’élection de François Mitterrand en mai 1981, le monopole d’État dans l’audiovisuel disparut, les radios dites « libres » firent leur apparition en FM, entraînant la station officielle implantée sur le sol guadeloupéen dans une concurrence fortement émulative. La radio post-1981 serait de proximité ou ne serait pas.
Né en 1982, la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, ancêtre du C.S.A. actuel, dans sa catégorisation des stations, ouvrait la porte, entre autres, aux radios associatives culturelles. Une nouvelle ère radiophonique sans monopole et servitude officielle allait pouvoir commencer.
Les deux radios alors écoutées jusque-là en AM dans l’île, la radio officielle et la radio privée RCI depuis la Dominique, mutèrent en FM sur le sol guadeloupéen. Elles accompagnèrent désormais les autres stations émergentes, avec une qualité d’écoute stéréophonique jusque-là inconnue. Nous passions de l’AM à la FM (Frequency Modulation ou Modulation de Fréquence, avec une qualité d’écoute optimale) avec des émetteurs sur l’île même, donc garantissant une bonne couverture.
Pour être complet, une autre radio privée périphérique, Radio Antilles, en coopération avec la Deutsche Welle en Allemagne, émettait depuis Montserrat avec des programmes en français. Mais elle ne se convertit pas à la nouvelle technologie FM et disparut, elle aussi, plus tard.
Cette proximité conquise par la chute du monopole étatique, induisait que la rue, ses traditions et sa culture populaire, se reflétent dans le nouveau miroir hertzien.
La facilité et le faible coût d’installation des stations FM, avec un matériel beaucoup moins lourd que les stations en AM, vit monter jusqu’à 80 le nombre de ces radios dites « libres », distillant musiques, idéologies politiques différenciées ou doctrines religieuses.
Les thématiques devenaient variées et la musique omniprésente et plus diversifiée, avec une éclosion de nouveaux animateurs spontanés, peu formés, issus notamment du milieu associatif, s’auto-initiant dans un domaine où ils devaient créer leur propre modèle.
Une cassure était désormais née, et ces autres voix non officielles allaient enfin pouvoir se faire entendre dans le Paysage Audiovisuel Guadeloupéen, y entraînant notamment de nouvelles formes musicales. La chasse aux radios pirates était terminée, elles devenaient légales sous la forme de radios FM autorisées. Comme un appel d’air, le nouveau créneau, ouvert à des programmes où les Guadeloupéens pouvaient se retrouver, notamment musicalement, sollicitait fortement des artistes jusqu’ici frustrés.
Une aubaine tombant comme un rendez-vous avec l’Histoire de ce peuple en formation, que le zouk et Kassav surent saisir à la pleine mesure de leur talent. Ce carrefour allait annoncer de nombreux virages dans le champ musico-médiatique.
Influences musicales et évolutions des idées et des techniques
Il est important de souligner les fortes influences musicales existantes avant l’arrivée du style spécifique de Kassav. C’est dans un contexte riche, bouillonnant de cultures différentes et d’identité propre que la marmite faisait mijoter ses ingrédients.
Malgré l’absence d’échanges officiels et formels, notamment culturels avec les autres îles de la Caraïbe, les styles transpiraient d’une terre à l’autre, facilitant l’intrusion des musiques.
Sans passeport, mambo de Cuba, cumbia de Colombie, ska et reggae de Jamaïque, calypso de Trinidad, mérengué de République Dominicaine, compas d’Haïti, arrivaient à nos oreilles comme la musique de Porto Rico, de Cuba via des 45 tours « Bel-Air » ou Ansonia ». Les orchestres cubains ou sud-américains y ont laissé leur empreinte aussi, comme les grands noms de la scène haïtienne post Nemours Jean-Baptiste et Weber Sicot, ou les chants traditionnels locaux transmis oralement.
Biguines et Mazurkas représentaient toujours alors les rythmes spécifiques de Guadeloupe et Martinique, illustrés ici et là par des ballets dits folkloriques. Loulou Boislaville ou Madame Adeline y ont associé leurs noms. Des concours réguliers entretenaient la créativité des compositeurs et chorégraphes, ainsi que la technicité de leurs interprètes.
Nous n’évoquerons pas ici la constance de la variété française, symptôme de la dépendance politico-culturelle des Antilles à la France. Elle connaissait alors le début de la fin de ses heures de gloire.
À cela s’ajoutait, davantage diffusée en radio, la production martiniquaise, Perfecta en tête. Parallèlement, la musique traditionnelle cheminait : Eugène Mona, Abel Zénon, Guy Conquet et de nombreux groupes ruraux des deux îles entretenaient la flamme.
Le tambour gwo-ka guadeloupéen, soutenant et accompagnant les chants y afférents, souvent supports de revendications contre le statut politique ou les fermetures d’usine à sucre, ponctuait la vie sociale et les grèves, mais à de rares exceptions près, ce tambour était absent des programmes radios.
En 1978, un an avant Kassav, autour de Joël Nankin et d’autres, fût créé le groupe Akyio, mouvement culturel engagé, « déboulant » dans les rues de Pointe-à-Pitre au son de tambours St-Jean. Marcel Lollia, dit Vélo, la plus illustre icône du gwo-ka en Guadeloupe, en faisait partie.
Résistance culturelle, militantisme s’exprimaient par le tambour dans la rue mais très rarement à la radio. D’autres formes d’expression identitaires avaient pris naissance entre temps, comme le « Théâtre du Cyclone » né suite à la rencontre en 1970 de Jean-Marie Serreau et Arthur Lerus. Il connut un grand succès en Guadeloupe.
L’espace d’expression demandait à grandir et passait d’une enceinte limitée à une diffusion publique généralisée.
Dans ce riche et tumultueux contexte, la dernière innovation discographiée prégnante pour les radios était la « cadence magma » (nom lié à l’éruption de la Soufrière de Guadeloupe en 1976), fruit de l’inventivité du groupe Les Aiglons. Ce groupe offrit à la Guadeloupe son premier disque d’or avec ses rythmes nouveaux et son synthé affirmé.
La musique préexistante et préfigurative du zouk était portée par des groupes comme Typical Combo, Super Combo, Maxel’s, Les Rapaces ainsi que quelques individualités comme Rémy Mondey, Francky Vincent et Tabou N°2, sans oublier Fairnes ou Emilien Antile, Édouard Mariepin-Pajamandy. Ils constituaient la base des animations des night-clubs guadeloupéens, quand ce n’était pas des « toufé-yen-yen », soirées où la promiscuité le disputait à la qualité du son.
Les Vikings, grâce à ses co-fondateurs Pierre-Édouard Décimus, Fred Aucagos, Guy Jacquet, Camille « Sopranne » Hildevert, sortaient du lot, avec des compositions plus élaborées, mieux finalisées. Certains phrasés de “Sopranne” seront repris plus tard dans des compositions de Kassav’. Les Vikings constitueront l’indispensable chainon de l’alliance avec Kassav, à coté d’une production modeste et encore peu diffusée de tambours gwo-ka, de musique de carnaval et de chants de Noël.
Le producteur Freddy Marshall, avec la marque Saultone dont il était le gérant, était précurseur d’une musique d’influence extra locale, avant de lancer FM Productions. Freddy Marshall marqua de son empreinte les années pré-zouk et zouk en tant que producteur, en tant qu’artiste et plus tard en tant que responsable d’antenne de Radio Caraibes International en Guadeloupe (RCI). Jude Sahaï, auteur de ce présent article, lui succédera à ce poste stratégique pour la musique. Sa relation avec la musique fondamentale de la rue restera toujours proche via le groupe « Kontak » dont il fut le président historique. « Kontak » est aussi un des morceaux d’anthologie de Kassav.
Les moyens d’écoute s’amélioraient dans le même temps. Si la musique portable est actuellement miniaturisée et banalisée dans nos actuellement, elle était à l’époque liée à un support physique indépendant : la cassette audio.
Ce petit objet en plastique inventé par Philips contient une bande magnétique mince et étroite qui défile à 4,75 cm par seconde dans des appareils électroniques, fonctionnant sur pile ou secteur, avec un son analogique de qualité moyenne.
La cassette a connu un succès impressionnant en Guadeloupe car grâce à elle on pouvait transporter sa musique. Le passage de cette cassette aux systèmes de stockage numérique bouleversera le monde musical bien plus tard… Au confluent des nouvelles ressources audios et de leur agrégation, il faut citer la naissance, en 1979 comme Kassav, du « walkman », de la firme japonaise Sony.
La cassette sortira de la maison grâce à ce lecteur portable vite appelé « baladeur » en français.
Encore fallait-il qu’elle fût enregistrée et c’était souvent le gros radio-cassette-enregistreur domestique qui remplissait cette fonction. Il était alimenté en musique par les 33 tours LP que passaient les stations émettrices, diffusant en FM stéréo à compter de 1981. Le présentateur DJ était souvent sollicité afin de programmer tel ou tel succès pour que l’on puisse enregistrer sa cassette. Plus prévisibles, car programmés, les hits-parade permettaient d’obtenir un enregistrement correct et précis. Une nouvelle chaîne naquit ainsi, de l’orchestre au baladeur à cassette via les radios. Ce phénomène de la cassette prit une grande importance dans notre société et dans ses habitudes d’écoute musicale. Alors que la radio d’État faisait encore la part belle aux variétés françaises, sur les autres radios : reggae, salsa, calypso, cadence et compas se partageaient allègrement 80% du temps musical.
L’invention du « walkman » permit une nomadisation de la musique et également la popularisation de la musique de Kassav, d’autant que cet appareil s’enrichissait souvent d’un récepteur FM intégré. Cela n’échappa point aux responsables de radio, qui commençaient à augmenter les séquences zouk dans les programmes face à la demande, maximisant ainsi leur audience.
Les producteurs et artistes déploraient fortement ce phénomène de piratage par la cassette audio, notamment sur les marchés antillais et africains.
La production discographique guadeloupéenne, mamelle locale de la diffusion musicale en radio, était dans sa phase ascendante, entraînant dans son sillage la copie-cassette qui elle-même généra une micro-économie locale. Les radios étaient fortement sollicitées par ces investisseurs que sont les producteurs. À ce niveau, Henri Debs et Raymond Célini tenaient le haut du pavé, suivis de Servais Liso et Jacky Dulice, tout comme plus tard, Nayaradou ou Mauriello. Quelques autoproductions commençaient à fleurir également.
À cette époque, les échanges avec les producteurs martiniquais étaient habituels, du fait même que les radios publiques ou privées comme RCI avaient leurs antennes et bureaux sur les deux îles.
David Martial ou Maurice Alcindor, artistes martiniquais étaient aussi régulièrement diffusés en Guadeloupe et leurs concerts, promus par les médias guadeloupéens, étaient très populaires.
La cadence, la cadence-lypso, la cadence-rampa, la salsa côtoyaient sans interférer le reggae de Byron Lee, le calypso de Mighty Sparrow ou les Soukouss de Lokassa et Aurlus Mabélé, sans oublier cette alliance afro-antillaise nommée Ryco-Jazz qui connut le succès sur les deux îles. Le Tumbélé, d’essence africaine, constituait aussi une tentative de jonction entre musique latine, africaine et cadence. Il eut ses heures de gloire. Jacques Bracmort chanteur emblématique des Maxel’s (de MAX et Édouard Labor) le porta au firmament.
La Guadeloupe se préparait à une symbiose fulgurante mais l’ignorait. Sur la radio d’Etat, Gilles Sala présentait encore quelques œuvres afro-antillaises sorties en France. Une cascade de sonorités et de rythmes s’égrena alors : de la Dominique émergèrent les Gramacks, avec leur leader charismatique Jeff Jeferson Joseph, les Bill-O-Men, de Bill Thomas, Liquid-Ice, Swinging Stars, Midnight Groovers, et également l’expérience caribéenne positive du célèbre Gordon Henderson. Celui-ci collabora au début des années 70 avec Pierre-Édouard Décimus. Ils furent même en tête du hit-parade du Surinam avec la chanson « Love ».
La collaboration de Gordon Henderson-Vikings fut étroite à cette période. Le groupe Exile One finit par en éclore avec Gordon Henderson, tandis que Les Vikings devenaient le groupe n°1 de la Guadeloupe, sillonant les pays par des tournées mémorables et un chanteur charismatique : Max Séverin, alias Maxo, excellant aussi bien dans les titres rythmés que dans les langoureux boléros.
En 1979, Gordon Henderson fut nommé directeur de la radio DBS (Dominica Broadcasting Station). Son travail de pionnier visionnaire lui permit d’organiser le premier concert de Tabou Combo à la Dominique, avec un succès immense.
Avec son groupe Exile One, il enregistra son premier 33 tours LP (Long Play), au studio Henri Debs à Pointe-à-Pitre. Ce groupe enchantait, en live, les discothèques de l’époque.
La cadence-lypso marqua beaucoup la Guadeloupe en raison de ses innovations : une symbiose musicale et des effets électroniques des instruments.
La chanson « Aki Yaka », en hommage à l’année de la femme (1975), passe encore sur les ondes. Ce rythme influencera aussi Kassav, qui passera de cette forme électronique de la musique à sa sublimation digitale.
Issue notamment du rythme cadence des Antilles françaises et des rythmes des Antilles anglophones et hispanophones, la Cadence-lypso imprima fortement l’espace musical local. Jeff Joseph et les Grammacks, Gordon Henderson et Exile-One, connurent leurs plus grands succès aux Antilles françaises.
Dans l’archipel guadeloupéen, la cadence pure et la tradition perduraient avec Typical Combo, Les Maxel’s, les Rapaces, Rythmo-Cubano, Abel Zénon, Vélo, Fairnes, Paul-Emile Halliar, La Perfecta (créée en Martinique en 1970), Tropical Islanders ou Merry Men, sans oublier les orchestres d’Haïti : Tropicana, Septentrional ou les « mini-Jazz » Shleu-Shleu, Skah-Shah, les Loups Noirs. qui occupaient également la scène musicale.
La palme revenait cependant à Tabou Combo, groupe haïtien créé en 1968 par Albert Chancy et Herman Nau, qui très rapidement connut un succès international extraordinaire. Cinquante ans après, mené par leur célèbre chanteur « Shoubou », le « phénomène Tabou » continue. Il a fêté son trentième anniversaire au Zénith de Paris avec Kassav’ en 1999.
À cela s’ajoutait toute l’influence latino-americaine avec force Boléro, Charenga, son montuno, Cumbia d’Amérique du Sud, sans oublier les Merengués de République Dominicaine qui égayaient souvent les faubourgs de Pointe-à-Pitre le dimanche, tout comme les slows de Paul Blamar ou de Mike Brant. Ce florilège musico-géographique représentait les prémices d’une aventure dont la fulgurance était encore imprévisible. Le martiniquais Henri Guédon, tel un visionnaire, sortit l’album « Cosmozouk » en 1974, tandis que le Guadeloupéen Maurice Claire alias King Kléro commençait à populariser le fameux mot magique à travers ses albums intitulés « King Kléro Zouk ».
De ce bouillon de culture afro-caribéen allait germer une hydre musicale. La radio le pressentait pour des raisons de convergence d’influences, d’idéologies et de synthèse.
Il manquait certes des étapes à la transmutation : la transformation des ingrédients de l’influence traditionnelle, un apport de modernité, cela pour l’éclosion des œufs d’or issus de matériaux denses comme le plomb. Et l’alchimiste arriva : Pierre-Édouard Décimus.
Kassav, le zouk et la radio : des mondes parallèles, interdépendants et mutants
Avec un nom évoquant la galette de manioc de notre héritage amérindien et notre histoire caribéenne commune, une association, d’après Pierre-Édouard Décimus, de consonnes fortes et de voyelles choisies, un nom prononçable de la même façon en français et en créole, le premier disque vinyle de Kassav arriva à la radio grâce à Freddy Marshall et à son label FM Production.
Les frères Décimus, déjà connus pour d’autres expériences musicales, déposèrent un autre type de galette sur les platines. Une transmutation de la cadence en Ka-dance. La musique de rue allait sortir des sentiers battus.
St Jean et ses tambours « mas » firent une irruption fracassante dans les radios, soutenant la guitare d’un certain Jacob Desvarieux, invité sur cet album : le disruptif avait frappé.
Textes forts sur sonorités nouvelles, voix calibrées, cuivres percutants, basse rebondissante et autre idée du mixage surent convaincre les animateurs qui étaient, en ce temps-là, les programmateurs musicaux de leurs émissions. La question des sections cuivre commençait à se poser pour une certaine relève. Si des groupes comme Typical Combo ou Fairness avaient leurs instrumentistes, et si des solistes comme Paul-Émile Halliar, Émilien Antile ou Al Lirvat tenaient le haut du pavé, ils ne laissaient guère de successeurs. Souvent revenait dans les conversations d’alors, la nécessité d’un conservatoire de musique en Guadeloupe. Cela aurait dû relever de la politique culturelle du Département. Des écoles de musique de quartiers palliaient ce manque et commençaient à prospérer, comme celle de Monsieur Deshauteurs à Pointe-à-Pitre. Mais les jeunes étaient le plus souvent orientés vers le violon ou le piano. L’apprentissage du solfège et la capacité de lire des partitions étaient limités à quelques privilégiés, la plupart des interprètes jouant « à l’oreille », c’est-à-dire sans connaissance théorique. La professionnalisation des spécialistes du zouk que devinrent les membres de Kassav, a contraint ces derniers à chercher leurs soufflants ailleurs. Ces musiciens sans background antillais ont su très vite trouver la sensibilité du zouk et devinrent rapidement des piliers du swing de Kassav.
Au fil des albums, la fréquence des titres de Kassav progressait inexorablement dans les programmes radiophoniques.
Des chanteurs confirmés se retrouvèrent sur l’opus n° 5 : Jocelyn Mocka, Dominique Panol, Ralph Thamar. Ils confortaient la présence du zouk comme incontournable dans les médias, au carrefour du genre et des voix.
Les premiers sondages radio permettant de savoir l’audience d’un média quart d’heure par quart d’heure, commençaient à concerner les Antilles françaises. Ils révélèrent de plus en plus la puissance de cette musique emmenée par Kassav auprès de la génération des baby-boomers aussi bien que de la génération Y.
Les « CSP + » (catégories socio-professionnelles supérieures) y virent tout de suite une musique aux mélodies et harmonies plus travaillées, sur des textes plus sophistiqués que d’habitude.
Un « Kassav’ club », propulsé par les radios, prit même naissance à Pointe-à-Pitre, tandis que des échos positifs venaient de Martinique, de France et d’Afrique. Kassav ratissait large.
Une autre nouveauté technologique contribua à mettre en orbite la fusée Kassav : l’invention du Compact Disque ou CD en 1982, développé par Sony et Philips avec un stockage de qualité numérique, à l’opposé de la cassette analogique désormais obsolète. Par ailleurs, la lecture laser sans contact évitait les bruits désagréables interférant avec la musique sur support vinyle.
Kassav arriva donc avec la FM stéréo, le CD et l’ère de la musique assistée par ordinateur : le monde entier allait lui ouvrir les bras dans une triple révolution : musicale, inclusive et digitale.
L’arrivée du CD, enregistrable cette fois, permit de copier la musique à qualité identique. Les producteurs, distributeurs et artistes se plaignirent des possibilités de nouveau pillage que permettait cette innovation. Cela eut toutefois pour effet d’augmenter la notoriété du groupe, entraînant de facto des rotations toujours plus fréquentes de ses succès sur les antennes.
D’autres groupes de ce style percutant connurent d’immenses succès : Zouk Machine, Chiktay, Zouk All Stars de Frederic Caracas (bassiste qui marque encore le zouk), des vedettes comme Edith Lefel, Tanya Saint-Val et son compositeur attitré Willy Salzedo… et des producteurs artistes comme Ronald Rubinel.
Parallèlement, Kassav s’enrichissait musicalement et humainement. Au trio de départ vinrent en effet arriver d’autres talents : Jocelyne Béroard, Patrick Saint-Éloi, Claude Vamur, Jean Philippe Marthely, Jean-Claude Naimro et bien d’autres ralliaient le phénomène. D’autre part, la qualité et la profondeur de leurs interviews aux radios permettaient à l’auditoire d’avoir une connaissance précise du parcours de ces artistes nés ici ou là, et d’appréhender le concept musical dont ils étaient porteurs dans ses aspects spatio-temporels et sociaux. L’interactivité médiatique leur permettait de se découvrir au point d’être familiers avec leur public. La demande croissait, la radio y répondait. Kassav n’a jamais été loin de ses fans.
Dans l’espace intra-médiatique, Kassav a été souvent l’enjeu d’une guerre entre médias majeurs, chacun arguant de sa prééminence, qui de première radio généraliste (RCI), qui de radio d’État (RFO), donc officielle (même moins écoutée), qui de première radio musicale (Sun FM à l’époque) donc spécialiste du genre.
Chacun voulait s’approprier Kassav et son zouk en en faisant sa figure de proue. De surcroît, le groupe avait signé contrat chez les plus grands producteurs. Il en découla une multiplication des titres, rythmée par la sortie des « singles » et des albums, dans une logique de marketing et de promotion propre à ces « majors » de l’industrie musicale.
Jacob Desvarieux se permit même une expérience « zoukante » d’œuvre de musique classique, avec le “Zouk Philarmonic Orchestra”.
Une émulation se créait aussi au-delà des groupes locaux qui reprenaient leurs tubes. Des groupes plus huppés d’Amérique latine ou de la Caraïbe reprenaient également leurs hits, comme les Shades of Black de Trinidad, qui firent même une tournée en Guadeloupe avec des reprises en anglais.
Désormais, chaque sortie discographique de Kassav était attendue et l’échantillon, donnant droit à primeur, était fortement convoité. Cet échantillon constituait la version finale et définitive du disque qui allait être bientôt commercialisée. En même temps que valeur de test, il permettait d’avoir en avant-première une exclusivité servant de teaser[1] pour le produit, tout en octroyant une certaine prééminence à la radio qui l’obtiendrait, d’où l’acharnement des responsables de radio à y arriver. Réussir à se le procurer pour une radio, supposait d’assurer en contrepartie de forte rotation, entraînant plus de succès pour le groupe ainsi que notoriété grandissante et parts de marché pour la radio. Les conventions de partenariat entre radio et orchestre proposaient un nombre toujours plus important de diffusion de titres et de spots promotionnels pour des concerts qui devenaient de plus en plus nombreux et réussis.
Un concert de Kassav constituait un évènement pour toute l’île et la radio s’en faisait régulièrement l’écho. Depuis cette première manifestation mémorable à Baie-Mahault où le courant sautait faute de puissance nécessaire, jusqu’aux semaines entières au Centre des Arts et de la Culture de Pointe-à-Pitre, avec des salles remplies et des aficionados enthousiastes, Kassav’ a fait du chemin.
Mais leur premier passage dans cette salle historique de la cité pointoise ne fut pas un succès de foule. Des extraits passés le lendemain à la radio, permirent, cependant au public, d’apprécier rapidement ce groupe qui s’était d’abord révélé comme un groupe de studio. Dès lors, l’itinéraire de l’orchestre passa souvent par les communes de l’archipel guadeloupéen : Capesterre, Anse-Bertrand et même Terre-de-Haut des Saintes, toujours dans le souci d’approcher au plus près son public, dans une connexion directe. Les concerts étaient souvent retransmis en différé, pour des raisons évidentes de fréquentation. L’ambiance des concerts, notamment dans les salles parisiennes, justifiait des enregistrements en live de CD puis de DVD, pour le plus grand bonheur des fans. Les plus grands succès de Kassav constituent jusqu’à présent l’essentiel de leur répertoire en concert, le public ne se lassant pas de standards confortés par leurs passages en radio. La pression provoquée par Kassav dans les programmes se précisait de sortie en sortie.
Kassav, avec ses sponsors de plus en plus nombreux et imposants, mit la barre de plus en plus haut, en permettant, chose impensable jusque-là, à des auditeurs guadeloupéens d’assister régulièrement à leurs concerts au Zénith de Paris, accompagnés de journalistes de médias locaux pour s’en faire l’écho et ainsi réamorcer la machine. C’était un modèle économique où le média radio était devenu essentiel à la promotion et aux ventes.
Sur le fond, chanter l’amour, la revendication, ou notre histoire commune en créole, satisfaisait une attente de plusieurs décennies. Kassav a dopé la radio en Guadeloupe, d’abord par sa créativité musicale inclusive, ensuite par son marketing et sa communication intelligemment ciblée pour une nouvelle offre. La tendance fut telle, que nombre de stations de radio et de TV associèrent le mot zouk à leur enseigne.
La présence de cette nouvelle musique, nommée le zouk sur les antennes de radiodiffusion, devenait familière et s’ancrait dans les stratégies de paramétrage des nouveaux logiciels de sélection automatisée des titres. Ces outils informatiques de plus en plus performants, devinrent indissociables de la radio moderne et allaient peu à peu prendre la place de l’animateur, programmateur de ses émissions. Il devient un simple animateur.
L’informatisation de la programmation demande toutefois un paramétrage en fonction de la politique musicale globale fixée par la direction d’antenne. Travail minutieux et déterminant. Dans ce système, de façon incontournable, Kassav s’imposa par la diversité de ses titres, qui pouvaient satisfaire de multiples créneaux horaires et thématiques, ainsi que la quête de novation artistique.
Kassav rogna, du point de vue de la fréquence de rotation, d’autres styles : la cadence pure, la cadence-lypso, le reggae, la salsa… Le compas toutefois résista relativement à la vague. De même que certaines niches dédiées. Et puis le Soca (Soul Calypso), venu de Trinidad, connut un succès notable.
Au fil des décennies, les responsables de programmation assimilaient le groupe à un syncrétisme musical finalisé, dont un seul titre pouvait représenter plusieurs matrices musicales. Style novateur, radio reformatée, paysage audiovisuel guadeloupéen, ouvert depuis 1981, génération de nouveaux auditeurs, climat de conscientisation collective : ces lignes de force participaient à l’amplification de Kassav sur le média radio, en même temps qu’ils augmentaient l’influence et les recettes de ce dernier.
La vague musicale du zouk se transformait en tsunami dans les médias, et Kassav en imposait le tempo. Les hits-parade constituaient un révélateur, en même temps qu’un moteur pour le zouk et la programmation car c’était là que les auditeurs déterminaient leurs titres favoris. Cet effet thermomètre fit qu’on compta jusqu’à trois titres d’un même album de Kassav dans un hit-parade.
La concurrence musicale dans les hits provenait, d’un côté, des Oliver N’goma, Zaïko Langa Langa, Sam Fan Thomas, Aurlus Mabélé, Freddy de Majunga, Bébé Manga… et de l’autre, des J. M. Harmony, Perfecta, Expérience 7 (géniteur de Zouk Machine), Typical Combo (fondé en 1968, avec son style « kabolo »), ou Tabou Combo et d’autres groupes haïtiens…À cela s’ajoutait les déclinaisons de Kassav lui-même (Soukoué kô, Turbo II) et les disques solos, expériences différentes des membres du groupe qui entretenaient une présence radiophonique permanente de l’ossature-référence Kassav, reconnaissable entre toutes.
Le départ de Patrick Saint-Éloi du groupe en 2002, après vingt ans de collaboration, n’influa aucunement de façon négative la notoriété et le succès du groupe ou celui de l’intéressé. La filiation était définitive et leurs réussites s’additionnaient sans concurrence. Pour la radio, cette scission décuplait même l’effet Kassav et l’effet zouk. La transversalité était évidente et le genre musical en question en sortit grandi.
Des artistes de plus en plus nombreux poussèrent la porte du zouk en le modulant. Il prit alors les qualificatifs de « béton », « chiré » ou « love », en fonction du tempo et des textes.
Kassav devint aussi découvreur de talents avec le concours « Rêve Antillais », porté par les radios et le concept Grand Méchant Zouk (GMZ), spectacles discographiés et par conséquent radiodiffusés. Pascal Vallot fut le premier vainqueur du concours “Rêve Antillais”, et reste encore l’auteur de comédies musicales d’excellente facture, une relève avant la lettre.
L’expérience Joëlle Ursull-Jacob Desvarieux en 1990, demeure un grand succès musical et radiophonique. Ce dernier collabora régulièrement avec d’autres artistes dans des styles différents, imprégnant chaque fois, d’une touche zouk, des morceaux initialement étrangers à ce genre.
Les clips vidéo commençaient alors à compléter l’action des radios, en initiant une créativité visuelle et graphique de plus en plus appréciée du grand public.
Ont fleuri sur les ondes des groupes tels Zouk Time, Zouk Party, Zouk Ballade, Zouk Orchestra, Champagne de Frederic Caracas, artiste et créateur de talent, et tant d’autres, de qualité inégale. En effet, avec l’informatique et les boîtes à rythme, des ersatz de Kassav commençaient à proliférer. Le zouk subissait son darwinisme.
Certains groupes adoptèrent un nom a priori porte-bonheur : Manioc, Malanga, Zépis, Ziyanm ou Diktam, mais Seul Kassav connut la pérennité. Ses titres devenus « gold », l’ont conduit à l’inamovibilité dans les programmes radiophoniques, jusqu’à avoir aujourd’hui une chaîne 100% Kassav programmée sur internet. Assurément, le groupe en imposait, au point de lancer des produits dérivés inattendus tels les « POG » ou une boisson festive : le « Zouk pétillant ». !
L’interpénétration musico-médiatique, désormais plus forte grâce à la puissance de Kassav et à son internationalisation, permit de fabriquer et déterminer la carrière d’animateurs, de producteurs et de journalistes qui associèrent leur nom au phénomène, et se firent leur place dans les radios locales antillaises. La relation était réciproque : une symbiose existait entre le groupe, le média et ses représentants, pour un ruissellement de succès mutuels. Mais la satisfaction de l’auditeur constituait l’essentiel, son ressenti était primordial.
Réaction de l’auditoire et internationalisation du phénomène
La proximité désormais établie de la radio générait une incessante interactivité. Les retours d’auditeurs étaient soigneusement étudiés par les directions musicales pour leur programmation. Les opinions confluaient vers une approbation explicite des œuvres de Kassav.
Dans l’émission à succès « Opinions sur rue », des auditeurs déclarèrent que Kassav est :
le miroir de la vie qui coule, charriant nourriture, reliefs et bagages, pour le corps et l’âme », ou « quand le violon rejoint le tambour mas [tambour St-Jean qu’on peut entendre notamment en période de carnaval, lors des défilés des groupes dits « à peau »], le salon devient rue et la rue devient salon ».
– Enfin, nous pouvons nous identifier et retrouver notre quotidien : « Souskay », je connais, « Pon Gaba » je connais. Une véritable thérapie collective ».
Une auditrice d’un certain âge se félicitait à l’antenne de la reprise des chansons traditionnelles qui avaient connu un silence radio injuste : « lari zabim » ou « Oh Madiana » ressuscitaient des souvenirs enfouis, une jeunesse retrouvée.
- « Breton d’origine, je ne connaissais pas du tout la musique antillaise ; mais entrainé par ma compagne au Zénith, j’ai découvert un autre sens de la fête dans une musique chaleureuse, généreuse qui vous emporte en balayant vos soucis. Cette musique m’a permis de mieux me pencher sur l’histoire des Antilles et de découvrir la créolité, une autre facette de la France. »
– Un jeune a pu dire,
j’ai redécouvert les classiques du tambour gwo-ka grâce à Kassav, Mon père m’a fait écouter Germain Calixte dit Chaben, qui chantait « Mwen di manman zonbi baré mwen » quand j’avais découvert « Soucougnan » et « Zonbi » de Kassav. Avec Kassav, notre mythologie revient dans la modernité.
– Un autre confiait,
les tensions qui pouvaient exister entre les peuples de Martinique, France, Guadeloupe, Afrique et l’arc Caraïbe, disparaissent grâce à Kassav. Une chanson de Jacob Desvarieux, « Pombiray », rend même hommage à la composante indo-guadeloupéenne ! Kassav rapproche tout le monde ».
Dans le froid et la grisaille de la France, au-delà du radiateur, Kassav nous réchauffe physiquement et moralement dans nos soirées, avec son soleil des Antilles. Même dans le métro et le RER, mes oreillettes m’inondent de la joie de vivre de Kassav ».
« Notre tradition est remise élégamment au goût du jour », « Kassav a permis l’émergence d’une poétique musicale créole, surtout avec Patrick St-Éloi »,
Espoir, résilience, révolution non-violente, perspectives sociétales, voilà d’autres avis d’auditeurs, tout comme ces déclarations :
Ce sont des artistes complets : auteurs, compositeurs, interprètes et même comédiens dans le film « Siméon», d’Euzhan Palcy
Toutes les récompenses de Kassav nous appartiennent, depuis le premier disque d’or, ce sont nos meilleurs ambassadeurs dans le monde entier. Nous sommes dans leurs bagages.
Cette appropriation collective de Kassav disait la fierté que le groupe suscitait dans le pays. Et le média radio était devenu la première caisse de résonance de l’orchestre et de l’ampleur que prenait le zouk à l’international. La nouvelle se répandait à la une des journaux d’information.
Plus tard, grâce à Internet, les concerts de Kassav dans le monde entier, en Angola, à Madagascar, au Japon ou en URSS ou dans d’autres pays lointains étaient évoqués par des auditeurs guadeloupéens. Leur enthousiasme dans leurs interventions radiophoniques en témoignait.
Conclusion
Du concept initial de Pierre-Édouard Decimus jusqu’au sommet des hits parade, en passant par les premières expériences de studio, le zouk de Kassav, musique intégrative empruntant à la chanson traditionnelle comme à la modernité via le tambour de rue, détermina une nouvelle configuration médiatique.
Un chanter créole, un savant mélange de rythme, de tempo, d’outils nouveaux, une stratégie de conquête du public et des ondes, permirent à Kassav et la radio de fonctionner très tôt ensemble, aux confluences de la vie guadeloupéenne : celle du paysan, de l’écolier ou de l’intellectuel, en proposant une musique qui parlait aux gens parce qu’elle parlait des gens. De leur vécu peuplé de dieux, de démons locaux, de passions humaines, et en pansant la douleur de l’exil. Et en s’imposant encore à l’international, grâce à l’aspect novateur et à la richesse de leur son. Depuis quarante ans, dans les programmes radiophoniques de Guadeloupe, le zouk de Kassav est facteur d’émancipation.
« Ça c’est le zouk ! »
Bibliographie
Berthon André, RCI. Radio Caraïbes, carnets secrets, Caraïbéditions, Petit-Bourg, 2016, 275 pp.
Birman Seytor Jacqueline, Mass a Senjan, Éditions Nestor, Gourbeyre, 2014, 250 pp.
Coco Gilbert, Itinéraire d’un musicien guadeloupéen, Gilbert, ditions Nestor, Gourbeyre, 2013, 259 pp.
Collectif, Le procès des Guadeloupéens, Éditions L’Harmattan, Paris, 2004, 446 pp.
Debs Henri, Mémoires et vérités sur la musique aux Antilles, Histoires vécues, Pointe-à-Pitre, 2011, 368 pp.
Henderson Gordon, Zoukland, Editions Creole classics, 1998, 176 pp.
Lafontaine Marie-Céline (dir.), « Les musiques guadeloupéennes dans le champ culturel afro américain au sein des musiques du monde », Actes du Colloque de Pointe-à-Pitre de Novembre 1986, Éditions Caribéennes, Paris, 2000, 261 p.
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[1] Accroche publicitaire sans mention de produit ou de marque, destinée à intriguer le public et à retenir son attention jusqu’à la campagne proprement dite. (Source Larousse en ligne).