Du sacré en musique. Le zouk :
Confirmation ou dilution ?
Analyse ethnomuiscologique /

The sacred in music. Zouk : Confirmation or dilution? Ethnomuiscological approach


François BINGONO BINGONO

Université de Yaoundé I – Cameroun

Abstract

In African cultures, the concept of music refers to the three inseparable elements of song, dance and poetic speech. Indeed, this conception makes music a complete and transcendent communication. The visible and the invisible meet in the music which through song, dance and poetic speech, can address ancestors, spirits and geniuses. Music therefore remains essential for any ritual activity. Zouk, in terms of its organological, rhythmic, melodic and choreographic analysis, identifies itself as a variety music with a strong heritage value. However, heritage music fully plays its sacred role. What about Zouk ? Does it always allow that we can rise to the level of the astral world where the decorporated entities move ? Is Zouk still so culturally rooted that it can accompany rites and cults? Can it arouse trance in the initiated dancer ?

Une approche investigatrice ethnolinguistique démontre à suffisance que le concept musique n’existe pas en négroculture. En effet, cette activité inhérente au quotidien de l’homme Noir est un cumulatif à titre de triptyque. Musique renvoie à : chant, danse et parole poétique. Le Noir ne conçoit pas qu’une musique ne soit pas chantée ; qu’elle ne soit pas une invitation à la danse, et qu’elle ne soit pas un exposé du beau langage. Ceci en fait une communication à part entière, une communication transcendantale. C’est le langage qu’on utilise pour des convenances ludiques certes, et alors on peut parler de phéno-musique ; mais également et surtout pour s’adresser aux ancêtres, aux esprits, aux génies, aux divinités, à Dieu. Ce qui est du ressort de la crypto-musique. Le sacré de la musique ne souffre par conséquent pas d’une réplique à valeur de rétorque : c’est une évidence. Le zouk, à l’instar de toutes les musiques afromondiales : Antilles, Amérique latine, U.S.A.…, nous donne de très bonnes raisons d’affirmer qu’il ait conservé l’âme musicale de ses origines millénaires : l’Afrique. Une rétrospective de l’historique du zouk démontre qu’il va d’un chant a-capella ; ensuite, mélodie à trame rythmique soutenue par divers tambours, hochets, sonnailles, flûtes et grattoirs qui sont les instruments de la sacralité. Nous n’aurions dès lors pas de doute à lui reconnaître toujours son côté sacré. Or de nos jours, le zouk pourrait être dit profané par l’ensemble des supports musicaux modernes philarmoniques et symphoniques : guitares, pianos, orgues, violons, vents et cuivres. Ils l’embellissent tant et si bien que puristes et conservateurs pourrait bien se poser la question suivante : du sacré des origines patrimoniales du zouk originel au zouk de nos jours, fierté de toutes les Antilles, est-on en droit de se lamenter d’une perte de son âme africaine, ou alors de confirmer du maintien de la vivacité de celle-ci ? On pourrait également s’interroger : le zouk, musique patrimoniale ou alors musique de variété ? Une analyse ethnomusicologique somme toute modeste, se propose de suggérer des modalités de réponses. Et ces réponses sont toutes affirmatives pour les raisons qui vont suivre. Pourtant, il nous semble inévitable de procéder à un rappel historiographique de la musique patrimoniale noire.

 

Définition de quelques concepts opératoires

Ethnolinguistique :
Branche de la linguistique, science de la langue et du langage qui consiste à vérifier de la maîtrise d’un fait culturel sur la base des mots authentiques de vocabulaire. En effet, les mots ne désignent que des réalités culturelles connues des locuteurs d’une langue. Une réalité inconnue d’une culture n’a pas de mot pour la désigner.

Négroculture :
Ce lexème à valeur de néologisme, renvoie simplement à l’ensemble de la civilisation noire africaine.

Ancêtres :
Ce ne sont pas tous les morts qui sont des ancêtres ; il y a une critériologie :

♦ Être mort au moins à l’âge adulte
♦ Avoir mené une vie de juste
♦ Avoir marqué son temps par des actes notoires
♦ N’être pas mort des suites de suicide ni de maladie sociale
♦ On devient alors ancêtre pour ses descendants, quatre générations après sa mort

Divinités :
Ce sont des entités élémentales positives ; elles sont immatérielles et décorporées. C’est leur nature originelle : esprit, génies, anges, archanges…

Afromondial :
Nous y regroupons à titre fédératif, l’ensemble de la créativité noire de la diaspora parmi les Noirs originels en : Europe, Iles, U.S.A. Amérique Latine… Nous ne prenons pas en compte les Noirs de passage. 

Ethnomusicologie :
C’est la science de la musique dite ethnique.

Famille des sons et typologie des supports de la communication ludique

La musique patrimoniale camerounaise et africaine, fonctionne par mise en commun harmonieuse des éléments sonores vocaux : la mélodie, et des éléments acoustiques : les supports ludiques de la communication. Ils en constituent l’orchestre.

Les grandes familles de sons

L’orchestre qui soutient la batterie de la musique patrimoniale africaine est fait de tambours, de tams-tams, de balafons, de guitares qui parlent chacun son langage… Or, pour leur meilleure connaissance, il convient de les classifier selon la famille des sons telle qu’elle est standardisée.

  • Les membranophones 

C’est la famille des tambours. L’organe résonateur est une peau fixée à un amplificateur. Les tambours varient en taille et en forme.

  • Les cordophones:

C’est la famille des cordes. L’organe résonateur est une corde acérée à un amplificateur. Ledit amplificateur est fait de bois, de peau ou de métal.


Photo du mvet
(photo MINCULT)


Okambo
, petit Ngomo du Mbandja Tamemandja.
(Photo BINGONO, 11/06/2011)

  • Les aérophones:

La famille des vents. Le son est produit par introduction de colonnes d’air à l’intérieur d’un amplificateur. Le roseau et le bambou sont une matière végétale très appréciée.

  • Les hydrophones:

L’eau est l’élément résonateur de ces supports. Elle est parfois contenue dans un récipient fermé ; parfois aussi, l’on renverse une simple calebasse dans une bassine remplie d’eau. Par ailleurs, des jeunes filles ou même des femmes transforment une portion de l’eau d’une rivière ou fleuve en support de musique. Elles jouent en orchestre avec une stricte répartition des tâches.

  • Les idiophones:

C’est la grande famille des corps solides résonants. Elle comprend les métallophones : cloches, gongs, cymbales…, les xylophones : balafons, tambour à fente…

Il est à rappeler que l’ensemble des supports qui ressortissent à ces familles, et il n’en existe pas d’autres, se classifient en supports rythmiques d’accompagnement, en supports de solo, en supports rythmiques de cadence. Autant les instruments de solo sont bavards, construisent des broderies, des syncopes, autant ceux chargés de soutenir la cadence de la danse qu’on pratique jouent invariablement, sans fantaisie.

La symbolique des supports de la communication ludique

Le support de la communication ludique, l’instrument de danse, est un communicant. C’est un orateur qui parle de son langage. On lui doit par conséquent le même respect dû à tout orateur. Il est de ce fait, anthropomorphe. Le Nkúl chez le peuple ékang, peuple bantu de l’Afrique centrale, est protégé par de nombreux tabous : ne jamais le chevaucher ; ne jamais l’abandonner aux intempéries de la nature ; ne jamais en faire du bois de chauffage quand il a vieilli, car c’est un homme ; et il mérite du respect même couché sans vie. En outre, il est dit doté de valeurs thérapeutiques : faire boire de l’eau contenue dans le Nkúl guérit de son handicap langagier, le bègue.

Le nkúl, une photo du support
(photo MINCULT F.E.N.A.C. Maroua 2008)

Autre argument renforçant le côté anthropomorphe des supports ludiques, et particulièrement le Nkul, la morphologie. En effet, les parties qui le constituent sont baptisées : bouche du nkul, ventre du nkul, lèvres du nkul, languette du nkul… Ceci n’est pas sans rappeler les organes phonatoires de l’être humain dont il est un calque.

Dans une perspective descriptive de l’orchestre patrimonial, il apparaît de toute évidence que les noms que portent les divers supports sont significatifs : le tam-tam ou tambour ou balafon père, celui au son grave ; mère pour ceux au son aigu, fils pour les plus petits, jouant d’ailleurs un rôle intermédiaire entre le père et la mère. L’ensemble de petits supports accessoires : castagnettes, hochets, claquoirs qu’on distribue à l’assistance sont dits représenter les voisins et visiteurs. Au bout du compte, l’orchestre est à l’image de la famille africaine. Sa signification est celle-là, une métaphore sociétale. Et comme dans la famille où c’est le père qui dirige en premier, le tam-tam ou balafon dit père est celui qui entonne et précise le genre de danse qu’on va pratiquer, à travers une attaque en solo. Sitôt le la entonné, les autres supports font leur entrée dans un jeu d’ensemble symphonique.

Pour les danses ékang, où le nkul parle effectivement la langue de la communauté, grâce au système onomastique de ce peuple qui dote chaque habitant d’un patronyme, et d’un nom tambouriné appelé Ndan ou devise, le nkul entretient un dialogue avec chaque danseur. Le nkul père peut appeler qui il veut par son ndan, lui dicter des pas de danse à exécuter.
Exemple :

Courbe-toi,
Fais face à ton voisin,
Tremble du torse,
Arrange tes colliers,
Vas t’asseoir, tu es trop nonchalant…

La danse patrimoniale se distingue dès lors de la danse dite contemporaine par les supports, par les instruments à travers la diversité signifiante de la fonction qu’ils assument. Ce sont des supports qui parlent et qui ne se limitent pas au son qu’ils produisent. La musique patrimoniale, véritable brouhaha chez les non-initiés au décryptage, est un réel dialogue entre les batteurs et les danseurs.


Typologie des genres de la musique patrimoniale

Genèse de la danse

 Une approche anthropologique des origines de la danse affirme que le chant et la danse sont nés partout chez les humains, de l’observation et de l’écoute des éléments animaliers, végétaux et minéraux de la nature. L’homme apprend à observer les animaux et les oiseaux, particulièrement pendant la saison des amours. Il reproduit leur chant et imite leur comportement. L’étude du Bikutsi, une danse ékang atteste que c’est la femme qui est la première à pratiquer ces activités : chanter et danser, de par sa nature et sa morphologie qui s’y prêtent bien : elle a la voix fluette, de la grasse dans les manières, à l’opposé de l’homme, le mâle, cette brute qui tonne des ordres et exprime des mouvements virils, sans manière. Danser et chanter sont considérés comme des activités féminines. Seuls le jeu des instruments est du domaine de prédilection des mâles. C’est dans l’historicité du monde en marche, et du dynamisme de toute culture que l’homme a progressivement été admis à pratiquer le chant et la danse. Et même, jusqu’à nos jours, on continue à comparer à une femme, l’homme qui chante ou danse bien :

Il danse aussi bien qu’une femme
Il a la voix aussi belle que celle d’une femme

Classification de la danse en genres

La danse patrimoniale compte deux grands genres :

      • ♦ Les genres majeurs
      • ♦ Les genres mineurs

Les genres majeurs renvoient aux danses initiatiques, réservées, sacrées. Elles sont certes exprimées par les humains, mais s’adressent à l’au-delà : les ancêtres, les esprits, les génies. Rituéliques, ces danses sont une intersession, un pont vers le Transcendant à qui on ne s’adresse pas, sauf en passant par les intermédiaires que sont les ancêtres, les génies et les esprits. Les genres de danses dits majeurs sont liturgiques, ils sont une partie du culte ; les danses majeures sont dès lors religieuses. On peut les qualifier de crypto-danses.

Les genres mineurs quant à eux sont populaires. Ils appartiennent à la réjouissance, à la célébration. C’est pour le plaisir des sens, de la sensibilité, de la sentimentalité. C’est le défoulement, l’expression de la joie pure. On ne leur associe aucun caractère religieux ; ce n’est pas une demande à quiconque pour recevoir quoi que ce soit. On peut dès lors les caractériser de phéno-danses.

Pourtant, si la portée des genres majeurs et mineurs leur distingue une divergence, d’autres critères classificatoires les rapprochent : la catégorie et les supports.

      • ♦ La catégorie : qu’il s’agisse des phéno ou crypto-danses, elles se divisent en :
          • • Danses féminines
          • • Danses masculines
          • • Danses mixtes

Certaines catégories excluent l’homme ou la femme, tandis que d’autres les mélangent dans une communion parfaite. Pour le compte des danses féminines exclusives, la latitude est néanmoins laissée aux hommes de jouer des instruments. Pas que cette activité soit interdite à la femme, mais tout simplement pour le côté performance et endurance. Battre tams-tams et tambours est une épreuve physique. Or il faut parfois danser toute la nuit, ou de très longues heures pendant les séances de jour. Ceci explique la timidité de la femme à s’impliquer activement dans le jeu des instruments. Certaine danses rituéliques féminines sont a capella, sans accompagnement orchestral, afin de préserver l’intimité le chant, la danse et la femme.

Pour ce qui est des supports : il convient de préciser d’abord que l’instrument de musique n’est pas sacré en soi ; c’est l’utilisateur qui lui confère une dimension de sacralité, en fonction de ce pour quoi on joue. Les petits enfants restés au village pendant que les parents sont au champ, s’exercent au jeu des instruments dans un tintamarre bouleversant et agressif. Par ailleurs, les mêmes instruments ayant animé une réjouissance populaire, sont exploités pour les danses rituelles d’inhumation, ou d’exorcisme patrimonial à but thérapeutique.

Les postures de la danse patrimoniale

Cette posture de NGAMBIDA Salomé n’est pas sans rappeler celle d’un oiseau de proie en position d’attaque. Bien en éventail et aussi large que possible, l’artiste trépigne sur place sans avancer. Les raisons, explicitées plus bas, sont relatives à la nature touffue de la forêt où il n’y a guère d’espace conformément à sa zone géographique d’origine. NGAMBIDA Salomé a représenté le Cameroun dans les années 1960, partout en Afrique, en Europe, en Amérique.

La danse, qui naît de l’observation des éléments de l’environnement, comporte des postures ou attitudes conformes ou inspirées des acteurs de son environnement. Il y va de l’environnement géographique : la forêt, la savane, la steppe ou le désert, et de l’environnement faunique : les animaux : ceux tapis, élancés, les grimpeurs, sauteurs ou ceux qui rampent. Le pas de danse patrimonial n’est pas sans emprunter à ces divers comportements-là.

Tams tams et tambours : quand la bamboula, ancêtre du zouk, confirment leur caractère sacré

L’instrument de musique typique, tel que nous venons d’en parcourir une typologie, parle de son langage sacré, et s’adresse directement aux plans supérieurs de l’univers ; il s’agit de la nature invisible. L’argumentaire scientifique en est le suivant :

Selon Drouot, le corps éthérique est une interface entre les énergies élevées et le corps physique. Et, tous les initiés et grands maîtres spirituels le savent, le corps éthérique se situe à trois centimètres du corps physique. Il suit l’esprit quand on décède. Et c’est lui que les initiés, voyants et clairvoyants perçoivent sous forme spectrale après la mort et l’inhumation de quelqu’un. On les entendra dire : me yene kôn – j’ai vu un fantôme. Cette vision est celle du corps éthérique, perceptible également par les enfants. DROUOT dans sa perception du corps éthérique précise qu’il existe sept étapes de la conscience humaine :

        1. ♦ Niveau 7. C’est celui de l’état normal de veille, celui de la conscience normale, quotidienne. Le cerveau génère des ondes beta (fréquence : 13 à 60 Hz ; amplitude : 30 microvolts).
        2. ♦ Niveau de conscience 14. C’est celui du corps endormi mais avec un esprit éveillé. Il correspond aux états de relaxation. Le cerveau génère des ondes alpha (8 à 12 Hz ; amplitude : de 30 à 50 microvolts.
        3. ♦ Niveau de conscience 21. C’est l’expansion de la conscience. Il est caractérisé par des visualisations mentales. Le cerveau génère des ondes thêta (de 3 à 8 Hz ; amplitude : de 50 à 100 microvolts). Les recherches effectuées au laboratoire du Monroe Institute (aux USA) démontrent que dès l’atteinte du NC21, se produit un mélange d’ondes alpha et thêta. On peut décoder des corps éthériques ou astraux.
        4. ♦ Niveau de conscience 28. Le sujet sort du temps habituel, linéaire. Le temps prend une dimension d’espace. On commence à marcher à travers le temps. C’est probablement l’espace-temps einsteinien.
        5. ♦ Niveau de conscience 35. c’est le monde des morts, des guides, des archétypes. On navigue dans le futur possible. Cette éventualité est envisagée mathématiquement par les physiciens (il suffit de se déplacer à la vitesse de la lumière, c’est-à-dire à 300.000 km/s, performance qu’aucun engin matériel n’a encore réussi à réaliser).
        6. ♦ Niveau de conscience 42. C’est le plan cosmique : lumières qui brillent, niveaux de fréquences intelligentes, lumières de la création. Champ d’énergie relativiste.
        7. ♦ Niveau de conscience 42 à 49. C’est la vacuité, la source, le UN, selon Drouot. La conscience se fond dans la Source comme l’Eau se mélange à l’eau.

Pour essayer de mieux comprendre et cerner ces réalités scientifiques où nous nous perdons presque, nous avons rencontré un ingénieur électroacousticien doublé d’un ingénieur des travaux de télécommunication. Il s’agit de Jean-Claude FOE FOE. Il nous semble d’autant plus indiqué qu’il est un praticien du nkúl, et bien trempé dans la culture du support, dans tous ses aspects, phéno et crypto.

De l’avis de FOE FOE, la musique instrumentale n’est pas initialement adressée aux hommes, mais aux ancêtres, aux esprits, aux génies, aux divinités. FOE FOE qui a été l’un des Ingénieurs impliqués dans la sonorisation du méga-concert des Kassav à Yaoundé au Cameroun explique :

Dans les traditions bantu, il est aisé de comprendre que les ondes vibratoires d’un instrument rituel tel que le nkúl, s’étalent sur le spectre qui communique directement avec l’esprit de l’homme ; en effet même l’esprit de celui qui ne vit plus. La corrélation est parfaite puisque le son est de nature ondulatoire et toute onde vibre à une certaine fréquence. Le phénomène de la perception n’est plus discutable puisque le message et le code de la communication sont homogènes au support et à son récepteur… Certains trépassés utilisent les longueurs d’ondes que nous leur fournissons pour répondre aux initiés ; ils peuvent parfois reformer leur propre voix et se faire entendre de tous sur la bande de fréquences audibles allant de 20Hz à 20KHz. Or, tams- tams et tambours s’expriment à cette fréquence. Pour nous les Ekang, ce phénomène de trans-communication avec les morts à travers le nkúl, n’est que naturel.

Vincent NGUINI, méga-star internationale, qui fut le guitariste attitré de Paul Simon, chef d’orchestre de Manu DIBANGO et qui aura partagé de nombreuses scènes avec le groupe KASSAV, nous enseigna à l’occasion d’ateliers radiophoniques de musique à la Radiodiffusion du Cameroun à Yaoundé que :

La musique patrimoniale africaine et particulièrement celle des Bantu a pour base : le mixo- leadien.

Pour notre compréhension, il expliquait :

… Qu’il s’agit en outre, de l’utilisation récurrente des accords de onzième et de treizième, strictement interdits d’usage en musique classique et de variété en Occident, car présentés comme étant les accords du diable. Ce sont des accords qui s’élèvent entre 20Hz et 20KHz, qui correspondent au niveau de conscience des plans cosmiques.

Le zouk du Kassav reste conforme à toute cette analyse. Et sa modernité musicale n’altère en rien l’origine sacrée de la musique primordiale de ses origines africaines :

        • ♦ La place de choix réservée aux tambours
        • ♦ L’usage parfois des plumes d’oiseaux dans le décor et particulièrement le costume des danseurs
        • ♦ Le recours récurrent aux gammes mineures et accords s’étendant des 9èmes aux 13èmes
        • ♦ La technique de la syncope
        • ♦ L’usage des idéophones ou onomatopées
        • ♦ L’interactivité entre musiciens et public
        • ♦ La pratique du phrasé incantatoire
        • ♦ La place de triomphe allouée à l’a-capella
        • ♦ L’osmose intra et inter-artistes et public

Sont entre autres paramètres ethnomusicologiques, ceux qui permettent de placer le zouk du Kassav au sommet, comme meilleure expression musicale afro de la diaspora, dans les genres les plus proches des sources originelles.

Conclusion

Le zouk du Kassav n’est pas un phénomène tombé du néant : il a un passé, une origine, une histoire digne d’une historicité scientifiquement analysable. Le zouk est une émanation d’un groupe d’homme et de femmes. Même quand on vous prive de votre dignité d’homme, bafoue votre corps, vous déporte géographiquement, l’âme elle, reste inviolable. Elle est inéluctablement l’archive de tout le substrat culturel qui remonte au plus loin de l’ADN. La déportation géographique n’est pas culturelle. La culture coule dans les veines, et réapparaît où est-ce qu’on soit, portée par les gènes du sujet. Le zouk reste un exemple patent et pertinent de ce que les fils de mère-Afrique portent comme contribution à la construction du village de l’humanité. 

 

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